À LA PRINCESSE BATHILDE.
La cloche matinale enfin a sonné l'heure
Où les pâles Wilis, qu'un jour trop vif effleure,
Près du sylphe qui dort vont se glisser sans bruit
Au coeur des nénufars et des belles de nuit ;
Giselle défaillante avec de molles poses
Lentement disparaît sous son linceul de roses,
Et l'on n'aperçoit plus du fantôme charmant
Qu'une petite main tendue à son amant.
- Alors vous paraissez, chasseresse superbe,
Traînant votre velours sur le velours de l'herbe,
Un sourire à la bouche, un rayon dans les yeux,
Plus fraîche que l'aurore éclose au bord des cieux ;
Belle au regard d'azur, à la tresse dorée,
Que sur ses blancs autels la Grèce eût adorée ;
Pur marbre de Paros, que les Grâces, en choeur,
Dans leur groupe admettraient pour quatrième soeur.
- De la forêt magique illuminant la voûte,
Une vive clarté se répand, - et l'on doute
Si le jour, qui renaît dans son éclat vermeil,
Vient de votre présence ou s'il vient du soleil !
Giselle meurt ; Albert éperdu se relève,
Et la réalité fait envoler le rêve ;
Mais en attraits divins, en chaste volupté,
Quel rêve peut valoir votre réalité !
Oui, Forster, j'admirais ton oreille divine ;
Tu m'avais bien compris, l'éloge se devine :
Qu'elle est charmante à voir sur les bandeaux moirés
De tes cheveux anglais si richement dorés !
Jamais Benvenuto, dieu de la ciselure,
N'a tracé sur l'argent plus fine niellure,
Ni dans l'anse d'un vase enroulé d'ornement
D'un tour plus gracieux et d'un goût plus charmant !
Épanouie au coin de ta tempe bleuâtre ?
Elle semble, au milieu de ta blancheur d'albâtre,
Une fleur qui vivrait, une rose de chair,
Une coquille ôtée à l'écrin de la mer !
Comme en un marbre grec, elle est droite et petite,
Et le moule en est pris sur celle d'Aphrodite.
Bienheureux le bijou qui de ses lèvres d'or
Baise son lobe rose, - et plus heureux encor
Celui qui peut verser, ô faveur sans pareille !
Dans les contours nacrés de sa conque vermeille,
Tremblant d'émotion, pâlissant, éperdu,
Un mot mystérieux, d'elle seule entendu !