IV
À son blasphème horrible, à sa clameur impie,
Vos coeurs se sont émus, ô fils du Saint-Laurent,
Et la Foi qui dans vous n'est jamais assoupie
A su parler plus haut que les cris du tyran.
Vous vous êtes levés, levés comme un seul homme,
Et le monde a pu voir un peuple nouveau-né
Jurant de protéger le Pontife de Rome
Contre les attentats d'un traître couronné.
Vous avez protesté contre la perfidie
Et le flagrant mépris du droit le plus sacré;
Contre la trahison si lâchement ourdie
Pour briser le pouvoir d'un vieillard vénéré.
Hier encore, ouvrant les vieilles basiliques
Que vos pères jadis élevèrent à Dieu,
Vous vous précipitiez sous leurs vastes portiques,
Et la foule encombrait les parvis du saint lieu.
Et là, le front penché dans l'ombre et la poussière
Vous répandiez à flot l'encens de la prière
Autour d'un glorieux tombeau;
Vous adressiez des voeux au Dieu de la victoire
Pour l'âme des héros tombés couverts de gloire
Aux champs de Castelfidardo.
Et vous disiez: « Honneur à ces nobles victimes,
A ces vaillants guerriers, défenseurs magnanimes
Du droit contre ses oppresseurs!
Pimodan, Parcevaux, dignes d'apothéoses,
Tombés en défendant la plus sainte des causes,
L'Univers vous doit des honneurs! »
C'est bien, fils de Champlain, qu'un noble sang anime!
Vos coeurs n'ont pas éteint cette flamme sublime
Qui vous brûla dans tous les temps!
Et si, brisant le plomb qui recouvre leur bière,
Nos pères aujourd'hui revoyaient la lumière,
Ils souriraient d'orgueil en voyant leurs enfants.
V
Et maintenant pour nous une autre ère commence;
Sur les ailes du Temps un nouvel an s'avance,
Apportant nos destins dans l'ombre ensevelis.
Vient-il donner au monde un rayon d'espérance,
Ou, triste messager, porte-t-il la souffrance
Et les sombres malheurs enfermés dans ses plis?...
Quoique nous ne puissions sonder l'urne profonde
Qui dérobe à nos yeux les destins de ce monde,
Attendons sans effroi les éternels arrêts!
La barque du Pêcheur sait défier l'orage:
La parole d'un Dieu la garde du naufrage;
Le monde peut crouler, mais l'Église, jamais!