PLUME DE POÉSIES
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 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 18

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François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 18 Empty
MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 18   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 18 Icon_minitimeDim 27 Jan - 1:26

DIALOGUE 18

Socrate, Alcibiade, et Timon.
Juste milieu entre la misanthropie, et le caractère
corrompu d' Alcibiade.

Alcibiade.
Je suis surpris, mon cher Socrate, de voir
que vous ayez tant de goût pour ce misanthrope,
qui fait peur aux petits enfants.

Socrate.
Il faut être bien plus surpris de ce qu' il
s' apprivoise avec moi.

Timon.
On m' accuse de haïr les hommes, et je ne
m' en défends pas : on n' a qu' à voir comment
ils sont faits, pour juger si j' ai tort. Haïr le
genre humain, c' est haïr une méchante bête,
une multitude de sots, de fripons, de flatteurs,
de traîtres, et d' ingrats.

Alcibiade.
Voilà un beau dictionnaire d' injures. Mais
vaut-il mieux être farouche, dédaigneux,
incompatible, et toujours mordant ? Pour moi,
je trouve que les sots me réjouissent, et que
les gens d' esprit me contentent. J' ai envie de
leur plaire à mon tour, et je m' accommode
de tout pour me rendre agréable dans la société.

Timon.
Et moi, je ne m' accommode de rien : tout
me déplaît ; tout est faux, de travers,
insupportable ; tout m' irrite, et me fait bondir le
coeur. Vous êtes un protée qui prenez
indifféremment toutes les formes les plus
contraires, parceque vous ne tenez à aucune. Ces
métamorphoses, qui ne vous coûtent rien,
montrent un coeur sans principes ni de justice
ni de vérité. La vertu, selon vous, n' est
qu' un beau nom : il n' y en a aucune de fixe.
Ce que vous approuvez à Athènes, vous le
condamnez à Lacédémone. Dans la Grèce vous
êtes grec ; en Asie vous êtes perse. Ni dieux,
ni lois, ni patrie, ne vous retiennent : vous ne
suivez qu' une seule règle, qui est la passion de
plaire, d' éblouir, de dominer, de vivre dans
les délices, et de brouiller tous les états.
ô ciel ! Faut-il qu' on souffre sur la terre un tel
homme, et que les autres hommes n' aient point de
honte de l' admirer ! Alcibiade est aimé des
hommes, lui qui se joue d' eux, et qui les
précipite par ses crimes dans tant de malheurs.
Pour moi, je hais et Alcibiade, et tous les sots
qui l' aiment ; et je serois bien fâché d' être
aimé par eux, puisqu' ils ne savent aimer que
le mal.

Alcibiade.
Voilà une déclaration bien obligeante ! Je
ne vous en sais néanmoins aucun mauvais gré.
Vous me mettez à la tête de tout le genre humain,
et me faites beaucoup d' honneur. Mon parti est
plus fort que le vôtre : mais vous avez bon
courage, et ne craignez pas d' être seul
contre tous.

Timon.
J' aurois horreur de n' être pas seul, quand
je vois la bassesse, la lâcheté, la légèreté, la
corruption et la noirceur de tous les hommes
qui couvrent la terre.

Alcibiade.
N' en exceptez-vous aucun ?

Timon.
Non, non, en vérité, aucun, et vous moins
qu' un autre.

Alcibiade.
Quoi ! Pas vous-même ? Vous haïssez-vous aussi ?

Timon.
Oui, je me hais souvent, quand je me surprends
dans quelque foiblesse.

Alcibiade.
Vous faites très bien, et vous n' avez de tort
qu' en ce que vous ne le faites pas toujours.
Qu' y a-t-il de plus haïssable qu' un homme
qui a oublié qu' il est homme, qui hait sa propre
nature, qui ne voit rien qu' avec horreur
et avec une mélancolie farouche, qui tourne
tout en poison, et qui renonce à toute société,
quoique les hommes ne soient nés que pour
être sociables ?

Timon.
Donnez-moi des hommes simples, droits, mais en tout
bons et pleins de justice : je les aimerai, je ne
les quitterai jamais, je les encenserai comme des
dieux qui habitent sur la terre. Mais tant que
vous me donnerez des hommes qui ne sont pas
hommes, des renards en finesse, et des tigres
en cruauté, qui auront le visage, le corps, la
voix humaine, avec un coeur de monstre, comme les
sirènes, l' humanité même me les fera détester et
fuir.

Alcibiade.
Il faut donc vous faire des hommes exprès.
Ne vaut-il pas mieux s' accommoder aux hommes
tels qu' on les trouve, que de vouloir les
haïr jusqu' à ce qu' ils s' accommodent à nous ?
Avec ce chagrin si critique, on passe
tristement sa vie, méprisé, moqué, abandonné, et
on ne goûte aucun plaisir. Pour moi, je donne
tout aux coutumes et aux imaginations de
chaque peuple : par-tout je me réjouis, et je
fais des hommes tout ce que je veux. La
philosophie qui n' aboutit qu' à faire d' un
philosophe un hibou est d' un bien mauvais usage.
Il faut en ce monde une philosophie qui aille
plus terre à terre. On prend les honnêtes gens
par les motifs de la vertu, les voluptueux par
leurs plaisirs, et les fripons par leur intérêt.
C' est la seule bonne manière de savoir vivre ;
tout le reste est vision, et bile noire qu' il
faudroit purger avec un peu d' ellébore.

Timon.
Parler ainsi, c' est anéantir la vertu, et
tourner en ridicule les bonnes moeurs. On ne
souffriroit pas un homme si contagieux dans une
république bien policée : mais, hélas ! Où
est-elle ici-bas, cette république ? ô mon pauvre

Socrate ! La vôtre, quand la verrons-nous ?
Demain, oui, demain, je m' y retirerois si elle
étoit commencée ; mais je voudrois que nous
allassions, loin de toutes les terres connues,
fonder cette heureuse colonie de philosophes
purs dans l' île Atlantique.

Alcibiade.
Hé ! Vous ne songez pas que vous vous y porteriez.
Il faudroit auparavant vous réconcilier
avec vous-même, avec qui vous dites que vous
êtes si souvent brouillé.

Timon.
Vous avez beau vous en moquer, rien n' est plus
sérieux. Oui, je le soutiens que je me hais
souvent, et que j' ai raison de me haïr. Quand
je me trouve amolli par les plaisirs jusqu' à
supporter les vices des hommes, et prêt à leur
complaire ; quand je sens réveiller en moi
l' intérêt, la volupté, la sensibilité pour une
vaine réputation parmi les sots et les méchants, je
me trouve presque semblable à eux, je me fais
mon procès, je m' abhorre, et je ne puis me
supporter.

Alcibiade.
Qui est-ce qui fait ensuite votre accommodement ?
Le faites-vous tête à tête avec vous-même sans
arbitre ?

Timon.
C' est qu' après m' être condamné je me redresse, et
je me corrige.

Alcibiade.
Il y a donc bien des gens chez vous ! Un homme
corrompu, entraîné par les mauvais exemples ; un
second qui gronde le premier ; un troisième
qui les raccommode, en corrigeant celui qui s' est
gâté.

Timon.
Faites le plaisant tant qu' il vous plaira :
chez vous la compagnie n' est pas si nombreuse ;
car il n' y a dans votre coeur qu' un seul homme
toujours souple et dépravé, qui se travestit en
cent façons pour faire toujours également le
mal.

Alcibiade.
Il n' y a donc que vous sur la terre qui soyez
bon : encore ne l' êtes-vous que dans certains
intervalles.

Timon.
Non, je ne connois rien de bon, ni digne
d' être aimé.

Alcibiade.
Si vous ne connoissez rien de bon, rien qui
ne vous choque et dans les autres et au-dedans
de vous, si la vie entière vous déplaît, vous
auriez dû vous en délivrer, et prendre congé
d' une si mauvaise compagnie. Pourquoi
continuiez-vous à vivre pour être chagrin de tout
et pour blâmer tout depuis le matin jusqu' au
soir ? Ne saviez-vous pas qu' on ne manque à
Athènes ni de cordons coulants, ni de
précipices ?

Timon.
J' aurois été tenté de faire ce que vous dites,
si je n' avois craint de faire plaisir à tant
d' hommes qui sont indignes qu' on leur en fasse.

Alcibiade.
Mais n' auriez-vous eu aucun regret de quitter
personne ? Quoi ! Personne sans exception ?
Songez-y bien avant que de répondre.
J' aurois eu un peu de regret de quitter

Socrate ; mais...

Alcibiade.
Hé ! Ne savez-vous pas qu' il est homme ?

Timon.
Non, je n' en suis pas bien assuré : j' en doute
quelquefois ; car il ne ressemble guère aux
autres. Il me paroît sans artifice, sans intérêt,
sans ambition. Je le trouve juste, sincère,
égal. S' il y avoit au monde dix hommes comme
lui, en vérité je crois qu' ils me réconcilieroient
avec l' humanité.

Alcibiade.
Hé bien ! Croyez-le donc. Demandez-lui si
la raison permet d' être misanthrope au point
où vous l' êtes.

Timon.
Je le veux : quoiqu' il ait toujours été un
peu trop facile et trop sociable, je ne crains
pas de m' engager à suivre son conseil. ô mon
cher Socrate ! Quand je vois les hommes, et
que je jette ensuite les yeux sur vous, je suis
tenté de croire que vous êtes Minerve, qui est
venue sous une figure d' homme instruire sa
ville. Parlez, mais selon votre coeur ; me
conseilleriez-vous de rentrer dans la société
empestée des hommes, méchants, aveugles, et
trompeurs ?

Socrate.
Non, je ne vous conseillerai jamais de vous
rengager, ni dans les assemblées du peuple,
ni dans les festins pleins de licence, ni dans
aucune société avec un grand nombre de citoyens ;
car le grand nombre est toujours corrompu. Une
retraite honnête et tranquille à l' abri des
passions des hommes et des siennes propres est le
seul état qui convienne à un vrai philosophe.
Mais il faut aimer les hommes, et leur faire
du bien malgré leurs défauts. Il ne faut rien
attendre d' eux que de l' ingratitude, et les
servir sans intérêt. Vivre au milieu d' eux
pour les tromper, pour les éblouir, et pour en
tirer de quoi contenter ses passions, c' est être
le plus méchant des hommes, et se
préparer des malheurs qu' on mérite : mais se
tenir à l' écart, et néanmoins à portée
d' instruire et de servir certains hommes, c' est
être une divinité bienfaisante sur la terre.
L' ambition d' Alcibiade est pernicieuse : mais votre
misanthropie est une vertu foible, qui est
mêlée d' un chagrin de tempérament. Vous êtes plus
sauvage que détaché. Votre vertu âpre, impatiente,
ne sait pas assez supporter le vice d' autrui : c' est
un amour de soi-même, qui fait qu' on s' impatiente
quand on ne peut réduire les autres au point qu' on
voudroit. La philanthropie est une vertu douce,
patiente et désintéressée, qui supporte le mal sans
l' approuver. Elle attend les hommes ; elle ne
donne rien à son goût, ni à sa commodité. Elle se
sert de la connoissance de sa propre foiblesse
pour supporter celle d' autrui. Elle n' est jamais
dupe des hommes les plus trompeurs et les plus
ingrats ; car elle n' espère ni ne veut rien d' eux
pour son propre intérêt, elle ne leur demande rien
que pour leur bien véritable. Elle ne se lasse
jamais dans cette bonté désintéressée ; elle
imite les dieux, qui ont donné aux hommes la vie,
sans avoir besoin de leur encens ni de leurs
victimes.

Timon.
Mais je ne hais point les hommes par inhumanité ;
je ne les hais que malgré moi, parcequ' ils sont
haïssables. C' est leur dépravation que je hais, et
leurs personnes, parcequ' elles sont dépravées.

Socrate.
Hé bien ! Je le suppose. Mais si vous ne haïssez
dans l' homme que le mal, pourquoi n' aimez-vous
pas l' homme pour le délivrer de ce mal et pour
le rendre bon ? Le médecin hait la fièvre et
toutes les autres maladies qui tourmentent les
corps des hommes : mais il ne hait point les
malades. Les vices sont les maladies de l' ame :
soyez un sage et charitable médecin, qui songe à
guérir son malade par amitié pour lui, loin de le
haïr. Le monde est un grand hôpital de tout le
genre humain, qui doit exciter votre compassion :
l' avarice, l' ambition, l' envie et la colère, sont
des plaies plus grandes et plus dangereuses dans
les ames que des abcès et des ulcères ne le sont
dans les corps. Guérissez tous les malades que vous
pourrez guérir, et plaignez tous ceux qui se
trouveront incurables.

Timon.
Oh ! Voilà, mon cher Socrate, un sophisme
facile à démêler. Il y a une extrême différence
entre les vices de l' ame et les maladies du
corps. Les maladies sont des maux qu' on souffre
et qu' on ne fait pas ; on n' en est point coupable,
on est à plaindre. Mais pour les vices, ils
sont volontaires, ils rendent la volonté coupable.
Ce ne sont pas des maux qu' on souffre ; ce sont
des maux qu' on fait. Ces maux méritent de
l' indignation et du châtiment, et non pas de la
pitié.

Socrate.
Il est vrai qu' il y a deux sortes de maladies
des hommes : les unes involontaires et
innocentes ; les autres volontaires, et qui rendent
le malade coupable. Puisque la mauvaise volonté
est le plus grand des maux, le vice est la plus
déplorable de toutes les maladies. L' homme
méchant qui fait souffrir les autres souffre
lui-même par sa malice, et il se prépare les
supplices que les justes dieux lui doivent : il est
donc encore plus à plaindre qu' un malade
innocent. L' innocence est une santé précieuse de
l' ame : c' est une ressource et une consolation
dans les plus affreuses douleurs. Quoi !
Cesserez-vous de plaindre un homme, parcequ' il est
dans la maladie la plus funeste, qui est la
mauvaise volonté ? Si sa maladie n' étoit qu' au pied
ou à la main, vous le plaindriez ; et vous ne le
plaignez pas lorsqu' elle a gangrené le fond de
son coeur !

Timon.
Hé bien ! Je conviens qu' il faut plaindre les
méchants, mais non pas les aimer.

Socrate.
Il ne faut pas les aimer pour leur malice ;
mais il faut les aimer pour les en guérir. Vous
aimez donc les hommes sans croire les aimer ;
car la compassion est un amour qui s' afflige
du mal de la personne qu' on aime. Savez-vous
bien ce qui vous empêche d' aimer les méchants ? Ce
n' est pas votre vertu, mais c' est l' imperfection
de la vertu qui est en vous. La vertu imparfaite
succombe dans le support des imperfections
d' autrui. On s' aime encore trop soi-même pour
pouvoir toujours supporter ce qui est contraire à
son goût et à ses maXImes. L' amour propre ne veut
non plus être contredit par la vertu que par le
vice. On s' irrite contre les ingrats, parcequ' on
veut de la reconnoissance par amour propre. La
vertu parfaite détache l' homme de lui-même, et fait
qu' il ne se lasse point de supporter la foiblesse
des autres. Plus on est loin du vice, plus on
est patient et tranquille pour s' appliquer à le
guérir. La vertu imparfaite est ombrageuse,
critique, âpre, sévère, et implacable. La vertu
qui ne cherche plus que le bien est toujours
égale, douce, affable, compatissante : elle n' est
surprise ni choquée de rien : elle prend tout
sur elle, et ne songe qu' à faire du bien.

Timon.
Tout cela est bien aisé à dire, mais difficile
à faire.

Socrate.
ô mon cher Timon ! Les hommes grossiers et
aveugles croient que vous êtes misanthrope
parceque vous avez poussé trop loin la vertu : et
moi je vous soutiens que si vous étiez plus
vertueux, vous feriez ceci comme je le dis ;
vous ne vous laisseriez entraîner ni par votre
humeur sauvage, ni par votre tristesse de
tempérament, ni par vos dégoûts, ni par
l' impatience que vous causent les défauts des
hommes. C' est à force de vous aimer trop, que
vous ne pouvez plus aimer les autres hommes
imparfaits. Si vous étiez parfait, vous
pardonneriez sans peine aux hommes d' être
imparfaits, comme les dieux le font. Pourquoi ne
pas souffrir doucement ce que les dieux, meilleurs
que vous, souffrent ? Cette délicatesse qui
vous rend si facile à être blessé est une
véritable imperfection. La raison qui se borne à
s' accommoder des choses raisonnables, et à
ne s' échauffer que contre ce qui est faux, n' est
qu' une demi-raison. La raison parfaite va plus
loin ; elle supporte en paix la déraison d' autrui.
Voilà le principe de vertu compatissante
pour autrui et détachée de soi-même, qui est
le vrai lien de la société.

Alcibiade.
En vérité, Timon, vous voilà bien confondu
avec votre vertu farouche et critique. C' est
s' aimer trop soi-même que de vouloir vivre
tout seul uniquement pour soi, et de ne pouvoir
souffrir rien de tout ce qui choque notre
propre sens. Quand on ne s' aime point tant,
on se donne librement aux autres.

Socrate.
Arrêtez, s' il vous plaît, Alcibiade ; vous
abuseriez aisément de ce que j' ai dit. Il y a deux
manières de se donner aux hommes. La première est
de se faire aimer, non pour être leur idole, mais
pour employer leur confiance à les rendre bons.
Cette philanthropie est toute divine. Il y en a
une autre qui est une fausse monnoie, quand on se
donne aux hommes pour leur plaire, pour les
éblouir, pour usurper de l' autorité sur eux en les
flattant. Ce n' est pas eux qu' on aime, c' est
soi-même. On n' agit que par vanité et par intérêt ;
on fait semblant de se donner, pour posséder ceux à
qui on fait accroire qu' on se donne à eux. Ce
faux philanthrope est comme un pêcheur qui
jette un hameçon avec un appât : il paroît
nourrir les poissons, mais il les prend et les
fait mourir. Tous les tyrans, tous les magistrats,
tous les politiques qui ont de l' ambition,
paroissent bienfaisants et généreux ; ils
paroissent se donner, et ils veulent prendre les
peuples ; ils jettent l' hameçon dans les festins,
dans les compagnies, dans les assemblées
publiques. Ils ne sont pas sociables pour
l' intérêt des hommes, mais pour abuser de tout le
genre humain. Ils ont un esprit flatteur,
insinuant, artificieux, pour corrompre les
moeurs des hommes comme les courtisanes, et pour
réduire en servitude tous ceux dont ils ont
besoin. La corruption de ce qu' il y a de
meilleur est le plus pernicieux de tous les
maux. De tels hommes sont les pestes du genre
humain. Au moins l' amour propre d' un misanthrope
n' est que sauvage et inutile au monde : mais
celui de ces faux philanthropes est traître et
tyrannique ; ils promettent toutes les vertus
de la société, et ils ne font de la société qu' un
trafic, dans lequel ils veulent tout attirer à eux,
et asservir tous les citoyens. Le misanthrope
fait plus de peur et moins de mal. Un serpent
qui se glisse entre les fleurs est plus à
craindre qu' un animal sauvage qui s' enfuit vers sa
tanière dès qu' il vous aperçoit.

Alcibiade.
Timon, retirons-nous, en voilà bien assez : nous
avons chacun une bonne leçon ; en profitera
qui pourra. Mais je crois que nous n' en
profiterons guère : vous serez encore furieux
contre toute la nature humaine ; et moi, je
vais faire le protée entre les grecs et le roi de
Perse.



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François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 18
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