PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I

Aller en bas 
AuteurMessage
James
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
FONDATEUR ADMINISTRATEUR
James


Masculin
Dragon
Nombre de messages : 149095
Age : 59
Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières
Date d'inscription : 04/09/2007

Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I Empty
MessageSujet: Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I   Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I Icon_minitimeLun 25 Fév - 11:42

Jude et Grazia ou Les malheurs de
l'émigration canadienne
Poème dédié à ses amis

La nuit tombait, tiède et sereine,
Sur les rives du Saguenay:
Dans ses cavernes enchaîné,
Le vent retenait son haleine;
Endormant son bruissement,
Sur le bord des grottes profondes,
Se jouant dans les algues blondes,
Le flot se berçait mollement;
Et, du haut de la berge immense,
Les ombres, planant en silence
Sur le gouffre, en vastes arceaux,
À la voûte d'azur sans voiles,
À la lumière des étoiles
Disputaient le miroir des eaux.
C'était l'heure où le daim timide
Vient savourer l'onde et s'enfuit;
Où le pluvier, d'un vol rapide,
Cherche son gîte pour la nuit;
Où Philomèle, solitaire,
Charme l'écho qui lui répond;
Où le loup-cervier vagabond
Va s'élancer de son repaire

Mais qu'importe aux hôtes des bois
Tout l'éclat que ton sein recèle,
Oh! nuit pleine de douces voix?
Ce n'est pas pour eux qu'étincelle
Ton oeil grave et tendre à la fois

C'est pour attirer sur le fleuve
Deux enfants que l'Amour conduit
Vers cette source, loin du bruit,
Où le trop faible coeur s'abreuve:
Jude appareillant le bateau
Où sourit l'ange qu'il adore:
Brune fleur sur le point d'éclore,
Grazia, l'orgueil du hameau!
Jude avec son calme sourire,
Ses yeux bleus dont l'éclat respire
La douceur et la fermeté,
Sa pensive et mâle figure
Et cet air fier dont la nature,
À son insu, l'avait doté:
Grazia, frêle sensitive,
Où l'amour s'allie au devoir,
Épanchant son âme naïve
Dans le feu de son grand oeil noir:
Beauté suave et sans mélange
Qu'un Raphaël, qu'un Michel-Ange
Serait jaloux de concevoir.
On aime à les voir dans la mise
Si chère à nos bons paysans:
Lui, sous l'habit de laine grise
Aux boutons de corne luisants;
Elle, avec son chapeau de paille
Si coquettement décoré,
Son simple fichu bigarré,
Son mantelet juste à sa taille,
Son jupon de droguet rayé
Et la légère mocassine
Où l'oeil ravi cherche et devine

Un pied petit, mignon, choyé
Chaste rose dont l'éclat brille
Sans d'inutiles ornements,
Cent fois plus belle et plus gentille,
Sous ces modestes vêtements,
Que la superbe paysanne
Si commune, hélas! de nos jours,
Dont la vanité se pavane,
Singeant les modèles des cours,
Sous la toilette flamboyante
Et les ridicules atours
Du sot démon qui la tourmente!

Jude est le fils d'un vieux marin
Qui sommeille sous l'onde amère,
Et Grazia, soir et matin,
Regrette encor sa bonne mère.

Peindrai-je, en quelques mots concis,
De l'un la jeunesse rêveuse,
Son âme vive, aventureuse,
Ses projets longtemps indécis?
Ou bien de l'autre qui s'ignore
L' enj oûment, l'aimable gaîté,
Reflet de la sincérité
Qui l'embellit et qui l'honore?
Dirai-je le coeur généreux
Qui sut enrichir leur enfance
Des vertus qui rendent heureux,
Des premiers dons de la science?

Tous deux ont grandi sous les lois

D'un bon curé du voisinage,
Venu sur cet âpre rivage
Pour y faire adorer la croix.
Son toit, où la pauvreté brille,
N'offre pas les traits séduisants
D'une épouse, de beaux enfants.
Les orphelins sont sa famille!
Dieu seul son maître! et la forêt,
Témoin de son oeuvre féconde,
Pour ses yeux a bien plus d'attrait
Que tous les palais de ce monde!
Déjà de ses deux protégés
Dans sa vive sollicitude,
Les destins par lui sont jugés:
Au sacerdoce il donne Jude;
Et la sensible Grazia,
Ceignant le bandeau des Vestales,
Fuira les passions fatales
Où plus d'une âme s'oublia.

Il voit, se livrant à son zèle,
Le vénérable Père André,
Dans ses voeux un gage assuré
Du bon effet de sa tutelle!
Ainsi, dans les vastes pampas,
Par le prestige du mirage,
Le voyageur croit voir l'image
De mille objets qui n'y sont pas.

Ô puissance mystérieuse!
Amour qui perdit Abélard,
C'est toi qui du noble vieillard

Vas tromper l'espérance heureuse!
C'est toi qu'écoutent ces enfants
Dans le murmure du feuillage,
Dans les bruits divers de la plage
Et dans leurs rêves séduisants!
C'est toi qui, de la solitude
Banissant les tristes ennuis,
Leur fais chercher l'ombre des nuits
Pleins d'une vague inquiétude!
Ah! pourquoi déranger le cours
De leur existence tranquille?
Ah! pourquoi leur ange docile
Ne vient-il pas à leur secours?
Du sein des missions voisines
Où le devoir retient ses pas,
André ne reviendra-t-il pas
Briser les plans que tu combines
Et les soustraire à tes appâts?
Non, déjà la barque rapide,
Déjà le zéphyr qui la guide
Les entraînent le long du bord,
Pareils à ces fleurs fugitives
Que le vent fait tomber des rives,
Pour les livrer au flot qui dort.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I Une_pa12Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I Plumes19Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I James_12Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I Confes12


Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I Sceau110
Revenir en haut Aller en bas
https://www.plumedepoesies.org
 
Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne I
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne II
» Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne III
» Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Jude et Grazia ou Les malheurs de l'émigration canadienne IV
» Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Espérez
» Louis-Joseph-Cyprien Fiset (1825-1898) Épître

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: