Soir d'hiver
Février 1942
A l'horizon le soir descend ;
Partout surgissent les lumières.
L'angélus sonne lentement,
Les dévotes sont en prières.
Le laboureur revient des champs,
Sa tâche est largement remplie
Et ses chevaux en trébuchant
Courbent le garrot sous la pluie.
On n'entend plus les chants d'oiseaux.
Il semble que tout agonise.
Tremblants sont les faibles roseaux
Sous la menace de la bise.
Couché sur un épais tapis
Caressant, le gros chat minaude.
Chacun à sa place est assis
Devant la bonne soupe chaude.
Au Destin donnant tous les torts
Les vieux murmurent des blasphèmes,
Songeant aux gueux couchant dehors
Aux ventre-creux, aux faces blêmes.
On quitte la table et blottis
Devant la bûche surveillée
On écoute les beaux récits
Que fait grand'mère à la veillée.
L'horloge vient de tressaillir,
Amante du Temps, obéie,
Invitant le Monde à dormir
Dans les bras de Morphé jolie.
Honoré HARMAND