Les Brûmes
21 décembre 1907
Le ciel est gris, maussade et voilé de tristesse
La Nature dolente exhale un long soupir
C'est l'heure où chancelant son règne va finir
Implorant du soleil encor une caresse
Sur les champs ravagés le hardi laboureur
Jette un regard qui dit « tu germeras la graine
Terre toujours féconde à la saison prochaine »
Sous les bois effeuillés le poète est rêveur
Dans la chaumière nuie où la gène sommeille
Où la mère est sans feu, sans espoir et sans pain ?
Ignorant aujourd'hui l'effort du lendemain
Brûme d'un soir d'amour un chérubin s'éveille
Par le sentier désert, de l'ennui plein les yeux
S'en vont désabusés, les rêveurs aux chimères
Et sur les tapis d'or tissés par les clairières
Tombe, brûme du coeur l'ombre des jours heureux
Dans la chambrette vide où l'amour, certaine heure
Vint chanter le plaisir dans le calme du soir
Où vécut le bonheur aux côtés de l'espoir
Brûme d'un soir bien doux, l'amante, seule, pleure
Au fond du cabaret en vain, cherchant l'oubli
Le buveur exhalté dit une ode à l'Ivresse
Et son regard sans feu sourit à la Tristesse
Brûme, d'un soir perdu, qui va tomber sous lui
Ainsi nous arrivons au terme du voyage
Bercés par l'espérance et l'affreuse douleur
Et nous sentons, alors, tomber sur notre coeur
Comme un nuage épais les brûmes du jeune age.
Honoré HARMAND