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 Jean Auvray(1590-1633) LES PEDAGOGUES D'AMOUR

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MessageSujet: Jean Auvray(1590-1633) LES PEDAGOGUES D'AMOUR   Jean Auvray(1590-1633) LES PEDAGOGUES D'AMOUR Icon_minitimeVen 13 Jan - 18:18

LES PEDAGOGUES D'AMOUR

Avant que de ployer sous le faix amoureux,
Avant que de gouster le poizon langoureux
Qu' une oeillade affetée espanche dans nos ames,
Avant que d' exercer les amoureuses flames,
Et de cueillir la fleur qu' une jeune beauté
Conserve dans l' enclos de sa pudicité,
Il faut sçavoir les loix qu' en aymant on observe,
Il faut cognoistre amour, comme il veut qu' on le serve
Comme il faut quelquesfois celer sa passion,
Et descouvrir en temps sa chaude affection:
Autrement on feroit comme un jeune pilote,
Qui peu expert eschouë à la premiere coste
Son fragile vaisseau, d' autant qu' il ne sçait pas
Sur la carte marine addresser le compas.
Toy donc qui veux marcher sous l' enseigne amoureuse,
Ne sousleve point trop ton ame audacieuse,
Car souvent celuy-là qui veut voller trop haut
Comme Icare chetif, fait un perilleux saut:
Or comme au jeu de Mars, avant que l' on assaille,
Une ville assiegée, on sonde la muraille,
On recognoist la place, et par le lieu moins fort,


Le soldat valeureux addresse son effort.
Ainsi, qui veut loger amour dedans son ame,
Il doit sçavoir l' humeur de celle qui l' enflame,
Car si elle est avare, il ne faut espargner
Les dons et les presens afin de la gagner,
Ainsi que Jupiter on a feint sans feintise
Changé en gouttes d' or pour la fille d' Acrise:
Si son oeil dédaigneux semble n' en vouloir pas,
Faut-il le grand chemin quitter pour un faux pas?
L' on ne peut obliger un sainct pour une offrande,
Plus le labeur est grand, et plus la gloire est grande,
Dés le premier assaut la ville ne se rend,
Au premier jet du ré le poisson ne se prend,
L' eau tombant peu a peu cave la pierre dure,
Et rien n' est impossible a l' amant qui endure:
La fille mainte-fois couvre par un refus
Le brazier amoureux dans ses membres infus,
Et semblant au dehors une idole glacée
Amour par le dedans enflame sa pensée.
Mais si un corrival à dés-ja dans son coeur
Allumé le brazier de l' archeret vainqueur,
Regarde son merite, et si tu le surpasse
En bien dire, en beauté, en richesse, et en grace,
Fomente la douleur qui te va consommant,
Un jour tu pourras estre autant aimé qu' aymant.
Mais, sur tout nous plaignons la plaintifve misere,
De ceux qui vont aymant une fille severe,
Ignorante, indiscrette, et dont les lourds esprits


Dans les gluaux d' amour ne furent jamais pris,
Conte luy si tu veux tes amoureuses peines,
Monstre luy si tu veux tes amoureuses chaines,
Et pour mieux exprimer tes secrettes douleurs
Brize toy de souspirs, et te noye en tes pleurs:
C' est prescher les rochers, cette farouche beste
Payera tes travaux d' un branslement de teste
Ou si faut qu' elle t' ayme, ô le chetif amour,
Tu seras avec elle a parler tout un jour,
Luy cresper mollement sa blonde chevelure,
Luy graver sur le front mainte douce morsure,
Luy baizer le vermeil de son coral besson,
Souspirer aupres d' elle une douce chanson,
L' appeller ta moitié, ton ame, ta maistresse:
Et lascif inventer carresse sur carresse,
Elle sera muëtte ou d' un fade discours
Sottement te dira ses languides amours.
Mais heureux mille fois celuy-là qui s' enflame
De l' accorte amitié d' une gentille dame
Dont les souples esprits capables de raison
Rehument a longs traicts l' amoureuse poizon.
Sans cesser avec toy follastre elle se jouë,
Tantost frisottera le cotton de ta jouë,
Tantost ses doigts rosins tes cheveux peigneront,
Tantost mordillera tes lévres et ton front,
Puis te disant qu' elle a songé la nuict passée
Qu' entre tes bras aymez tu la tenois pressée,
Son blandissant regard te semond au plaisir


Qui tempere l' ardeur d' un amoureux desir,
Ô couple bien heureux! Quand une mesme flame,
Faict de deux coeurs un coeur, de deux ames une ame,
Or afin qu' un amant à l' égal soit aymé
De celle dont les yeux l' ont tellement charmé,
Il doit de poinct en poinct observer nos preceptes,
Apprendre nos statuts, et garder nos receptes.
Qu' il soit dont lestement à la mode vestu,
Docte en prose et en vers, que souvent il souspire
Sur le luth argentin son amoureux martyre,
Qu' il sçache décocher un regard affeté,
Faindre un mignard souz-ris doucement appasté,
À un tiers rarement son secret ne decelle,
Un tiers est a priser alors qu' il est fidelle,
Mais pour quelque dépit conçeu legerement,
Souvent d' un ferme amour sappe le fondement.
Mais sur tout garde toy de laisser la fortune
Passer sans l' empoigner quand elle est opportune,
Ainçois quand tu verras ta maistresse en bon point,
Fay profiter le temps qui ne retourne point,
Et risquant ta fortune a cette heure t' efforce
Sa honte pâlier par une douce force:
Voyla tout le sçavoir que nous avons appris
Au college amoureux de la belle Cypris.


Aux dames.
Belles qui desirez sçavoir d' amour les loix,
Venez en nostre escole estudier sans cesse,
Alors vous y serez doctes en peu de mois,
Mais, non, ny venez pas, car souvent on y fesse.
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Jean Auvray(1590-1633) LES PEDAGOGUES D'AMOUR
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