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| | Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. | |
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| Sujet: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:05 | |
| XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno.
Heureusement Reine avait de bons yeux. Elle abattit vivement, de sa blanche main, l’arbalète de Julien Le Priol qui cherchait déjà son point de mire.
-Ce n’est pas le chevalier Méloir, dit-elle.
-Et qui est-ce donc, notre demoiselle? -C’est Aubry de Kergariou.
-Déjà! murmura Maurever.
Julien sourit, débanda son arbalète et sortit.
-Si j’étais seulement gentilhomme, pensait-il en regagnant l’abri de sa famille, je voudrais qu’elle ne reconnût personne d’aussi loin que cela! Il soupira un petit peu.
Et ce fut tout, car Julien était un vaillant gars dont la pensée pouvait se montrer tout entière. |
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:05 | |
| L’instant d’après, Aubry entrait dans la tour.
Maurever lui tendit les bras et l’appela son fils.
Reine lui donna sa main.
Il fallut savoir l’histoire de ce déguisement.
Aubry s’assit entre sa fiancée et son père. Cet instant-là compensait toutes les heures cruelles passées dans la cage de pierre.
-Mes fils, disait cependant Bruno aux émigrés du village de Saint-Jean, nous avons vu vos maisons brûler, du haut de la plate-forme, ici près, au monastère. Moi qui ai été soldat avant d’être moine, je connais cela. Si vous avez un verre de cidre, je boirai à votre santé, bien volontiers, mes fils, car, tout le long du chemin, messire Aubry m’a forcé de lui conter des histoires.
Jeannin lui emplit une écuelle. |
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:05 | |
| -Toi, reprit Bruno en caressant la joue du petit coquetier, tu ressembles comme deux gouttes d’eau au saint Jean-Baptiste de l’église de Tinténiac, mon pays natal, et je vais te conter une histoire qui te fera grand plaisir.
-Si vous avez été soldat comme vous le dites, repartit Jeannin, mieux vaudrait nous aider dans nos travaux.
-Bien parlé, mon neveu! s’écria Bruno, comme disait Malestroit, mon capitaine, qui eut le bras coupé par un boulet de pierre au bas de Bécherel, en l’an trente et un. Quant à vous aider, ce sera de bon coeur; je suis ici pour cela, ne pouvant rentrer au monastère sans une immunité du prieur claustral. Voyons votre besogne.
Il rejeta son froc en arrière et retroussa ses manches, en homme de vert travail. Jeannin, Julien, quelques Mathurin et les Joson lui montrèrent le commencement d’enceinte. Frère Bruno approuva le tracé et se mit immédiatement à l’oeuvre. |
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:06 | |
| Dans la courtine, étaient Simon Le Priol, sa femme, Simonnette, toutes les Gothon et autres Catiche; Scholastique préparait le repas commun. On était triste en cet endroit-là.
Simonnette avait la larme à l’oeil, parce que le petit Jeannin, étant devenu un homme de guerre, ne s’occupait plus d’elle autant qu’elle l’aurait voulu.
Les choses étaient bien changées, rien que depuis l’avant-veille, jour de la Saint-Jean. Ce soir-là, souvenez-vous-en, le petit Jeannin avait ses pieds nus dans les cendres si humblement! Et, pour une fois qu’il osa prendre la parole, on le fit taire.
Mais il avait été pendu depuis lors, et cela forme un jeune homme.
Son importance grandissait à vue d’oeil, les Gothon le regardaient; les Mathurin le jalousaient. On prétendait que deux Suzon, dont nous n’avons point parlé encore à cause de l’abondance des matières, l’avaient effrontément demandé en mariage.
C’était un personnage. |
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:06 | |
| -Peau-de-Mouton, mon joli blondin, lui dit frère Bruno, je me fais maître-maçon, et je te prends pour ma coterie.
À ce coup Jeannin se redressa; sa position était désormais officielle.
Il jeta un regard vers la courtine, où les femmes étaient rassemblées, et prit le pas sur tous les Mathurin.
-Je ferai de mon mieux, frère Bruno, répliqua-t-il avec une orgueilleuse modestie.
-Apporte-moi cette roche, mon garçonnet, reprit le moine en montrant un pierre presque aussi grosse que Jeannin.
Jeannin s’y prit vaillamment, mais son effort n’ébranla pas même la roche.
Les Mathurin se mirent à rire.
-Vous qui riez, dit le moine, mettez-vous quatre et faites ce que le blondin n’a pu faire.
Les Mathurin suèrent sang et eau; la pierre ne bougea pas.
-Oh! oh! s’écria le frère Bruno; on dit que les gars du Marais ont des mains de beurre. |
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:06 | |
| Voyez ce que vaut la moitié d’un moine! Il saisit la roche et la porta, l’espace de dix pas, jusqu’à l’enceinte improvisée.
Tout en la portant, il disait: -Personne de vous n’a connu Robin de Ploërmel, qui écrasa la queue du diable? Je vous réciterai sa légende au souper. À présent, travaillons, mes mignons, car nous aurons du nouveau cette nuit.
Les Mathurin le contemplaient avec admiration.
Frère Bruno leur assigna leur poste de travail et entonna la ronde du pays de Vannes: La beauté, de quoi sert-elle Ligèrement belle hirondelle, Ligèrement? El’ sert à porter en terre, Ligèrement, blanche bergère.
Ligèrement! Il chantait cela, le frère Bruno, d’une belle voix de vêpres, sur un de ces airs tristes et bizarrement rythmés que l’on ne trouve qu’en Bretagne.
C’était de la gaieté, mais de la gaieté bretonne, qui donne aux noces même une bonne couleur d’enterrement.
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:06 | |
| Les gars se prirent à travailler en mesure comme les matelots au cabestan.
La besogne allait, le moine chantait: As-tu la chanson nouvelle, Ligèrement, belle hirondelle, Ligèrement? La chanson du cimetière, Ligèrement, blanche bergère, Ligèrement! La fable d’Orphée se renouvelait. Les pierres dansaient au son de cette musique. Les gars se démenaient.
-Holà! les filles! cria le frère Bruno, je ne peux pas tout faire, moi! Venez donc chanter pendant que nous peinons.
Les filles qui s’ennuyaient toutes seules ne demandaient pas mieux. Le troisième couplet, un peu plus lugubre que les deux premiers, s’entonna en choeur, bien joyeusement. Le quatrième, ou bière rime avec bergère, fut chanté en sautant. Au cinquième, on ne se sentait plus d’allégresse.
Au sixième, les Gothon, les Catiche, la Scholastique, les Suzon, Simon Le Priol et sa grave ménagère elle-même remuaient la terre en gavottant comme des bienheureux.
L’enceinte s’élevait.
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:06 | |
| Quand le vieux Maurever, Aubry et Reine sortirent de la tour, ils étaient dans une véritable forteresse.
Le frère Bruno s’approcha respectueusement de monsieur Hue.
-Que Dieu vous bénisse, mon bon seigneur, dit-il, et la jolie demoiselle, et même messire Aubry, mon ami, qui m’a planté là en pleine grève, quoique je prisse la peine de lui raconter une histoire ou deux pour abréger le chemin. Je viens ici dérouiller mes pauvres bras, qui s’engourdissaient là-haut.
-Mais si le prieur s’aperçoit de votre fuite, répliqua monsieur Hue, il enverra ses hommes d’armes après vous.
-Quel prieur? Il faut distinguer: le prieur claustral, je ne dis pas; mais il ne s’occupe pas du dehors. Quant au prieur des moines, il a porté l’armure comme moi, et la main lui démange trop souvent pour qu’il ne comprenne point mon cas.
D’ailleurs, je n’ai point prononcé de voeu, mon bon seigneur, et à mon retour je n’aurai que la discipline simple, qui est donnée par frère Eustache, mon compère.
Le vieux Maurever fronça le sourcil.
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:07 | |
| -Je n’aime pas qu’on plaisante, même innocemment, des choses de la religion, mon frère, dit-il avec sévérité.
-Bon! s’écria Bruno désespéré, voilà qu’on va me renvoyer avant la bagarre! J’aurai la discipline tout de même et je ne me serai point battu! Mon bon seigneur, ayez pitié de moi! -Père, murmura la douce voix de Reine, il a aidé Aubry à se sauver.
-Et j’ai donné trois tours de clé sur ce coquin de Méloir, ajouta Bruno; saint patron, monseigneur, si vous aviez vu sa figure! -C’est un excellent homme, dit Aubry, à son tour; sans lui, les jours de ma captivité auraient été bien durs.
-Oui, oui, s’écria Bruno; je lui ai conté de fières histoires au jeune seigneur...
-Et tenez, interrompit-il en prenant sans façon monsieur Hue par la manche, ce frère Eustache, dont je vous parlais, a eu, avant d’entrer en religion, vers l’an trente-trois, au mois d’avril, une bien gaillarde aventure dans la ville de Guichen, entre Rennes et Redon.
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| Sujet: Re: Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. Lun 18 Fév - 16:07 | |
| Il venait de vendre des poules au marché de Guer, car il tenait une métairie pour la douairière de La Bourdonnaye, là-bas, sous Pont-Réan. Il était à cheval, jambe de ci, jambe de là, sur son bât et il allait chantant: Dansons la litra, Litra litanrire, Dansons la litra, Litra lilanla! Vous savez, la litra se danse à reculons, en se tapant les talons devant derrière. Et j’ai connu au bourg de Bains un tailleur de cercles en châtaignier pour les fûts, poinçons et barriques, qu’on venait voir danser la litra de dix lieues à la ronde. Il était borgne d’un oeil et se nommait Pelo Halluin. Sa soeur Matheline piquait la toile à voile à la Roche-Bernard et fut mariée à Juillon le Guennec, qu’on appelait le Bancal, à cause de ses jambes qu’il avait de travers.
Ce Pelo Halluin... mais c’est de frère Eustache que je veux vous entretenir, mon bon seigneur.
-Que vous disais-je? murmura Aubry à l’oreille de monsieur Hue.
Le vieillard se prit à sourire. Il paraît qu’Aubry lui avait déjà parlé du digne frère Bruno et de ses histoires.
-Donc, reprit ce dernier, frère Eustache était alors un jeune gars, éveillé comme un ver luisant...
-Assez! frère Bruno, interrompit monsieur Hue. |
| | | | Paul Henri Corentin Féval. (Père) (1816-1887) La Fée des Grèves. XXIV Dits Et Gestes De Frère Bruno. | |
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