PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Théophile Gautier (1811-1872) Ribeira

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Théophile Gautier (1811-1872) Ribeira Empty
MessageSujet: Théophile Gautier (1811-1872) Ribeira   Théophile Gautier (1811-1872) Ribeira Icon_minitimeMar 6 Aoû - 16:37

Ribeira

Il est des coeurs épris du triste amour du laid.
Tu fus un de ceux-là, peintre à la rude brosse
Que Naple a salué du nom d’Espagnolet.

Rien ne put amollir ton âpreté féroce,
Et le splendide azur du ciel italien
N’a laissé nul reflet dans ta peinture atroce.

Chez toi, l’on voit toujours le noir Valencien,
Paysan hasardeux, mendiant équivoque,
More que le baptême à peine a fait chrétien.

Comme un autre le beau, tu cherches ce qui choque:
Les martyrs, les bourreaux, les gitanos, les gueux,
Etalant un ulcère à côté d’une loque;

Les vieux au chef branlant, au cuir jaune et rugueux,
Versant sur quelque Bible un flot de barbe grise;
Voilà ce qui convient à ton pinceau fougueux.

Tu ne dédaignes rien de ce que l’on méprise;
Nul haillon, Ribeira, par toi n’est rebuté:
Le vrai, toujours le vrai, c’est ta seule devise!

Et tu sais revêtir d’une étrange beauté
Ces trois monstres abjects, effroi de l’art antique,
La Douleur, la Misère et la Caducité.

Pour toi, pas d’Apollon, pas de Vénus pudique;
Tu n’admets pas un seul de ces beaux rêves blancs
Taillés dans le paros ou dans le pentélique.

Il te faut des sujets sombres et violents
Où l’ange des douleurs vide ses noirs calices,
Où la hache s’émousse aux billots ruisselants.

Tu sembles enivré par le vin des supplices,
Comme un César romain dans sa pourpre insulté,
Ou comme un victimaire après vingt sacrifices.

Avec quelle furie et quelle volupté
Tu retournes la peau du martyr qu’on écorche,
Pour nous en faire voir l’envers ensanglanté!

Aux pieds des patients comme tu mets la torche!
Dans le flanc de Caton comme tu fais crier
La plaie, affreuse bouche ouverte comme un porche!

D’où te vient, Ribeira, cet instinct meurtrier?
Quelle dent t’a mordu, qui te donne la rage,
Pour tordre ainsi l’espèce humaine et la broyer?

Que t’a donc fait le monde, et, dans tout ce carnage,
Quel ennemi secret de tes coups poursuis-tu?
Pour tant de sang versé quel était donc l’outrage?

Ce martyr, c’est le corps d’un rival abattu,
Et ce n’est pas toujours au coeur de Prométhée
Que fouille l’aigle fauve avec son bec pointu.

De quelle ambition du ciel précipitée,
De quel espoir traîné par des coursiers sans frein,
Ton âme de démon était-elle agitée?

Qu’avais-tu donc perdu pour être si chagrin?
De quels amours tournés se composaient tes haines,
Et qui jalousais-tu, toi, peintre souverain?

Les plus grands coeurs, hélas! ont les plus grandes peines;
Dans la coupe profonde il tient plus de douleurs;
Le ciel se venge ainsi sur les gloires humaines.

Un jour, las de l’horrible et des noires couleurs,
Tu voulus peindre aussi des corps blancs comme neige,
Des anges souriants, des oiseaux et des fleurs,

Des nymphes dans les bois que le satyre assiège,
Des amours endormis sur un sein frémissant,
Et tous ces frais motifs chers au moelleux Corrège;

Mais tu ne sus trouver que du rouge de sang,
Et quand du haut des cieux apportant l’auréole,
Sur le front de tes saints l’ange de Dieu descend,

En détournant les yeux, il la pose et s’envole!

Revenir en haut Aller en bas
 
Théophile Gautier (1811-1872) Ribeira
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Théophile Gautier (1811-1872) RIBEIRA.
» Théophile Gautier (1811-1872) Une Âme
» Théophile Gautier (1811-1872) L'Art
» Théophile Gautier (1811-1872) Pan de mur
» Théophile Gautier (1811-1872) La Nue

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: