PLUME DE POÉSIES
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 Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4

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James
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Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4 Empty
MessageSujet: Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4   Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4 Icon_minitimeDim 16 Déc - 13:34

ACTE 2 SCENE 4

Le comte, Léar.

Le Comte, à part, en regardant Léar.
Son oeil ne me voit point, et paraît s' égarer.
Il recule ; et, plein de surprise et de compassion,
Il observe Léar dans un silence immobile.
Léar, promenant un regard vague autour de lui.
Je n' aperçois pas Kent. Il plaindra ma misère ;
Il est né généreux : je le crois... ciel ! Un père !

Des monstres dévorans sont entrés dans mon sein.
Quoi ! Ma fille ! Mon sang ! ... couronné par ma main !
Oh ! Ma raison s' enfuit à cette horrible idée !
Léar, tu n' es plus rien ; ta puissance est cédée ;
Tu te repens trop tard... sous quels traits odieux
La perfide peignait l' innocence à mes yeux !
Avec quel art sa voix m' entraînait vers l' abyme !
J' ai proscrit la vertu pour couronner le crime.
Helmonde, tu m' aimais ! ... je sens deux traits brûlans
S'enfoncer dans mon coeur ; mes remords, mes enfans.

Avec un regard toujours vague.

Kent n' est pas dans ces lieux !

Le Comte, se jetant aux pieds de Léar.

ô mon prince ! ô mon maître !

Léar.
Je revois mon ami. Peux-tu me reconnaître ?

Le Comte.
Ah ! Puisqu' à moi, seigneur, vous daignez recourir,
Kent ne vous quitte plus ; Kent est prêt à mourir.

Léar.
Tu déchires mon coeur.

Le Comte.
Séchez, séchez vos larmes.

Léar.
Tu me l' avais prédit ; j' ai blâmé tes alarmes ;
J' ai ri de tes conseils : mon sort s' est accompli.
Ce front, par la couronne autrefois ennobli,
Tu le revois honteux, souillé, couvert d' outrages.
Sans suite, sans honneurs, privé des avantages
Dont tout vieillard obscur jouit à son foyer,
Sous l' horreur du mépris il m' a fallu ployer.
Mon âge et mes bienfaits, rien n' a touché ma fille.
Dieux, punissez un jour l' ingrate Volnérille !
Tandis que son palais, brillant, tumultueux,
Retentissait du bruit des festins somptueux ;
Tandis qu' avec éclat, sous des voûtes pompeuses,
S' élevaient des concerts les voix harmonieuses,
Seul, et dans l' ombre assis, confus, humilié,
Je mangeais, en pleurant, le pain de la pitié :
Encor me fallait-il cacher souvent mes larmes.
Pour ses barbares yeux ma peine avait des charmes.
Ce monstre avec plaisir préparait le poison ;
Elle irritait mes maux, pour troubler ma raison ;
Payait les ris moqueurs d' une insolente troupe.
J' ai bu le désespoir dans cette horrible coupe.
Enfin de son palais je me suis échappé.
Mais d' un coup plus cruel je fus bientôt frappé.
Dans de vastes forêts, seul sous leur nuit profonde,
Le remords m' apporta le souvenir d' Helmonde.
J' observais tous les lieux, caverne, antre, rocher,
Où quelque dieu peut-être aurait pu la cacher.
Hélas ! Je me peignais ses vertus et ses charmes,
La candeur de ses traits, la douceur de ses larmes,
Son noble désespoir, lorsque, dans ses adieux,
Ses yeux chargés de pleurs cherchaient toujours mes yeux.

Mon père, disait-elle, ô mon auguste père,
Faut-il qu' à votre coeur je devienne étrangère !
Et j' ai pu la maudire ! Et j' ai pu la chasser !
Voilà, voilà le trait dont je me sens percer :
Mes malheurs ne sont rien. Ciel, arme ta vengeance !
J' ai plongé le poignard au sein de l' innocence :
Mes bienfaits ont toujours cherché mes ennemis,
Et mon sort fut toujours d' accabler mes amis.
Ô supplice ! ô douleur ! Cher Kent, je t' en conjure,
Apaise, en m' immolant, les dieux et la nature.
Presse-les de m' ôter, par de soudains transports,
En troublant ma raison, l' horreur de mes remords.

Le Comte.
Hélas ! Qu' un pareil voeu jamais ne s' accomplisse !
Mais tâchez d' assoupir cet éternel supplice ;
Peut-être la douleur altérant votre esprit...

Léar.
Calme donc dans mon coeur le poison qui l' aigrit.
J' ai toujours devant moi ma détestable fille ;
À mes regards trompés tout devient Volnérille.
Je crois alors sentir dans mon flanc déchiré
Le poignard qu' une ingrate y retourne à son gré.
Souvent, ma chère Helmonde, à travers un nuage,
Semble m' offrir de loin sa douce et tendre image.
J' approche ; et son aspect, dans ma crédule erreur,
Me fait rougir de honte, et frémir de terreur.

Le Comte.
Ah ! Ne redoutez pas sa vue ou sa vengeance.

Léar.
J' ai tout fait pour sa soeur ; tu vois ma récompense.
Si Volnérille ainsi reconnut ma bonté,
Qu' attendrai-je d' Helmonde après ma cruauté ?
Son ame a dû s' aigrir au sein de la misère ;
J' aurai dénaturé cet heureux caractère.
Ô fardeau trop pesant pour mon coeur abattu !
J' ai donc commis le crime, et détruit la vertu !
La honte, la douleur, le remords, tout m' égare.
S' il faut, hélas ! S' il faut que je te le déclare,
Mon ami, mon cher Kent... le dirai-je ? ... oui, je crois
Que déja mon esprit s' est troublé quelquefois.

Le Comte.
Non, sa clarté toujours est trop vive et trop pure...

Léar.
Ah ! C' est là, mon cher Kent, c' est là qu' est ma blessure.
Je n' en guérirai pas. Je prévois...

Le Comte.
Quel soupçon !
Léar.
Le malheur tôt ou tard éteindra ma raison.

Le Comte.
N' exposez pas du moins un si noble avantage.
Pour être malheureux, êtes-vous sans courage ?
Les pièges des méchans vous ont enveloppé ;
Mais c' est le sort d' un roi d' être souvent trompé.
Laissez, laissez aux dieux, amis de l' innocence,
Le soin de réveiller, de mûrir leur vengeance.
Votre sang vous poursuit dans vos propres états :
Depuis quand les enfans ne sont-ils plus ingrats !
Avez-vous dû compter sur un amour frivole
Qui nous flatte un moment, et pour jamais s' envole,
Qui, sur le moindre appât de plaisir et d' honneur... ?

Léar.
Quoi ! Tes enfans, cher Kent, ont détruit ton bonheur !

Le Comte.
Du bonheur ! Du bonheur ! En est-il sur la terre !
Qui ne veut point souffrir, doit trembler d' être père.
Hélas ! J' avais deux fils. Ils ont trompé mes voeux :
Je ne sais quel projet les a séduits tous deux ;
Jusques à leurs vertus, tout me devient contraire.
Encor, dans mes chagrins, s' il me restait leur mère !
Mon roi, m' en croirez-vous, ayons dans la douleur
La fermeté de l' homme et celle du malheur.
Dans les modestes champs, laissés par mes ancêtres,
Fuyons l' indigne aspect des ingrats et des traîtres :
Leur asile innocent convient aux coeurs blessés ;
Leur sol pour deux vieillards sera fertile assez.
Là, rien n' est imposteur. La terre avec usure,
Par des trésors certains, nous paiera sa culture.
Ce bras, nerveux encore, est propre à l' entr' ouvrir ;
Il combattit pour vous, il saura vous nourrir.
Le toit de mes aïeux, leur antique héritage,
Si vous y consentez, voilà notre partage.

Léar.
Oui, cher Kent, contre moi je devrais m' indigner,
Si ton offre un moment avait pu m' étonner ;
Mais (je t' ouvre mon coeur), quand je perds Volnérille,
Régane dans ces lieux m' offre encore une fille.

Il est vrai qu' alarmé par mon premier malheur,
J' ai craint de la trouver trop semblable à sa soeur :
Voilà par quel motif, injurieux peut-être,
Je me suis devant elle abstenu de paraître ;
Mais j' ai senti mon ame, et même ma raison,
Désavouer bientôt ce pénible soupçon.
Régane ne vient point (ami, tu peux m' en croire)
Sous des traits odieux s' offrir à ma mémoire.
Je n' ai point remarqué, dans ses plus jeunes ans,
Qu' elle annonçât dès-lors de coupables penchans.
Pourquoi n' en pas goûter le favorable augure ?
Tout mon sang n' est pas sourd au cri de la nature.

Le Comte.
Seigneur...

Léar.
Je le sais trop, Léar est malheureux ;
Mais les destins toujours ne sont pas rigoureux.
De mes filles, hélas ! Quand l' une me déteste,
Il est bien juste, ami, que l' autre au moins me reste.
Que veux-tu, mon cher Kent ? Pardonne à mes vieux ans ;
Je cherche encor, je cherche à trouver des enfans ;
Sur le bord du tombeau leur présence m' est chère ;
J' aime à me voir en eux ; j' ai besoin d' être père :
Excuse ma faiblesse.

Le Comte.
Eh bien, seigneur, du moins,
Pour n' être pas trompés, employons tous nos soins.
Sorti d' un piège affreux, tremblez, dans votre fille,
Tremblez de rencontrer une autre Volnérille.
Je ne sais, mais mon coeur ne se rassure pas.
Avant d' être éclairci, ne suivez point mes pas.
S' il vous reste en ces lieux un seul sujet fidèle,
Je saurai le trouver, interroger son zèle.

Adieu. Daignez m' attendre ; et bientôt je revien,
Si je puis obtenir cet utile entretien.

Il sort.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4 Une_pa12Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4 Plumes19Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4 James_12Jean-François Ducis, (1733-1817) ACTE 2 SCENE 4 Confes12


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