La coupe de bois
A mon fils
1er février 1940
Ils étaient quelques uns, avides de chauffage
Qui, moyennant finance, avaient fait héritage
D'un lot d'arbres divers pour éclaircir le bois ;
Pensant que la forêt a besoin de lumière
Elle que la Nature a doté de mystère
Afin que nul ne cherche à discuter ses lois.
Ils étaient quelques uns, incapables d'écrire
Ce qu'un poète heureux, en accordant sa lyre,
Ressent, lorsqu'il chemine en des sentiers perdus.
Lorsque le doux Printemps aux branches frémissantes
Attache des points verts ; car, de sève, haletantes
Des feuilles font appel aux bonheurs attendus.
Méprisant le décor aux couleurs séduisantes ;
Foulant du pied la mousse et les tiges naissantes
L'acquéreur satisfait est venu contempler
Le nombre et la grandeur des futures victimes.
Fier d'avoir perpétré la valeur de ses crimes,
Il s'est mis à l'ouvrage, un matin, sans trembler.
Il semblait se griser du bruit sourd de la hache
Et quand un arbrisseau tombait, d'un air bravache,
Avec une serpette il coupait ses rameaux.
J'aurais voulu crier à ce tyran sans âme :
Tu parais ignorer que détruire est infâme ;
Si tu n'es pas ingrat pense aux petits oiseaux.
C'est là qu'ils composaient leurs chansons printanières.
Tous ces taillis épais figuraient leurs volières,
Cages sans une porte où briser leur essor.
Et si tu veux me croire, arrête ton ouvrage
Ecoute et comprends bien la parole du sage.
Un gazouillis joyeux vaut mieux qu'un bruit de l'or.
Mais les chênes géants, les orgueilleux platanes
Dirent au bûcheron : laisse tes mains profanes.
Pars vers des lieux moins beaux gaspiller tes efforts.
Peut-être, plus que toi, nous tenons à la vie.
Si, de nous attaquer il te prenait envie
Attends, tu sauras mieux, lorsque nous serons morts.
Honoré HARMAND