III.
Et cependant, si beau que soit, ô Notre-Dame,
Paris ainsi vêtu de sa robe de flamme,
Il ne l'est seulement que du haut de tes tours.
Quand on est descendu tout se métamorphose,
Tout s'affaisse et s'éteint, plus rien de grandiose,
Plus rien, excepté toi, qu'on admire toujours.
Car les anges du ciel, du reflet de leurs ailes,
Dorent de tes murs noirs les ombres solennelles,
Et le Seigneur habite en toi.
Monde de poésie, en ce monde de prose,
A ta vue, on se sent battre au coeur quelque chose;
L'on est pieux et plein de foi!
Aux caresses du soir, dont l'or te damasquine,
Quand tu brilles au fond de ta place mesquine,
Comme sous un dais pourpre un immense ostensoir;
A regarder d'en bas ce sublime spectacle,
On croit qu'entre tes tours, par un soudain miracle,
Dans le triangle saint Dieu se va faire voir.
Comme nos monuments à tournure bourgeoise
Se font petits devant ta majesté gauloise,
Gigantesque soeur de Babel,
Près de toi, tout là-haut, nul dôme, nulle aiguille,
Les faîtes les plus fiers ne vont qu'à ta cheville,
Et, ton vieux chef heurte le ciel.
Qui pourrait préférer, dans son goût pédantesque,
Aux plis graves et droits de ta robe Dantesque,
Ces pauvres ordres grecs qui se meurent de froid,
Ces panthéons bâtards, décalqués dans l'école,
Antique friperie empruntée à Vignole,
Et, dont aucun dehors ne sait se tenir droit.
O vous! maçons du siècle, architectes athées,
Cervelles, dans un moule uniforme jetées,
Gens de la règle et du compas;
Bâtissez des boudoirs pour des agents de change,
Et des huttes de plâtre à des hommes de fange;
Mais des maisons pour Dieu, non pas!
Parmi les palais neufs, les portiques profanes,
Les parthénons coquets, églises courtisanes,
Avec leurs frontons grecs sur leurs piliers latins,
Les maisons sans pudeur de la ville païenne;
On dirait, à te voir, Notre-Dame chrétienne,
Une matrone chaste au milieu de catins!