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 Gonzalve Desaulniers (1863-1934) Épître

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MessageSujet: Gonzalve Desaulniers (1863-1934) Épître   Gonzalve Desaulniers (1863-1934) Épître Icon_minitimeLun 22 Oct - 11:12

Épître

Je suis triste jusqu'à la mort, mon bien-aimé,
Triste d'avoir voulu, dans le bois parfumé
Par l'odeur du sapin, de l'yeuse et du tremble,
Refaire le chemin que nous faisions ensemble.
Pourtant je ne devais jamais plus y venir,
Mais ce bois était plein de ton cher souvenir.
Chaque arbre me parlait de toi, dans chaque sente
Toujours je retrouvais ton image présente.
Comme je revois mieux l'heure où tu m'apparus!
J'étais aux pieds des monts, l'été sur les blés drus
S'épandait lourdement. Dans la plaine inégale
L'éclair des faulx rythmait le cri de la cigale,
Et pendant que les faulx courbaient les blés, pendant
Que la torpeur de l'air, sous le soleil ardent,
Abattait tout, les prés, les coteaux et les branches;
Pendant que, déployant leurs fines ailes blanches,
Les papillons bravaient cette immobilité,
Tu passas et tu vins jusqu'à moi. La gaîté
De mes seize ans te fit audacieux et tendre
Et la main que tu pris je ne pus la reprendre.
Nous cheminâmes sous les pins, t'en souvient-il?
Ces grands pins nous versaient un arôme subtil.
Des vols légers s'entrecroisaient dans les ramures
Et je me demandais si les proches murmures
Des sources n'étaient pas un écho de ta voix.
O ces premiers désirs! A ces premiers émois!
D'une chair qui sommeille et d'un coeur qui s'ignore
Malgré mes pleurs, vois-tu, je les bénis encore.


Nous y revînmes bien souvent dans ces chemins!
Dois-je te rappeler les joyeux lendemains
Qui suivirent? Tu sais mieux que moi ce qu'ils furent.
Les mots que nous disions quand les feuilles murmurent
Je les entends toujours, tu ne les entends plus.
Tu fus mon compagnon tout un été, tu fus
Celui qui chaque jour, quand les durs attelages,
Pliant sous la moisson, descendaient aux villages,
Me ramenait à ma demeure et me disait
Les doux propos dont tout mon être se grisait.
Nos rires éclataient sur les routes déclives,
Alors que les fossés, bordés de fleurs tardives,
Embaumaient l'air et que dans mon blanc tablier
Tu cueillais la framboise et le fruit du mûrier.
Quand les soirs déroulaient le voile des pénombres,
Muets, nous regardions se détacher les ombres
Des flancs de la montagne et sur les bois épais
Mélancoliquement redescendre la paix.

Des silences soudains montaient des lacs tranquilles
Et nos yeux, s'égarant aux pieds de leurs presqu'îles,
Qu'un cercle de clartés nocturnes entourait,
Reflétaient l'infini du ciel qui s'y mirait.
Puis lorsque retombaient les ultimes ténèbres,
Semant d'étoiles d'or leurs tentures funèbres,
Tu t'asseyais comme un amant à mes genoux
Et la douceur des nuits se glissait entre nous.
J'aurai vécu ma vie en ces heures trop brèves!
Et c'est toi qui rompis le fil bleu de mes rêves,
Car un matin tu t'en allas, sans nul souci
Du morne isolement que tu créais ici;
Et la petite paysanne délaissée
Ne fut plus dans ton coeur qu'une image effacée!
Cependant, tu m'aimas, car j'ai tenu souvent
Ton front brûlant sur mon épaule quand le vent
Charriait sur le val les feuilles de septembre,
Pauvres feuilles mourant dans des plis d'or et d'ambre.

Tu m'aimas, je le sais, mais il aurait fallu
Aimer aussi mon champ; tu ne l'a pas voulu.
Dans le calme des pins, dans la fraîcheur des sources,
Dans les sentiers croisés au hasard de nos courses,
Dans l'ombre des forêts, dans le chant des oiseaux,
Dans les brouillards rosés qui traînent sur les eaux,
Dans les blés jaunissants, dans l'avoine fleurie,
Dans les petites fleurs tachetant la prairie,
Dans les cloches troublant la dolence de l'air,
Dans le soir empourpré, dans le matin plus clair,
Dans les grands boeufs paissant au bruit de leurs clarines,
Ou sous nos humbles toits parés de capucines,
Tu n'as vu que moi seule et tu n'as pas compris
Que l'amour de la terre, hélas ! était le prix
De mon amour et que dans la tige qui ploie
Il te fallait chercher le secret de la joie
Mais tes mains n'étaient pas faites pour nos labours.
Tu ne sais que chanter comme ces troubadours
Dont les vieux imagiers ont gravé la mémoire.
Volages amoureux, épris de folle gloire,
Et qui de bourgs en bourgs, dans les temps anciens,
Faisaient pleurer des yeux, comme pleurent les miens.
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Gonzalve Desaulniers (1863-1934) Épître
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