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 Joseph Autran (1813-1877) La Sieste.

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Joseph Autran (1813-1877) La Sieste. Empty
MessageSujet: Joseph Autran (1813-1877) La Sieste.   Joseph Autran (1813-1877) La Sieste. Icon_minitimeDim 8 Jan - 19:02

La Sieste.

Midi lançait d’aplomb sur la campagne aride
Tout ce qu’il a de flamme et de chaleur torride;
Midi, rude moment sous le ciel espagnol,
Quand l’air pèse et suffoque, et que le rossignol,
Trop fier pour soutenir les luttes inégales,
Laisse toute la plaine aux bruyantes cigales.
Fatigué ce jour-là d’avoir, pendant trois jours,
Bataillé sur le Tage et dans les alentours,
Roland s’en revenait, quand il vit sur sa route
Un beau gazon fleuri, des arbres faisant voûte,
Un ruisseau qui coulait à l’abri du soleil:
Le site lui parut favorable au sommeil.
Il mit donc pied à terre, et dit à sa monture:
« Sois libre pour une heure et broute à l’aventure;

Tu me sembles friand du sainfoin de ce pré.
Quand nous repartirons, je te rappellerai.»
Lui-même, dans cet air plus frais qui nous délasse,
Il relâcha les noeuds qui serraient sa cuirasse,
Déposa son épée, et, dans l’herbe étendue,
Savoura la douceur de ce repos bien dû.

Or, pendant qu’il dormait sous le frêne et le tremble,
Il survint quatre rois qui cheminaient ensemble,
Quatre rois sarrasins qui, par monts et par vaux,
Allaient sans courtisans et même sans chevaux,
Et dont l’accoutrement, la sueur et le hâle
Dissimulaient un peu la dignité royale.
Ils allaient, grignotant en chemin quelques noix.
L’un était Astaro, dit le Carthaginois,
Parce qu’il se vantait d’avoir eu pour ancêtre
Annibal en personne, et cela pouvait être;
L’autre, avec ses cheveux pendant jusqu’au talon
Et son arc à la main, avait l’air d’Absalon;
Il s’appelait Bismare et venait de Mont-Nigre;
Yodil, le troisième, aux moustaches de tigre,
Avait à Salamanque un pouvoir établi;
Le nom du quatrième est resté dans l’oubli.
Comme un troupeau de loups qui s’assemble et qui rôde,

Ils s’étaient réunis pour aller en maraude,
Et parlaient en chemin du terrible baron;
« Moi, disait Astaro, sans être fanfaron,
Si jamais je me trouve avec lui face à face,
Je compte, mes amis, ne pas lui faire grâce;
Je me sens aujourd’hui plus que jamais dispos.»
Et chacun d’eux tenait de semblables propos.

Parvenus à l’endroit où le héros superbe
Dormait paisiblement, comme un lion dans l’herbe:
« Le voilà! c’est bien lui, se dirent-ils tout bas.
Il dort, pas n’est besoin de si rudes combats;
Sans défense aujourd’hui Mahomet nous le livre.
Si nous savons agir, il va cesser de vivre.
Tendons sans bruit nos arcs, puisons dans le carquois,
Et tirons contre lui tous les quatre à la fois.»
A ces mots, se mettant à l’abri d’une roche,
Car ils tremblaient encore et redoutaient l’approche,
Ils tendirent les arcs et lancèrent leurs traits.
Bismare l’atteignit à l’épaule, tout près
De l’endroit où le bras avec le cou s’emmanche;
La flèche d’Astaro vint atteindre la hanche;
Le farouche Yodil, roi de Salamanca,
Lui toucha le pied droit; le dernier le manqua.

Avez-vous jamais vu, sous un vol de moustiques,
Un taureau de Camargue aux naseaux frénétiques
Se lever de sa couche, et, rebelle aux affronts,
Courir sus, tête basse, aux lâches moucherons?
Tel apparut le preux arraché de son rêve.
Il boucle sa cuirasse, il ressaisit son glaive,
Et, tombant d’un seul bond en face de ces rois:
« Vous fûtes imprudents et n’êtes pas adroits,
Leur dit-il. Regardez, vos misérables flèches
N’ont pas fait sur ma peau plus que des herbes sèches
La chair n’est qu’effleurée, et les voilà dehors.
Rendez-vous maintenant, sinon vous êtes morts!
Voyons, pas de retard! nul de vous n’est de taille,
Lorsque je suis debout, à me livrer bataille.
Car je vous reconnais: toi, mon brave Astaro,
Tu te crois une épée et tu n’es qu’un fourreau;
Toi, ces cheveux pendant jusques à ta cheville
Prouvent suffisamment que tu n’es qu’une fille;
Toi, tu n’es qu’un bâtard; et toi, nouveau venu,
Si tu valais mieux qu’eux, tu serais plus connu!»
Tel était le regard du héros que tous quatre
Virent bien que céder valait mieux que combattre.
A quoi bon résister? ils se sentaient perdus.
« Emmenons-les, dit-il, puisqu’ils se sont rendus.»

Mais comment ficeler ces huit mains prisonnières?
Ils avaient des manteaux, il en fit des lanières,
Garrotta ses captifs d’un triple noeud savant,
Et, montant à cheval, leur dit: « Passez devant!»

On marcha. Par le bois, par le mont, par la plaine,
On suivit le sentier. Les princes à la chaîne
Tentaient parfois un bond, comme pour s’échapper:
Mais un mot de Roland venait les rattraper.
Lui, bercé doucement au pas de sa monture,
Songeait, s’abandonnait à la grande nature;
Il écoutait les bruits du soir, il contemplait
Le couchant qui partout jette son beau reflet.
L’ombre enfin descendait du flanc de la montagne,
Quand le baron revint au camp de Charlemagne.
Les soldats, sous la tente et dans l’herbe accoudés,
Causaient, buvaient entre eux, plusieurs jouant aux dés.
« D’ou viens-tu, beau neveu, traînant un tel cortège?
Demanda l’empereur. - Sire, que vous dirai-je?
Dit Roland, je m’étais attardé dans les bois;
Je reviens de la chasse et j’ai pris quatre rois!»

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