PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXIX. White-Hall

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXIX. White-Hall Empty
MessageSujet: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXIX. White-Hall   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXIX. White-Hall Icon_minitimeLun 15 Avr - 18:36

LXIX. White-Hall

Le parlement condamna Charles Stuart à mort, comme il était facile
de le prévoir. Les jugements politiques sont toujours de vaines
formalités, car les mêmes passions qui font accuser font condamner
aussi. Telle est la terrible logique des révolutions.

Quoique nos amis s’attendissent à cette condamnation, elle les
remplit de douleur. D’Artagnan, dont l’esprit n’avait jamais plus
de ressources que dans les moments extrêmes, jura de nouveau qu’il
tenterait tout au monde pour empêcher le dénouement de la
sanglante tragédie. Mais par quels moyens? C’est ce qu’il
n’entrevoyait que vaguement encore. Tout dépendrait de la nature
des circonstances. En attendant qu’un plan complet pût être
arrêté, il fallait à tout prix, pour gagner du temps, mettre
obstacle à ce que l’exécution eût lieu le lendemain ainsi que les
juges en avaient décidé. Le seul moyen, c’était de faire
disparaître le bourreau de Londres.

Le bourreau disparu, la sentence ne pouvait être exécutée. Sans
doute on enverrait chercher celui de la ville la plus voisine de
Londres, mais cela faisait gagner au moins un jour, et un jour en
pareil cas, c’est le salut peut-être! D’Artagnan se chargea de
cette tâche plus que difficile.

Une chose non moins essentielle, c’était de prévenir Charles
Stuart qu’on allait tenter de le sauver, afin qu’il secondât
autant que possible ses défenseurs, ou que du moins il ne fit rien
qui pût contrarier leurs efforts. Aramis se chargea de ce soin
périlleux. Charles Stuart avait demandé qu’il fût permis à
l’évêque Juxon de le visiter dans sa prison de White-Hall.
Mordaunt était venu chez l’évêque ce soir-là même pour lui faire
connaître le désir religieux exprimé par le roi, ainsi que
l’autorisation de Cromwell. Aramis résolut d’obtenir de l’évêque,
soit par la terreur, soit par la persuasion, qu’il le laissât
pénétrer à sa place et revêtu de ses insignes sacerdotaux, dans le
palais de White-Hall.

Enfin, Athos se chargea de préparer, à tout événement, les moyens
de quitter l’Angleterre en cas d’insuccès comme en cas de
réussite.

La nuit étant venue, on se donna rendez-vous à l’hôtel à onze
heures, et chacun se mit en route pour exécuter sa dangereuse
mission.

Le palais de White-Hall était gardé par trois régiments de
cavalerie et surtout par les inquiétudes incessantes de Cromwell,
qui allait, venait, envoyait ses généraux ou ses agents.

Seul et dans sa chambre habituelle, éclairée par la lueur de deux
bougies, le monarque condamné à mort regardait tristement le luxe
de sa grandeur passée, comme on voit à la dernière heure l’image
de la vie plus brillante et plus suave que jamais.

Parry n’avait point quitté son maître, et depuis sa condamnation
n’avait point cessé de pleurer.

Charles Stuart, accoudé sur une table, regardait un médaillon sur
lequel étaient, près l’un de l’autre, les portraits de sa femme et
de sa fille. Il attendait d’abord Juxon; puis après Juxon, le
martyre.

Quelquefois sa pensée s’arrêtait sur ces braves gentilshommes
français qui déjà lui paraissaient éloignés de cent lieues,
fabuleux, chimériques, et pareils à ces figures que l’on voit en
rêve et qui disparaissent au réveil.

C’est qu’en effet parfois Charles se demandait si tout ce qui
venait de lui arriver n’était pas un rêve ou tout au moins le
délire de la fièvre.

À cette pensée, il se levait, faisait quelques pas comme pour
sortir de sa torpeur, allait jusqu’à la fenêtre; mais aussitôt au-
dessous de la fenêtre il voyait reluire les mousquets des gardes.
Alors il était forcé de s’avouer qu’il était bien réveillé et que
son rêve sanglant était bien réel.

Charles revenait silencieux à son fauteuil, s’accoudait de nouveau
à la table, laissait retomber sa tête sur sa main, et songeait.

- Hélas! disait-il en lui-même, si j’avais au moins pour
confesseur une de ces lumières de Église dont l’âme a sondé tous
les mystères de la vie, toutes les petitesses de la grandeur,
peut-être sa voix étoufferait-elle la voix qui se lamente dans mon
âme! Mais j’aurai un prêtre à l’esprit vulgaire, dont j’ai brisé,
par mon malheur, la carrière et la fortune. Il me parlera de Dieu
et de la mort comme il en a parlé à d’autres mourants, sans
comprendre que ce mourant royal laisse un trône à l’usurpateur
quand ses enfants n’ont plus de pain.

Puis, approchant le portrait de ses lèvres, il murmurait tour à
tour et l’un après l’autre le nom de chacun de ses enfants.

Il faisait, comme nous l’avons dit, une nuit brumeuse et sombre.
L’heure sonnait lentement à l’horloge de l’église voisine. Les
pâles clartés des deux bougies semaient dans cette grande et haute
chambre des fantômes éclairés d’étranges reflets. Ces fantômes
c’étaient les aïeux du roi Charles qui se détachaient de leurs
cadres d’or; ces reflets c’étaient les dernières lueurs bleuâtres
et miroitantes d’un feu de charbon qui s’éteignait.

Une immense tristesse s’empara de Charles. Il ensevelit son front
entre ses deux mains, songea au monde si beau lorsqu’on le quitte
ou plutôt lorsqu’il nous quitte, aux caresses des enfants si
suaves et si douces, surtout quand on est séparé de ses enfants
pour ne plus les revoir; puis à sa femme, noble et courageuse
créature qui l’avait soutenu jusqu’au dernier moment. Il tira de
sa poitrine la croix de diamants et la plaque de la Jarretière
qu’elle lui avait envoyées par ces généreux Français, et les
baisa; puis, songeant qu’elle ne reverrait ces objets que
lorsqu’il serait couché froid et mutilé dans une tombe, il sentit
passer en lui un de ces frissons glacés que la mort nous jette
comme son premier manteau.

Alors dans cette chambre qui lui rappelait tant de souvenirs
royaux, où avaient passé tant de courtisans et tant de flatteries,
seul avec un serviteur désolé dont l’âme faible ne pouvait
soutenir son âme, le roi laissa tomber son courage au niveau de
cette faiblesse, de ces ténèbres, de ce froid d’hiver; et, le
dira-t-on, ce roi qui mourut si grand, si sublime, avec le sourire
de la résignation sur les lèvres, essuya dans l’ombre une larme
qui était tombée sur la table et qui tremblait sur le tapis brodé
d’or.

Soudain on entendit des pas dans les corridors, la porte s’ouvrit,
des torches emplirent la chambre d’une lumière fumeuse, et un
ecclésiastique, revêtu des habits épiscopaux, entra suivi de deux
gardes auxquels Charles fit de la main un geste impérieux.

Ces deux gardes se retirèrent; la chambre rentra dans son
obscurité.

- Juxon! s’écria Charles, Juxon! Merci, mon dernier ami, vous
arrivez à propos.

L’évêque jeta un regard oblique et inquiet sur cet homme qui
sanglotait dans l’angle du foyer.

- Allons, Parry, dit le roi, ne pleure plus, voici Dieu qui vient
à nous.

- Si c’est Parry, dit l’évêque, je n’ai plus rien à craindre;
mais, sire, permettez-moi de saluer Votre Majesté et de lui dire
qui je suis et pour quelle chose je viens.

À cette vue, à cette voix, Charles allait s’écrier sans doute,
mais Aramis mit un doigt sur ses lèvres, et salua profondément le
roi d’Angleterre.

- Le chevalier, murmura Charles.

- Oui, sire, interrompit Aramis en élevant la voix, oui, l’évêque
Juxon, fidèle chevalier du Christ, et qui se rend aux voeux de
Votre Majesté.

Charles joignit les mains; il avait reconnu d’Herblay, il restait
stupéfait, anéanti, devant ces hommes qui, étrangers, sans aucun
mobile qu’un devoir imposé par leur propre conscience, luttaient
ainsi contre la volonté d’un peuple et contre la destinée d’un
roi.

- Vous, dit-il, vous! comment êtes-vous parvenu jusqu’ici? Mon
Dieu, s’ils vous reconnaissaient, vous seriez perdu.

Parry était debout, toute sa personne exprimait le sentiment d’une
naïve et profonde admiration.

- Ne songez pas à moi, sire, dit Aramis en recommandant toujours
du geste le silence au roi, ne songez qu’à vous; vos amis
veillent, vous le voyez; ce que nous ferons, je ne sais pas
encore; mais quatre hommes déterminés peuvent faire beaucoup. En
attendant, ne fermez pas l’oeil de la nuit, ne vous étonnez de
lien et attendez-vous à tout.

Charles secoua la tête.

- Ami, dit-il, savez-vous que vous n’avez pas de temps à perdre
et que si vous voulez agir, il faut vous presser? Savez-vous que
c’est demain à dix heures que je dois mourir?

- Sire, quelque chose se passera d’ici là qui rendra l’exécution
impossible.

Le roi regarda Aramis avec étonnement.

En ce moment même il se fit, au-dessous de la fenêtre du roi, un
bruit étrange et comme ferait celui d’une charrette de bois qu’on
décharge.

- Entendez-vous? dit le roi.

Ce bruit fut suivi d’un cri de douleur.

- J’écoute, dit Aramis, mais je ne comprends pas quel est ce
bruit, et surtout ce cri.

- Ce cri, j’ignore qui a pu le pousser, dit le roi, mais ce
bruit, je vais vous en rendre compte. Savez-vous que je dois être
exécuté en dehors de cette fenêtre? ajouta Charles en étendant la
main vers la place sombre et déserte, peuplée seulement de soldats
et de sentinelles.

- Oui, sire, dit Aramis, je le sais.

- Eh bien! ces bois qu’on apporte sont les poutres et les
charpentes avec lesquelles on va construire mon échafaud. Quelque
ouvrier se sera blessé en les déchargeant.

Aramis frissonna malgré lui.

- Vous voyez bien, dit Charles, qu’il est inutile que vous vous
obstiniez davantage; je suis condamné, laissez-moi subir mon sort.

- Sire, dit Aramis en reprenant sa tranquillité un instant
troublée, ils peuvent bien dresser un échafaud, mais ils ne
pourront pas trouver un exécuteur.

- Que voulez-vous dire? demanda le roi.

- Je veux dire qu’à cette heure, sire, le bourreau est enlevé ou
séduit; demain, l’échafaud sera prêt, mais le bourreau manquera,
on remettra alors l’exécution à après-demain.

- Eh bien? dit le roi.

- Eh bien? dit Aramis, demain dans la nuit nous vous enlevons.

- Comment cela? s’écria le roi, dont le visage s’illumina malgré
lui d’un éclair de joie.

- Oh! monsieur, murmura Parry les mains jointes, soyez bénis,
vous et les vôtres.

- Comment cela? répéta le roi; il faut que je le sache, afin que
je vous seconde s’il en est besoin.

- Je n’en sais rien, sire, dit Aramis; mais le plus adroit, le
plus brave, le plus dévoué de nous quatre m’a dit en me quittant:
«Chevalier, dites au roi que demain à dix heures du soir nous
l’enlevons.» Puisqu’il l’a dit, il le fera.

- Dites-moi le nom de ce généreux ami, dit le roi, pour que je
lui en garde une reconnaissance éternelle, qu’il réussisse ou non.

- D’Artagnan, sire, le même qui a failli vous sauver quand le
colonel Harrison est entré si mal à propos.

- Vous êtes en vérité des hommes merveilleux! dit le roi, et l’on
m’eût raconté de pareilles choses que je ne les eusse pas crues.

- Maintenant, sire, reprit Aramis, écoutez-moi. N’oubliez pas un
seul instant que nous veillons pour votre salut; le moindre geste,
le moindre chant, le moindre signe de ceux qui s’approcheront de
vous, épiez tout, écoutez tout, commentez tout.

- Oh! chevalier! s’écria le roi, que puis-je vous dire? aucune
parole, vînt-elle du plus profond de mon coeur, n’exprimerait ma
reconnaissance. Si vous réussissez, je ne vous dirai pas que vous
sauvez un roi; non, vue de l’échafaud comme je la vois, la
royauté, je vous le jure, est bien peu de chose; mais vous
conserverez un mari à sa femme, un père à ses enfants. Chevalier,
touchez ma main, c’est celle d’un ami qui vous aimera jusqu’au
dernier soupir.

Aramis voulut baiser la main du roi, mais le roi saisit la sienne
et l’appuya contre son coeur.

En ce moment un homme entra sans même frapper à la porte; Aramis
voulut retirer sa main, le roi la retint.

Celui qui entrait était un de ces puritains demi-prêtres, demi-
soldats, comme il en pullulait près de Cromwell.

- Que voulez-vous, monsieur? lui dit le roi.

- Je désire savoir si la confession de Charles Stuart est
terminée, dit le nouveau venu.

- Que vous importe? dit le roi, nous ne sommes pas de la même
religion.

- Tous les hommes sont frères, dit le puritain. Un de mes frères
va mourir, et je viens l’exhorter à la mort.

- Assez, dit Parry, le roi n’a que faire de vos exhortations.

- Sire, dit tout bas Aramis, ménagez-le, c’est sans doute quelque
espion.

- Après le révérend docteur évêque, dit le roi, je vous entendrai
avec plaisir, monsieur.

L’homme au regard louche se retira, non sans avoir observé Juxon
avec une attention qui n’échappa point au roi.

- Chevalier, dit-il quand la porte fut refermée, je crois que
vous aviez raison et que cet homme est venu ici avec des
intentions mauvaises; prenez garde en vous retirant qu’il ne vous
arrive malheur.

- Sire, dit Aramis, je remercie Votre Majesté; mais qu’elle se
tranquillise, sous cette robe j’ai une cotte de mailles et un
poignard.

- Allez donc, monsieur, et que Dieu vous ait dans sa sainte
garde, comme je disais du temps que j’étais roi.

Aramis sortit; Charles le reconduisit jusqu’au seuil. Aramis lança
sa bénédiction, qui fit incliner les gardes, passa majestueusement
à travers les antichambres pleines de soldats, remonta dans son
carrosse, où le suivirent ses deux gardiens, et se fit ramener à
l’évêché, où ils le quittèrent.

Juxon attendait avec anxiété.

- Eh bien? dit-il en apercevant Aramis.

- Eh bien! dit celui-ci, tout a réussi selon mes souhaits;
espions, gardes, satellites m’ont pris pour vous, et le roi vous
bénit en attendant que vous le bénissiez.

- Dieu vous protège, mon fils, car votre exemple m’a donné à la
fois espoir et courage.

Aramis reprit ses habits et son manteau, et sortit en prévenant
Juxon qu’il aurait encore une fois recours à lui.

À peine eut-il fait dix pas dans la rue qu’il s’aperçut qu’il
était suivi par un homme enveloppé dans un grand manteau; il mit
la main sur son poignard et s’arrêta. L’homme vint droit à lui.
C’était Porthos.

- Ce cher ami! dit Aramis en lui tendant la main.

- Vous le voyez, mon cher, dit Porthos, chacun de nous avait sa
mission; la mienne était de vous garder, et je vous gardais. Avez-
vous vu le roi?

- Oui, et tout va bien. Maintenant, nos amis, où sont-ils?

- Nous avons rendez-vous à onze heures à l’hôtel.

- Il n’y a pas de temps à perdre alors, dit Aramis.

En effet, dix heures et demie sonnaient à l’église Saint-Paul.

Cependant, comme les deux amis firent diligence, ils arrivèrent,
les premiers.

Après eux, Athos entra.

- Tout va bien, dit-il avant que ses amis eussent eu le temps de
l’interroger.

- Qu’avez-vous fait? dit Aramis.

J’ai loué une petite felouque, étroite comme une pirogue, légère
comme une hirondelle; elle nous attend à Greenwich, en face de
l’île des Chiens; elle est montée d’un patron et de quatre hommes,
qui, moyennant cinquante livres sterling, se tiendront tout à
notre disposition trois nuits de suite. Une fois à bord avec le
roi, nous profitons de la marée, nous descendons la Tamise, et en
deux heures nous sommes en pleine mer. Alors, en vrais pirates,
nous suivons les côtes, nous nichons sur les falaises, ou si la
mer est libre, nous mettons le cap sur Boulogne. Si j’étais tué,
le patron se nomme le capitaine Roger, et la felouque _l’Éclair_.
Avec ces renseignements, vous les retrouverez l’un et l’autre. Un
mouchoir noué aux quatre coins est le signe de reconnaissance.

Un instant après, d’Artagnan rentra à son tour.

- Videz vos poches, dit-il, jusqu’à concurrence de cent livres
sterling, car, quant aux miennes...

Et d’Artagnan retourna ses poches absolument vides.

La somme fut faite à la seconde; d’Artagnan sortit et rentra un
instant après.

- Là! dit-il, c’est fini. Ouf! ce n’est pas sans peine.

- Le bourreau a quitté Londres? demanda Athos.

- Ah bien, oui! ce n’était pas assez sûr, cela. Il pouvait sortir
par une porte et rentrer par l’autre.

- Et où est-il? demanda Athos.

- Dans la cave.

- Dans quelle cave?

- Dans la cave de notre hôte! Mousqueton est assis sur le seuil,
et voici la clef.

- Bravo! dit Aramis. Mais comment avez-vous décidé cet homme à
disparaître?

- Comme on décide tout en ce monde, avec de l’argent; cela m’a
coûté cher, mais il y a consenti.

- Et combien cela vous a-t-il coûté, ami? dit Athos; car, vous le
comprenez, maintenant que nous ne sommes plus tout à fait de
pauvres mousquetaires sans feu ni lieu, toutes dépenses doivent
être communes.

- Cela m’a coûté douze mille livres, dit d’Artagnan.

- Et où les avez-vous trouvées? demanda Athos; possédiez-vous
donc cette somme?

- Et le fameux diamant de la reine! dit d’Artagnan avec un
soupir.

- Ah! c’est vrai, dit Aramis, je l’avais reconnu à votre doigt.

- Vous l’avez donc racheté à M. des Essarts? demanda Porthos.

- Eh! mon Dieu, oui, dit d’Artagnan; mais il est écrit là-haut
que je ne pourrai pas le garder. Que voulez-vous! les diamants, à
ce qu’il faut croire, ont leurs sympathies et leurs antipathies
comme les hommes; il paraît que celui-là me déteste.

- Mais, dit Athos, voilà qui va bien pour le bourreau;
malheureusement tout bourreau a son aide, son valet, que sais-je
moi.

- Aussi celui-là avait-il le sien; mais nous jouons de bonheur.

- Comment cela?

- Au moment où je croyais que j’allais avoir une seconde affaire
à traiter, on a rapporté mon gaillard avec une cuisse cassée. Par
excès de zèle, il a accompagné jusque sous les fenêtres du roi la
charrette qui portait les poutres et les charpentes; une de ces
poutres lui est tombée sur la jambe et la lui a brisée.

- Ah! dit Aramis, c’est donc lui qui a poussé le cri que j’ai
entendu de la chambre du roi?

- C’est probable, dit d’Artagnan; mais comme c’est un homme bien
pensant, il a promis en se retirant d’envoyer en son lieu et place
quatre ouvriers experts et habiles pour aider ceux qui sont déjà à
la besogne, et en rentrant chez son patron, tout blessé qu’il
était, il a écrit à l’instant même à maître Tom Low, garçon
charpentier de ses amis, de se rendre à White-Hall pour accomplir
sa promesse. Voici la lettre qu’il envoyait par un exprès qui
devait la porter pour dix pence et qui me l’a vendue un louis.

- Et que diable voulez-vous faire de cette lettre? demanda Athos.

- Vous ne devinez pas? dit d’Artagnan avec ses yeux brillants
d’intelligence.

- Non, sur mon âme!

- Eh bien! mon cher Athos, vous qui parlez anglais comme John
Bull lui-même, vous êtes maître Tom Low, et nous sommes, nous, vos
trois compagnons; comprenez-vous maintenant?

Athos poussa un cri de joie et d’admiration, courut à un cabinet,
en tira des habits d’ouvrier, que revêtirent aussitôt les quatre
amis; après quoi ils sortirent de l’hôtel, Athos portant une scie,
Porthos une pince, Aramis une hache, et d’Artagnan un marteau et
des clous.

La lettre du valet de l’exécuteur faisait foi près du maître
charpentier que c’était bien eux que l’on attendait.
Revenir en haut Aller en bas
 
Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXIX. White-Hall
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) Conclusion.
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) L. L’émeute
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXX. Les ouvriers
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXXXVI. La
» Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LIX. Le vengeur

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: