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 Anatole France (1844-1924) Filles Et Garcons. La Pêche.

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MessageSujet: Anatole France (1844-1924) Filles Et Garcons. La Pêche.   Anatole France (1844-1924) Filles Et Garcons. La  Pêche. Icon_minitimeDim 3 Fév - 13:39

La Pêche.

Jean s'en est allé de bon matin avec sa soeur Jeanne, une gaule sur l'épaule, un
panier sous le bras. L'école est fermée, les écoliers sont en vacances; c'est
pourquoi Jean s'en va tous les jours avec sa soeur Jeanne, une gaule sur
l'épaule, un panier sous le bras, le long de la rivière. Jean est Tourangeau,
Jeanne est Tourangelle. La rivière est tourangelle aussi. Elle coule claire sous
les saules argentés. Un ciel humide et doux la regarde couler. Le matin et le
soir, de blanches vapeurs se traînent sur l'herbe de ses berges. Mais Jean et
Jeanne n'aiment la rivière ni pour les verts feuillages de ses berges, ni pour
ses eaux pures où le ciel se mire. Ils l'aiment pour le poisson qui est dedans.
Ils s'arrêtent à l'endroit le plus poissonneux, Jeanne s'assied sous un saule
étêté. Ayant posé ses paniers à terre, Jean déroule sa ligne. Elle est simple:
une gaule, avec un fil et une épingle recourbée au bout du fil. Jean a fourni la
gaule, Jeanne a donné le fil et l'épingle; aussi la ligne est-elle commune au
frère et à la soeur. Chacun la voudrait tout entière, et ce simple engin, qui ne
devait nuire qu'au poisson, a soulevé des querelles domestiques et fait pleuvoir
des horions sur la paisible berge. Le frère et la soeur ont lutté pour le libre
usage de la ligne. Le bras de Jean est devenu noir d'avoir été pincé et la joue
de Jeanne s'est empourprée sous les soufflets sonores. Et quand ils furent las
de pinçons et de gifles, Jean et Jeanne consentirent à partager de bon gré ce
que ni l'un ni l'autre n'avaient pu saisir par la force. Ils convinrent que la
ligne passerait alternativement des mains du frère à celles de la soeur après
chaque poisson pris.

C'est Jean qui commence. L'on ne sait quand il aura fini. Il ne viole pas
ouvertement le traité, il en détruit l'effet par un abus coupable. Pour n'avoir
pas à céder la ligne à sa soeur, il se refuse à prendre le poisson qui s'offre,
qui mord à l'hameçon et qui fait plonger le bouchon.

Jean est rusé: Jeanne est patiente. Depuis six heures elle attend. Cette fois
pourtant elle semble lasse de sa longue inertie. Elle bâille, s'étire, se couche
à l'ombre du saule et ferme les yeux. Jean l'épie du coin de l'oeil et croit
qu'elle dort. Le bouchon plonge. Il tire vivement le fil au bout duquel brille
un éclair d'argent. Un goujon s'est pris à l'épingle.

« Ah! c'est à moi, maintenant », s'écrie une voix derrière lui.

Et Jeanne saisit la ligne.
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