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 Georges Éphraïm Mikhaël.(1866-1890) Le Mage. (1888)

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James
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James


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MessageSujet: Georges Éphraïm Mikhaël.(1866-1890) Le Mage. (1888)   Georges Éphraïm Mikhaël.(1866-1890) Le Mage. (1888) Icon_minitimeMer 2 Jan - 9:40

Le Mage. (1888)

À Bernard Lazare.

C’est fini: tout le jour les chevaux des Barbares
Ont marché dans le sang des Mages massacrés,
Et des clairons vainqueurs insultent de fanfares
Les portiques du temple et les jardins sacrés.

Dans les champs lumineux et parfumés de menthes,
Au fond des bois hantés d’ægipans et de dieux,
Les flèches des castrats ont percé les amantes;
Les muets ont vaincu les rois mélodieux.

Voici qu’ils sont tombés, les beaux gardiens du Verbe
Qui veillaient le trésor des secrets fabuleux.
On les a prosternés la face contre l’herbe
Pour ravir à leur mort l’amitié des soirs bleus.

Et des mains de bouffons se traînent sur la lyre;
Les hymnes sont souillés par des voix de valets,
Et tous, chiens offusqués par le nard et la myrrhe,
Hurlent d’horreur devant la splendeur des palais.

Fugitif et donnant à la terre natale
La bénédiction de son sang précieux,
Le survivant de la tribu sacerdotale,
Le dernier des voyants jette un cri vers les cieux.

« Dieu de la nuit, le ciel est plein de mauvais astres
Dont le regard haineux fait mourir les cités.
Voici le jour sanglant des suprêmes désastres,
Et je vous parle seul dans des champs dévastés.

« Cependant, comme au soir des jeunes allégresses,
Je m’enivre en fuyant des parfums vespéraux,
Et le coeur tout meurtri de divines tendresses,
J’ai peur de pardonner, Seigneur! à mes bourreaux.

« Je suis le prisonnier de la forêt magique;
J’adore malgré moi les horribles vergers
Dont les rameaux ont bu dans le printemps tragique
Le sang mystérieux des justes égorgés.

« Et je souffre d’aimer encor la gloire infâme
De la terre déchue et du ciel avili.
Je pleure de sentir descendre sur mon âme
Comme une brume d’or le pacifique oubli.

« O mon Dieu! sauvez-moi des fleurs crépusculaires
Et laissez-moi m’enfuir des pays bien aimés.
Je veux savoir la joie immense des colères,
La royale rancoeur des lions enfermés.

« Comme un chasseur qui vient raviver sous sa lance
L’ancienne cruauté des monstres endormis,
Irritez-moi, troublez ma bonne somnolence,
Que je puisse à la fin haïr mes ennemis.

« Et quand ils sortiront des demeures pillées,
Emplissez-moi le coeur de désirs ténébreux,
Pour que je veuille enfin, de mes mains réveillées,
Faire crouler les rocs des montagnes sur eux. »

Il dit; et le jour vient, et le honteux cortège
Des étrangers remplit la plaine et le ravin;
Et le conquérant dort, stupide, sur le siège
Du char royal sali de poussière et de vin.

Mais ces hommes sont beaux sous le soleil qui dore
Les cuirasses de bronze et les riches cimiers
Dans la campagne en fleurs où le vent de l’aurore
Incline devant eux les lys et les palmiers.

Alors, respectueux et doux, le dernier Mage,
Contemplant les chevaux cabrés dans la moisson,
Semble un vieux serviteur courbé pour rendre hommage
Au maître vénéré qui rentre en sa maison:

« Salut, voleurs épris de gloires insensées,
Lâchés dans les blés mûrs comme de lourds taureaux!
Gloire à vous, meurtriers des blanches fiancées,
Car le soleil levant vous égale aux héros.

« Vous chevauchez pareils aux dompteurs des Chimères,
Aux blonds libérateurs des princesses en deuil,
Et plus haut que le bruit des peuples éphémères
Vous faites résonner le cri de votre orgueil.

« Et les hommes, au fond de leurs villes lointaines,
Troublés par la rumeur de vos chars merveilleux,
Vous prêteront, muets, des paroles hautaines,
Castrats, vous salueront comme de grands aïeux.

« Allez! moi seul, j’ai vu vos mauvaises épées;
Seul je sais le secret de votre coeur banal.
Mais je veux être aussi pour les foules trompées
Complice de l’aurore et du vent matinal.

« Je veux laisser en paix la splendeur des mensonges
Éclore sous les pieds de vos chevaux impurs;
Car vous êtes élus pour passer dans les songes,
Car le destin vous livre aux aèdes futurs.

« Et vaincu je bénis les ennemis immondes,
Puisque aux appels de leurs clairons retentissants
Un éphèbe surgit à l’orient des mondes,
Qui sacrera leur roi par les rhythmes puissants. »

Il parle ainsi, tendant sans haine des mains calmes;
Et dans les champs, émus d’un frisson de réveil,
Parmi les gerbes d’or et les tranquilles palmes,
Ces brutes, dieux nouveaux, marchent vers le soleil.






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J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
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