L'ONDINE ET LE PÊCHEUR.
Tous les jours, écartant les roseaux et les branches,
Près du fleuve où j'habite un pêcheur vient s'asseoir,
- Car sous l'onde il a vu glisser des formes blanches, -
Et reste là rêveur, du matin jusqu'au soir.
L'air frémit, l'eau soupire et semble avoir une âme ;
Un oeil bleu s'ouvre et brille au coeur des nénufars ;
Un poisson se transforme et prend un corps de femme,
Et des bras amoureux, et de charmants regards...
" Pêcheur, suis-moi ; je t'aime.
Tu seras roi des eaux,
Avec un diadème
D'iris et de roseaux !
Perçant, sous l'eau dormante,
Des joncs la verte mante,
Auprès de ton amante
Plonge sans t'effrayer :
À l'autel de rocailles,
Prêt pour nos fiançailles,
Un prêtre à mains d'écailles
Viendra nous marier.
Pêcheur, suis-moi ; je t'aime.
Tu seras roi des eaux,
Avec un diadème
D'iris et de roseaux ! "
Et déjà le pêcheur a mis le pied dans l'onde
Pour suivre le fantôme au regard fascinant :
L'eau murmure, bouillonne et devient plus profonde,
Et sur lui se ferme en tournant...
" De ma bouche bleuâtre,
Viens, je veux t'embrasser,
Et de mes bras d'albâtre
T'enlacer,
Te bercer,
Te presser !
Sous les eaux, de sa flamme
L'amour sait m'embraser.
Je veux, buvant ton âme,
D'un baiser
M'apaiser,
T'épuiser !... "
España