PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) Les paroles du docteur de la loi

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Inaya
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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Les paroles du docteur de la loi   Victor HUGO (1802-1885) Les paroles du docteur de la loi Icon_minitimeJeu 29 Sep - 22:17

LES PAROLES DU DOCTEUR DE LA LOI

Deux prêtres, dont la robe est en toile d'ortie,
Veillent, l'un à l'entrée et l'autre à la sortie
Du Temple que jadis Salomon fit bâtir
Par Oliab avec le bois du roi de Tyr.
Sévère, à quelques pas des deux prêtres qui semblent
Faire taire la ville où mille bruits sourds tremblent,
Un docteur de la loi parle au peuple devant
Ce seuil terrible où luit l'arche du Dieu vivant.
Il est seul sur sa chaise; et, qu'on entre ou qu'on sorte,
Il ne s'arrête point, et continue; il porte
Le taled blanc où pend le zizith à cinq noeuds;
Le dogme sombre emplit son oeil vertigineux;
Des croyants sont auprès du docteur; les uns lisent
Dans des livres pendant qu'il parle; d'autres gisent
En travers de la porte, et l'on marche dessus;
Un plat brille à ses pieds où les dons sont reçus;
La foule abonde autour du prêtre, et l'environne;
Vieillard qu'une lueur de science couronne,
Calme et grave, il déploie au-dessus de son front
Ce que les siècles, l'un après l'autre, liront,
Le texte saint, écrit sur le rouleau mystique;
Il enseigne la foi, le rite, la pratique,
Au peuple remuant les lèvres par moment;
Et chaque fois qu'il lèvre un doigt au firmament,
Tous, éperdus devant l'insondable prière,
Ensemble et frémissants, font trois pas en arrière.

Il dit :

- Voici la loi. Fais silence, Israël!
Peuple, crois au Dieu vrai, distinct, un, personnel,
Seul, unique, incréé, voyant ce que fait l'homme.
Dieu, c'est le créancier qui veut toute la somme,
C'est le jaloux qui veut tout le coeur, c'est la mer
Dont le flot, repoussé par la terre, est amer;
Dieu, s'il est repoussé par les hommes, se venge.
Observez le saint jour, Peuple, ou redoutez l'ange
Qui plane sur l'impie et d'un souffle l'abat;
Le plus pauvre a sa lampe, et, le jour du sabbat,
Peuple, il doit l'allumer, dût-il mendier l'huile;
Nos pères, ce jour-là, purifiaient la ville;
Ces hommes qui vivaient à l'ombre du palmier,
Etaient saints, et toujours nommaient Dieu le premier;
Ce respect les faisait vivre six cents années;
Le sabbat est le jour où les ombres damnées
Peuvent se retourner dans le lit de l'enfer;
Sepher tua Phinée, Aod tua Sepher,
Ces meurtres ne sont rien près du dogme qu'on brise
Et du sabbat qu'on met sous ses pieds, et Moïse
Dans sa tombe, et Jacob, et Job, ont moins d'effroi
Du sang d'un homme, ô juifs, que du sang de la loi;
Le fiel est plus amer que le coing n'est acide,
Or l'impiété, juifs, c'est le fiel; l'homicide,
Pâle, et suivi d'enfants crachant sur ses talons,
Marche à travers la ville avec ses cheveux longs,
La main droite liée au cou par une chaîne;
Mais l'impie a son spectre en croix dans la géhenne;
L'homme pèse sur l'un, sur l'autre pèse Dieu.
Les jours saints, taisez-vous, ne faites pas de feu;
Le salut dans le ciel est sur terre l'exemple;
Dieu vient à la prière; il entre dans le temple
Sitôt la porte ouverte et pourvu qu'on soit dix;
Donc, pratiquez la loi. Tremblez d'être maudits.
L'anathème entre au corps du maudit, qu'il traverse.
Theglath fut roi d'Egypte, Azer fut roi de Perse;
Gad les maudit; dès lors l'enfer fut dans ces rois
Qui voyaient se mêler une flamme à leur voix.
Chaque texte est un doigt montrant ce qu'il faut suivre;
Si vous ne faites pas ce que prescrit le livre,
Vous serez malheureux comme celui qui voit
Dans un songe tomber les poutres de son toit.
Trois tribunaux nous été légués par les ancêtres;
Aaron pour enseigner a délégué Cent prêtres,
Onze pour gouverner, et Dix-Neuf pour juger;
Le sanhédrin les nomme et seul peut les changer.
Que la femme soit chaste et muette, et que l'homme
Ait dans un roseau creux tout le deutéronome.
Sinon, nous maudirons vos seuils et votre sang.
L'anathème qu'un saint jette au mal en passant
Est une si fatale et si noire rosée
Qu'un chien ayant été maudit par Elizée,
L'anathème rongea les oreilles du chien.
Femmes, l'homme est le roi; tremblez! et songez bien
A la sombre Lilith, femme née avant Eve;
Adam la renvoya dans l'ombre et dans le rêve;
Lilith répudiée est un spectre de nuit.
Lilith était l'orgueil, la querelle et le bruit;
Satan, voulant saisir l'homme, l'avait créée;
Elle roule à jamais dans la noire nuée;
Elle s'appelle Isis dans l'Inde où Satan luit,
Et l'encens de l'Egypte horrible la poursuit.
La femme file, trait la vache, bat le beurre,
Tourne le sablier quand vient la fin de l'heure,
Gronde l'esclave aux champs et l'enfant dans son jeu,
Veille et travaille; et l'homme est pensif devant Dieu.
Au temple, en récitant le verset ordinaire,
Etendez vos deux mains devant le luminaire;
L'ange du jour assiste à vos repas; mais fuit,
Sitôt que vous riez, devant l'ange de nuit;
Etudiez la loi sans cesse, et qu'on la lise
Dans le texte que fit Esdras d'après Moïse.
Pour faire un Livre, ô juifs, n'employez pas de lin;
Cousez avec des nerfs une peau de vélin,
Ecrivez-y, tremblants, le verbe inénarrable,
Et roulez le vélin sur deux bâtons d'érable.
Ayez des habits longs conformes à vos rangs;
Craignez le drap tissu de deux fils différents;
Jéhovah n'est pas deux. Fuyez les hommes ivres;
Ne faites point sécher des herbes dans vos livres;
L'herbe imprime un démon aux plis du parchemin;
Ne regardez jamais les lignes de la main;
Dans le texte sacré respectez les consonnes,
Au moment de la mort appelez dix personnes;
Confessez vos péchés, jougs par la chair subis,
Et que ceux qui sont là déchirent leurs habits;
La mort, même du juste, est une obscure fête.
Mettez aux morts un sac de terre sous la tête;
Tournez sept fois autour de la fosse en priant.
Redoutez l'occident et craignez l'orient,
Ce sont les deux endroits de Dieu. Le ciel le nomme.
Redoutez-le. La mort, c'est l'ombre. Il n'est pour l'homme
Rien d'éternel après cette vie; il ne peut
Rien retenir de lui quand Dieu brise ce noeud;
Ce qu'on appelle âme est un souffle, céleste
Chez les bons, infernal chez les méchants, qui reste
Un moment au-dessus du corps dans le trépas,
Puis pâlit, puis s'éteint, car Dieu seul ne meurt pas.
Pourtant le châtiment peut saisir ce fantôme
Et le fouetter longtemps sous le ténébreux dôme,
Et lui heurter le front aux poutres de la nuit.
Rien de ce qu'on a fait n'est perdu, ni détruit;
Tout compte. Justes poids et balances exactes.
Là-haut, le doigt toujours tourné vers tous vos actes,
La prière Bathkol, la Fille de la Voix,
Se tient près d'Elohim et lui dit : Seigneur, vois.
Lisez la Pentateuque à cinq; l'Exode à quatre.
Sachez punir, sachez venger, sachez combattre;
Haïssez les mauvais! Haïssez, haïssez
Ceux qui doutent, d'audace et d'orgueil hérissés,
L'incrédule, le lâche et le pusillanime,
Ceux pour qui le saint livre ouvert est un abîme,
Ceux qui tremblent devant les célestes degrés,
Et sur le bord de Dieu s'arrêtent effarés!
S'ils sont nombreux, s'ils ont de l'or dans leurs mains viles,
S'ils sont un peuple, ayant des moissons et des villes,
Des femmes, des vieillards, des enfants nouveau-nés,
Des vierges, des aïeux, des fils, exterminez!
Moïse commença par creuser une fosse,
O juifs, pour y coucher la religion fausse;
Il y jeta des tas de peuples révoltés;
Il remplit ce tonneau d'homme et de cités,
Et l'on distingue encor dans cette ombre profonde
D'énormes ossements dont chacun fut un monde;
Num ravage Amalec, Joram dévaste Ammon;
Partout où l'on voyait la lueur du démon,
Partout où l'on prenait qualque faux dieu pour règle,
Salomon accourait avec le bruit d'un aigle,
O Peuple, et c'est du sang que la terre a sué
Derrière Anathias, Saül et Josué;
Jéhovah bénissait ces grands impitoyables;
Sobres, purs, ils menaient au combat, dans les sables,
Dans la nuit, sans jamais songer au lendemain,
Des soldats qui buvaient dans le creux de leur main;
Le Tabernacle a crû dans le sang; Dieu consacre
Par un carnage Aser, Lévi par un massacre,
Et l'antique Lévite est saint pour ce seul trait
Qu'il marchait en tuant tous ceux qu'il rencontrait;
Samson ne laissait pas d'un mur pierre sur pierre;
Macchabée était plein d'une telle lumière
Que les peuples disaient : son armure est en or;
Et Lysias, Seron, Gorgias, Nicanor,
Fuyaient devant cet homme aux cris de guerre étranges,
Que suivaient, à cheval sur les vents, cinq archanges!
Ces héros ont toujours Jéhovah pour effort;
Leur fer ouvre un sillon; Peuple, ils font de la mort
Sortir la vie, et, grâce à leurs lances vermeilles,
Les gueules des lions sont des ruches d'abeilles.
Ayez autour de vous la peur, en vous l'effroi;
C'est le dogme. David fut un sublime roi;
Il se plaisait au rire, aux chants, aux grappes mûres,
Un jour il se pencha sur les choses obscures,
Et, pâle, il reconnut que le commencement
De la sagesse était un profond tremblement.
O Peuple, Sabaoth lugubrement médite
Sur la race d'Adam presque toujours maudite,
Sur le sang de Jacob presque toujours puni,
Et Dieu, c'est le sourcil froncé de l'infini.
Vivez les yeux fixés sur la terreur du gouffre!
Guerre à l'impie! Il faut qu'on punisse, ou qu'on souffre,
Frappez pour vous sauver. Songez au châtiment;
Songez à l'océan d'angoisse et de tourment;
Songez à cet enfer : l'immensité des larmes.
Les ennemis de Dieu pourront avoir des armes,
Ils pourront être fiers et puissants, ils pourront
Pousser des chars, avoir des casques sur le front;
Qu'est-ce que cela fait, si leur âme est de l'ombre?
Les festins, les palais que la splendeur encombre,
Le bonheur, les plaisirs, le triomphe effronté,
Sont des endroits d'oubli, mais non de sûreté.
Soit. Oubliez. Qu'importe au souvenir suprême?
La vengeance attend, calme, et la colère sème... -
Vous rirez, vous aurez des songes dans les yeux,
Tout à coup, au plus noir du ciel mystérieux
Que l'homme frémissant verra par échappées,
On entendra le bruit que font deux mains frappées,
L'archange porte-glaive, immense, apparaîtra;
Alors, sentant sous eux crouler Bel et Mithra,
Les méchants trembleront comme un vaisseau qui sombre,
Et tous reconnaîtront l'inutilité sombre
Des boucliers d'airain et des casques de cuir;
Ils souhaiteront d'être assez petits pour fuir
Par le bas d'une porte ou par les trous d'un crible,
La grande épée ayant un flamboiement terrible!
Mais Dieu dira : Trop tard! Donc, ô vivants, tremblez.
Dieu court dans les maudits comme un feu dans les blés.
Ecrasez d'épouvante et de haine l'impie.
Faites lever votre âme aux vices accroupie,
Et récitez, avant que l'archange soit là,
Le sharrith le matin, le soir le néhila.
Vengez Dieu par le glaive et vivez dans la crainte.
Tout ce que je vous dis, Peuple, c'est la loi sainte,
La loi d'en haut, connue aux seuls fils de Lévi.

Un homme en ce moment, de douze hommes suivi,
Blond, jeune, et regardé fixement par le prêtre,
L'interrompit et dit avec l'accent d'un maître :

- Toute la loi d'en haut est dans ce mot : aimer.

- Peuple, cria le prêtre, il vient de blasphémer.
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