LETRILLA.
Enfant, pourquoi tant de parure,
Sur ton sein ces rouges colliers,
Ta clef d'argent à ta ceinture,
Ces beaux rubans à tes souliers ?
- La neige fond sur la montagne ;
L'oeil bleu du printemps nous sourit.
Je veux aller à la campagne
Savoir si le jasmin fleurit. -
Pour moi ni printemps ni campagne ;
Pour moi pas de jasmin en fleur ;
Car une peine m'accompagne,
Car un chagrin me tient au coeur.
Grenade.
J'allais partir ; doña Balbine
Se lève et prend à sa bobine
Un long fil d'or ;
À mon bouton elle le noue,
Et puis me dit, baisant ma joue :
- Restez encor !
Par l'un des bouts ce fil, trop frêle
Pour retenir un infidèle,
Tient à mon coeur...
Si vous partez mon coeur s'arrache :
Un noeud si fort à vous m'attache,
Ô mon vainqueur !
- Pourquoi donc prendre à ta bobine
Pour me fixer, doña Balbine,
Un fil doré ?
À ton lit qu'un cheveu m'enchaîne,
Se brisât-il, sois en certaine,
Je resterai !
Grenade.
J'ai laissé de mon sein de neige
Tomber un oeillet rouge à l'eau.
Hélas ! comment le reprendrai-je
Mouillé par l'onde du ruisseau ?
Voilà le courant qui l'entraîne !
Bel oeillet aux vives couleurs,
Pourquoi tomber dans la fontaine ?
Pour t'arroser j'avais mes pleurs !
Grenade.