PLUME DE POÉSIES
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 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1

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MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:37

DIALOGUE 1
A. Hé bien ! Monsieur, vous venez donc d' entendre le
sermon où vous vouliez me mener tantôt ? Pour moi, je
me suis contenté du prédicateur de notre paroisse.
B. Je suis charmé du mien ; vous avez bien perdu,
monsieur, de n' y être pas. J' ai arrêté une place pour
ne manquer aucun sermon du carême. C' est un homme
admirable : si vous l' aviez une fois entendu, il vous
dégoûteroit de tous les autres.
A. Je me garderai donc bien de l' aller entendre, car
je ne veux point qu' un prédicateur me dégoûte des
autres ; au contraire, je cherche un homme qui me
donne un tel goût et une telle estime pour la parole
de Dieu, que j' en sois plus disposé à l' écouter partout
ailleurs. Mais puisque j' ai tant perdu, et que vous
êtes plein de ce beau sermon,vous pouvez, monsieur, me dédommager:
de grâce,dites-nous quelque chose de ce que vous avez retenu.
B. Je défigurerois ce sermon par mon récit : ce sont
cent beautés qui échappent ; il faudroit être le
prédicateur même pour vous dire...
A. Mais encore ? Son dessein, ses preuves, sa morale,
les principales vérités qui ont fait le corps de son
discours ? Ne vous reste-t-il rien dans l' esprit ?
Est-ce que vous n' étiez pas attentif ?
B. Pardonnez-moi, jamais je ne l' ai été davantage.
C. Quoi donc ! Vous voulez vous faire prier ?
B. Non ; mais c' est que ce sont des pensées si
délicates, et qui dépendent tellement du tour et de la
finesse de l' expression, qu' après avoir charmé dans le
moment elles ne se retrouvent pas aisément dans la
suite. Quand même vous les retrouveriez, dites-les
dans d' autres termes, ce n' est plus la même chose,
elles perdent leur grâce et leur force.
A. Ce sont donc, monsieur, des beautés bien fragiles ;
en les voulant toucher on les fait disparoître.
J' aimerois bien mieux un discours qui eût plus de corps
et moins d' esprit ; il feroit une forte impression,
on retiendroit mieux les choses. Pourquoi parle-t-on,
sinon pour persuader,pour instruire et pour faire en sorte
que l' auditeur retienne ?
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:37

C. Vous voilà, monsieur, engagé à parler.
B. Hé bien ! Disons donc ce que j' ai retenu. Voici le
texte : ... etc, " je mangeois la cendre comme mon
pain. " peut-on trouver un texte plus ingénieux, pour
le jour des cendres ? Il a montré que, selon ce passage,
la cendre doit être aujourd' hui la nourriture de nos
âmes ; puis il a enchâssé dans son avant-propos, le plus
agréablement du monde, l' histoired' Artémise sur les cendres
de son époux. Sa chute à son ave maria a été pleine d' art.
Sa division étoit heureuse ; vous en jugerez. Cette cendre, dit-il,
quoiqu' elle soit un signe de pénitence, est un
principe de félicité ; quoiqu' elle semble nous humilier,
elle est une source de gloire ; quoiqu' elle représente
la mort, elle est un remède qui donne l' immortalité.
Il a repris cette division en plusieurs manières, et
chaque fois il donnoit un nouveau lustre à ses
antithèses. Le reste du discours n' étoit ni moins
poli, ni moins brillant : la diction étoit pure, les
pensées nouvelles, les périodes nombreuses ; chacune
finissoit par quelque trait surprenant. Il nous a fait
des peintures morales où chacun se trouvoit : il a
fait une anatomie des passions du coeur humain, qui
égale les maximes de M De La Rochefoucauld.Enfin, selon moi,
c' étoit un ouvrage achevé. Mais vous, monsieur, qu' en
pensez-vous ?
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:37

A. Je crains de vous parler sur ce sermon et de vous
ôter l' estime que vous en avez : on doit respecter la
parole de Dieu, profiter de toutes les vérités qu' un
prédicateur a expliquées, et éviter l' esprit de
critique, de peur d' affoiblir l' autorité du ministère.
B. Non, monsieur, ne craignez rien. Ce n' est point par
curiosité que je vous questionne : j' ai besoin d' avoir
là-dessus de bonnes idées ; je veux m' instruire
solidement, non-seulement pour mes besoins, mais
encore pour ceux d' autrui, car ma profession m' engage
à prêcher. Parlez-moi donc sans réserve, et ne
craignez ni de me contredire, ni de me scandaliser.
A. Vous le voulez, il faut vous obéir. Sur votre
rapport même, je conclus que c' étoit un méchant
sermon.
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:38

B. Comment cela ?
A. Vous l' allez voir. Un sermon où les applications
de l' écriture sont fausses, où une histoire profane
est rapportée d' une manière froide et puérile, où
l' on voit régner partout une vaine affectation de bel
esprit, est-il bon ?
B. Non, sans doute : mais le sermon que je vous
rapporte ne me semble point de ce caractère.A. Attendez,
vous conviendrez de ce que je dis. Quand le prédicateur a
choisi pour texte ces paroles :
je mangeois la cendre comme mon pain, devoit-il
se contenter de trouver un rapport de mots entre ce
texte et la cérémonie d' aujourd' hui ? Ne devoit-il
pas commencer par entendre le vrai sens de son texte,
avant que de l' appliquer au sujet ?
B. Oui, sans doute.
A. Ne falloit-il donc pas reprendre les choses de
plus haut, et tâcher d' entrer dans toute la suite
du psaume ? N' étoit-il pas juste d' examiner si
l' interprétation dont il s' agissoit étoit contraire
au sens véritable, avant que de la donner au peuple
comme la parole de Dieu ?
B. Cela est vrai : mais en quoi peut-elle y être
contraire ?
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:38

A. David, ou quel que soit l' auteur du psaume Ci,
parle de ses malheurs en cet endroit. Il dit que ses
ennemis lui insultoient cruellement, le voyant dans la
poussière abattu à leurs pieds, réduit (c' est ici une
expression poétique) à se nourrir d' un pain de cendres
et d' une eau mêlée de larmes. Quel rapport des
plaintes de David, renversé de son trône et
persécuté par son fils Absalon, avec l' humiliation
d' un chrétien qui se met des cendres sur le front
pour penser à la mort, et pour se détacher les plaisirs
du monde ?N' y avoit-il point d' autre texte à prendre dans
l' écriture ? Jésus-Christ, les apôtres, les
prophètes, n' ont-ils jamais parlé de la mort et de la
cendre du tombeau, à laquelle Dieu réduit notre
vanité ? Les écritures ne sont-elles pas pleines de
mille figures touchantes sur cette vérité ? Les
paroles mêmes de la genèse, si propres, si naturelles
à cette cérémonie, et choisies par l' église même, ne
seront-elles donc pas dignes du choix d' un
prédicateur ? Appréhendera-t-il, par une fausse
délicatesse, de redire souvent un texte que le
saint-esprit et l' église ont voulu répéter sans cesse
tous les ans ? Pourquoi donc laisser cet endroit, et
tant d' autres de l' écriture, qui conviennent, pour en
chercher un qui ne convient pas ? C' est un goût
dépravé, une passion aveugle, de dire quelque chose de
nouveau.
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:38

B. Vous vous échauffez trop, monsieur : il est vrai
que ce texte n' est point conforme au sens littéral.
C. Pour moi, je veux savoir si les choses sont vraies
avant que de les trouver belles. Mais le reste ?
A. Le reste du sermon est du même genre que le texte.
Ne le voyez-vous pas, monsieur ? à quel propos faire
l' agréable dans un sujet si effrayant, et amuser
l' auditeur par le récit profane de la douleur
d' Artémise, lorsqu' ilfaudroit tonner et ne donner
que des images terribles de la mort ?
B. Je vous entends, vous n' aimez pas les traits
d' esprit. Mais sans cet agrément que deviendroit
l' éloquence ? Voulez-vous réduire tous les
prédicateurs à la simplicité des missionnaires ? Il
en faut pour le peuple ; mais les honnêtes gens ont
les oreilles plus délicates, et il est nécessaire de
s' accommoder à leur goût.
A. Vous me menez ailleurs : je voulois achever de
vous montrer combien ce sermon est mal conçu ; il ne
me restoit qu' à parler de la division, mais je crois
que vous comprenez assez vous-même ce qui me la fait
désapprouver. C' est un homme qui donne trois points
pour sujet de tout son discours. Quand on divise, il
faut diviser simplement, naturellement : il faut que
ce soit une division qui se trouve toute faite dans le
sujet même ; une division qui éclaircisse, qui range
les matières, qui se retienne aisément, et qui aide
à retenir tout le reste ; enfin une division qui fasse
voir la grandeur du sujet et de ses parties. Tout au
contraire, vous voyez ici un homme qui entreprend
d' abord de vous éblouir, qui vous débite trois
épigrammesou trois énigmes, qui les tourne et retourne avec
subtilité ; vous croyez voir des tours de passe-passe.
Est-ce là un air sérieux et grave, propre à vous
faire espérer quelque chose d' utile et d' important ?
Mais revenons à ce que vous disiez : vous demandez si
je veux donc bannir l' éloquence de la chaire ?
B. Oui ; il me semble que vous allez là.
A. Ha ! Voyons : qu' est-ce que l' éloquence ?
B. C' est l' art de bien parler.
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:38

A. Cet art n' a-t-il point d' autre but que celui de
bien parler ? Les hommes en parlant n' ont-ils point
quelque dessein ? Parle-t-on pour parler ?
B. Non, on parle pour plaire et pour persuader.
A. Distinguons, s' il vous plaît, monsieur,
soigneusement ces deux choses : on parle pour
persuader, cela est constant ; on parle aussi pour
plaire, cela n' arrive que trop souvent. Mais quand on
tâche de plaire, on a un autre but plus éloigné, qui
est néanmoins le principal. L' homme de bien ne cherche
à plaire que pour inspirer la justice et les autres
vertus en les rendant aimables ; celui qui cherche son
intérêt, sa réputation, sa fortune, ne songe à
plaire que pour gagner l' inclination et l' estime des
gens qui peuvent contenter son avarice ou son
ambition : ainsi cela même se réduit encore à une
manière de persuasion que l' orateur cherche ; il veut
plaire pour flatter, et il flatte pour persuader ce
qui convient à son intérêt.
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:38

B. Enfin vous ne pouvez disconvenir que les hommes ne
parlent souvent pour plaire. Les orateurs païens ont
eu ce but. Il est aisé de voir dans les discours de
Cicéron, qu' iltravailloit pour sa réputation : qui ne croira la
même chose d' Isocrate et de Démosthène ?
Tous les anciens panégyristes songeoient moins à faire
admirer leurs héros, qu' à se faire admirer eux-mêmes ;
ils ne cherchoient la gloire d' un prince qu' à cause
de cellequi leur devoit revenir à eux-mêmes pour l' avoir bien
loué. De tout temps cette ambition a semblé permise
chez les grecs et chez les romains : par cette
émulation, l' éloquence se perfectionnoit, les esprits
s' élevoient à de hautes pensées et à de grands
sentiments ; par là on voyoit fleurir les anciennes
républiques : le spectacle que donnoit l' éloquence, et
le pouvoir qu' elle avoit sur les peuples, la rendirent
admirable, et ont poli merveilleusement les esprits.
Je ne vois pas pourquoi on blâmeroit cette émulation,
même dans des orateurs chrétiens, pourvu qu' il ne
parût dans leurs discours aucune affectation indécente,
et qu' ils n' affoiblissent en rien la morale
évangélique. Il ne faut point blâmer une chose qui
anime les jeunes gens, et qui forme les grands
prédicateurs.
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:39

A. Voilà bien des choses, monsieur, que vous mettez
ensemble : démêlons-les, s' il vous plaît, et voyons
avec ordre ce qu' il en faut conclure ; surtout
évitons l' esprit de dispute ; examinons cette matière
paisiblement, en gensqui ne craignent que l' erreur ; et
mettons tout l' honneur à nous dédire dès que nous
apercevrons que nous nous serons trompés.
B. Je suis dans cette disposition, ou du moins je
crois y être ; et vous me ferez plaisir de m' avertir
si vous voyez que je m' écarte de cette règle.
A. Ne parlons point d' abord des prédicateurs, ils
viendront en leur temps : commençons par les
orateurs profanes, dont vous avez cité ici l' exemple.
Vous avez mis Démosthène avec Isocrate ; en cela
vous avez fait tort au premier : le second est un froid
orateur, qui n' a songé qu' à polir ses pensées et qu' à
donner de l' harmonie à ses paroles ; il n' a eu qu' une
idée basse de l' éloquence, et il l' a presque toute
mise dans l' arrangement des mots. Un homme qui a
employé, selon les uns, dix ans, selon les autres
quinze, à ajuster les périodes de son panégyrique, qui
est un discours sur les besoins de la Grèce, étoit
d' un secours bien foible et bien lent pour la
république contre les entreprises du roi de Perse.
Démosthène parloit bien autrement contre Philippe.
Vous pouvez voir la comparaison que Denys
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MessageSujet: Re: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 1 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:39

d' Halicarnasse fait des deux orateurs, et les
défauts essentiels qu' il remarque dans Isocrate. On
ne voit, dans celui-ci, que des discours fleuris et
efféminés, que des périodes faites avec un travail
infini pour amuser l' oreille ; pendant que Démosthène
émeut, échauffe et entraîne les coeurs : il est trop
vivement touché des intérêts de sa patrie pour
s' amuser à tous les jeux d' esprit d' Isocrate ; c' est
un raisonnement serré et pressant, ce sont des
sentiments généreux d' une âme qui ne conçoit rien que
de grand, c' est un discours qui croît et qui se
fortifie à chaque parole par des raisons nouvelles,
c' est un enchaînement de figures hardies et
touchantes ; vous ne sauriez le lire sans voir qu' il
porte la république dans le fond de son coeur : c' est
la nature qui parle elle-même dans ses transports ;
l' art est si achevé, qu' il n' y paroît point ; rien
n' égalajamais sa rapidité et sa véhémence. N' avez-vous pas
vu ce qu' en dit Longin dans son traité du
sublime ?
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