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 Louis Fréchette (1839-1908) A Octave Crémazie

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MessageSujet: Louis Fréchette (1839-1908) A Octave Crémazie   Louis Fréchette (1839-1908) A Octave Crémazie Icon_minitimeVen 19 Avr - 19:11

A Octave Crémazie


(Lu à Montréal, à l'inauguration
de son monument, le juin .)

Cher vieux Maître, salut! c'est moi, moi, ton élève,
Quand pour toi le grand jour de justice se lève,
Qui viens, traînant un pas par les ans affaibli,
Mêler mon humble voix au solennel hommage
D'un peuple qui se groupe autour de ton image
Pour pleurer tes malheurs et venger ton oubli.

Oui, poète, c'est moi! c'est moi, l'ami fidèle -
Lorsque ta gloire eut vu tout sombrer autour d'elle,
Et l'orage gronder sur ton front abattu -
Qui du choc déchirant sentit la meurtrissure,
Et dont le coeur encor saigne de ta blessure:
Vieux Maître, me reconnais-tu?

Et cette foule même au concours grandiose,
Qui, pour battre des mains à ton apothéose,
Avec enthousiasme accourt de tous côtés,
Dans ses rangs empressés où chaque voix t'acclame,
Ne retrouves-tu pas quelque chose de l'âme
Des héros d'autrefois que ta lyre a chantés?

Et n'est-ce pas aussi, pauvre muse exilée
Qui pleuras si longtemps ta chimère envolée,
N'est-ce pas que du haut de ce fier piédestal,
Ton ombre, que le vol de nos brises caresse,
Dans un tressaillement de joie et d'allégresse
A reconnu le sol natal?

Ce sol natal qui fut ton amour et ta vie,
Dont la vue en un jour cruel te fut ravie,
Et que cherchait encor ton regard expirant,
Ce sol dont tu prônas les beautés et la gloire,
Avec cette effigie où revit ta mémoire,
Le regret trop tardif d'un peuple te le rend!

Oui, car pour toi l'exil avec sa coupe amère,
Les pleurs du fils mêlés aux larmes d'une mère,
Les navrants soubresauts d'un grand coeur foudroyé,
Les mornes désespoirs de ton âme meurtrie,
En ce jour radieux, qui te rend la Patrie,
Dis-moi, tout n'est-il pas payé?

Le sacre du malheur est un sacre d'élite!...
Et puis, sur ce granit qui te réhabilite,
O Crémazie! un mot s'écrit pour nos enfants:
Le mot des grands devoirs, le mot Patriotisme,
Mot qui sous tous les cieux signifie héroïsme,
Et qui chez nous a fait les vaincus triomphants!

Tu stimulas l'ardeur de nos vertus timides;
Tu sus mettre un éclair en nos regards humides,
Sans jamais attiser d'inutiles rancoeurs:
Ce mot qui, grâce à toi, fit notre race fière,
Si nous l'avons traduit dans le bronze et la pierre,
Tu l'avais gravé dans nos coeurs.

Aussi, ton monument, oeuvre patriotique,
Ce n'est pas une ville, un parti politique,
Qui l'élève aujourd'hui. Don mille fois plus beau,
C'est - car ta gloire, ô Maître, a passé la frontière -
Unie en un faisceau, ta race tout entière
Dont le voeu t'offre ici l'hommage d'un tombeau.

Un tombeau vide, hélas! mais où, gardienne auguste,
L'âme des fiers aïeux veillera sur ton buste;
Socle où ton ombre, à toi, viendra souvent s'asseoir;
Socle d'honneur d'où nul ne te fera descendre...
Où ceux qui n'ont pas pu s'incliner sur ta cendre
Lèveront les yeux pour te voir.

La Patrie, il est vrai, n'a pu se donner toute;
Tes souvenirs ici regretteront sans doute
L'écho qui, réveillé par ton verbe éclatant,
Allait porter au loin tes strophes triomphales;
Tes yeux ne verront point les beautés sans rivales
Du rocher paternel que ton coeur aimait tant.

Ici te manqueront les horizons sublimes
Dont la vue emportait ton aile vers les cimes;
Tu n'auras pas Québec et son brillant décor;
Mais, si de tout cela ton âme sera veuve,
Tu n'entendras pas moins la vague du grand fleuve
Dans le lointain chanter encor.

Et cela - tu le sais - cela c'est la Patrie!
La voix du Saint-Laurent, c'est la mère qui prie
Et chante sa romance au berceau de ses fils;
La voix qui, sur nos bords, à chaque âme bien née
Sonne l'hymne viril, et dont la claironnée
Au besoin sait répondre aux orgueilleux défis.

Joyeux sursum corda, voix d'amour, voix céleste!
On n'est pas exilé lorsque cela nous reste!...
Toi, Maître, un étranger! réponds hardiment: « Non!
Je suis chez moi, j'ai plus que ma part d'héritage,
Puisqu'on me donne ici la Patrie en partage:
La Patrie où vivra mon nom! »

Repose donc en paix, vieux Maître, ô Crémazie!
Prestige de la Gloire et de la Poésie,
Ton oeuvre, l'avenir va plus que l'achever:
Ton nom ici! - là-bas ton cercueil! - Ta souffrance
Va créer a jamais entre nous et la France
Un lien que ton coeur n'osa jamais rêver!
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Louis Fréchette (1839-1908) A Octave Crémazie
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