PLUME DE POÉSIES
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 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 11

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François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 11 Empty
MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 11   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 11 Icon_minitimeDim 27 Jan - 1:22

DIALOGUE 11

Xerxès et Léonidas.
La sagesse et la valeur rendent les états
invincibles, et non pas le grand nombre des sujets,
ni l' autorité sans bornes des princes.

Xerxès.
Je prétends, Léonidas, te faire un grand
honneur. Il ne tient qu' à toi d' être toujours à
ma suite sur le bord du Styx.

Léonidas.
Je n' y suis descendu que pour ne te voir jamais,
et pour repousser ta tyrannie. Va chercher tes
femmes, tes eunuques, tes esclaves, et tes
flatteurs : voilà la compagnie qu' il te faut.

Xerxès.
Voyez ce brutal, cet insolent, un gueux qui
n' eut jamais que le nom de roi sans autorité,
un capitaine de bandits ! Quoi ! Tu n' as point
de honte de te comparer au grand roi ? As-tu
donc oublié que je couvrois la terre de
soldats et la mer de navires ? Ne sais-tu pas que
mon armée ne pouvoit, en un repas, se désaltérer
sans faire tarir des rivières ?

Léonidas.
Comment oses-tu vanter la multitude de
tes troupes ? Trois cents spartiates que je
commandois aux Thermopyles furent tués par ton
armée innombrable sans pouvoir être vaincus : ils ne
succombèrent qu' après s' être lassés de tuer. Ne
vois-tu pas encore ici ces ombres errant en foule
qui couvrent le rivage ? Ce sont les vingt mille
perses que nous avons tués. Demande-leur combien
un spartiate seul vaut d' autres hommes, et
sur-tout des tiens. C' est
la valeur, et non pas le nombre, qui rend
invincible.

Xerxès.
Ton action étoit un coup de fureur et de
désespoir.

Léonidas.
C' étoit une action sage et généreuse. Nous
crûmes que nous devions nous dévouer à une
mort certaine pour t' apprendre ce qu' il en
coûte quand on veut mettre les grecs dans la
servitude, et pour donner le temps à toute la
Grèce de se préparer à vaincre ou à périr
comme nous. En effet cet exemple de courage
étonna les perses, et ranima les grecs découragés.
Notre mort fut bien employée.

Xerxès.
Oh ! Que je suis fâché de n' être point entré
dans le Péloponnèse après avoir ravagé
l' Attique ! J' aurois mis en cendres ta
Lacédémone, comme j' y ai mis Athènes. Misérable
impudent, je t' aurois...

Léonidas.
Ce n' est plus ici le temps ni des injures ni
des flatteries : nous sommes au pays de la
vérité. T' imagines-tu donc être encore le grand
roi ? Tes trésors sont bien loin ; tu n' as plus de
gardes ni d' armées, plus de faste ni de délices ;
la louange ne vient plus chatouiller tes oreilles ;
te voilà nu, seul, prêt à être jugé par Minos.
Mais ton ombre est encore bien colère et bien
superbe : tu n' étois pas plus emporté quand tu
faisois fouetter la mer. En vérité, tu méritois
bien d' être fouetté toi-même pour cette
extravagance. Et ces fers dorés, t' en
souviens-tu ? Que tu fis jeter dans
l' Hellespont pour tenir les tempêtes dans ton
esclavage ? Plaisant homme, pour dompter la mer ! Tu
fus contraint bientôt après de repasser à la
hâte en Asie dans une barque comme un pêcheur.
Voilà à quoi aboutit la folle vanité des
hommes qui veulent forcer les lois de la nature
et oublier leur propre foiblesse.

Xerxès.
Ah ! Les rois qui peuvent tout (je le vois
bien, mais, hélas ! Je le vois trop tard), sont
livrés à toutes leurs passions. Hé ! Quel moyen,
quand on est homme, de résister à sa propre
puissance et à la flatterie de tous ceux dont
on est entouré ? Oh ! Quel malheur de naître
dans de si grands périls !

Léonidas.
Voilà pourquoi je fais plus de cas de ma
royauté que de la tienne. J' étois roi à condition
de mener une vie dure, sobre et laborieuse, comme
mon peuple. Je n' étois roi que pour défendre ma
patrie, et pour faire régner
les lois ; ma royauté me donnoit le pouvoir de
faire du bien, sans me permettre de faire du
mal.

Xerxès.
Oui, mais tu étois pauvre, sans éclat, sans
autorité. Un de mes satrapes étoit bien plus
grand et plus magnifique que toi.

Léonidas.
Je n' aurois pas eu de quoi percer le mont Athos,
comme toi. Je croyois même que chacun de tes
satrapes voloit dans la province plus d' or et
d' argent que nous n' en avions dans toute notre
république. Mais nos armes, sans être dorées,
savoient fort bien percer ces hommes lâches et
efféminés dont la multitude innombrable te donnoit
une si vaine confiance.

Xerxès.
Mais enfin, si je fusse entré d' abord dans le
Péloponnèse, toute la Grèce étoit dans les
fers. Aucune ville, pas même la tienne, n' eût
pu me résister.

Léonidas.
Je le crois comme tu le dis ; et c' est en quoi
je méprise la grande puissance d' un peuple
barbare qui n' est ni instruit, ni aguerri. Il
manque de sages conseils : ou si on les lui
offre, il ne sait pas les suivre, et préfère
toujours
d' autres conseils foibles et trompeurs.

Xerxès.
Les grecs vouloient faire une muraille pour
fermer l' isthme : mais elle n' étoit pas encore
faite, et je pouvois y entrer.

Léonidas.
La muraille n' étoit pas encore faite, il est
vrai : mais tu n' étois pas fait pour prévenir
ceux qui la vouloient faire. Ta foiblesse fut
encore plus salutaire aux grecs que leur force.

Xerxès.
Si j' eusse pris cet isthme, j' aurois fait voir...

Léonidas.
Tu aurois fait quelque autre faute ; car il
falloit que tu en fisses, étant aussi gâté que tu
l' étois par la mollesse, par l' orgueil, et par la
haine des conseils sincères. Tu étois encore
plus facile à surprendre que l' isthme.
Mais je n' étois ni lâche ni méchant comme
tu t' imaginois.

Xerxès. (????)
Tu avois naturellement du courage et de la
bonté de coeur. Les larmes que tu répandis à
la vue de tant de milliers d' hommes, dont il
n' en devoit rester aucun sur la terre avant la
fin du siècle, marquent assez ton humanité.
C' est le plus bel endroit de ta vie. Si tu n' avois
pas été un roi trop puissant et trop heureux,
tu aurois été un assez honnête homme.
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