PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Paul Claudel. (1868-1955) Le Porc.

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Paul Claudel. (1868-1955) Le Porc. Empty
MessageSujet: Paul Claudel. (1868-1955) Le Porc.   Paul Claudel. (1868-1955) Le Porc. Icon_minitimeLun 18 Juin - 21:39

Le Porc.

Je peindrai ici l’image du Porc.

C'est une bête solide et tout d’une pièce; sans jointure et sans cou, ça fonce
en avant comme un soc. Cahotant sur ses quatre jambons trapus, c’est une trompe
en marche qui quête, et toute odeur qu’il sent, y appliquant son corps de pompe,
il l’ingurgite. Que s’il a trouvé le trou qu’il faut, il s’y vautre avec
énormité. Ce n’est point le frétillement du canard qui entre à l’eau, ce n’est
point l’allégresse sociable du chien; c’est une jouissance profonde, solitaire,
consciente, intégrale. Il renifle, il sirotte, il déguste, et l’on ne sait s’il
boit ou s’il mange; tout rond, avec un petit tressaillement, il s’avance et
s’enfonce au gras sein de la boue fraîche; il grogne, il jouit jusque dans le
recès de sa triperie, il cligne de l’oeil. Amateur profond, bien que l’appareil
toujours en action de son odorat ne laisse rien perdre, ses goûts ne vont point
aux parfums passagers des fleurs ou de fruits frivoles; en tout il cherche la
nourriture: il l’aime riche, puissante, mûrie, et son instinct l’attache à ces
deux choses, fondamental: la terre, l’ordure.

Gourmand, paillard, si je vous présente ce modèle, avouez-le: quelque chose
manque à votre satisfaction. Ni le corps ne se suffit à lui-même, ni la doctrine
qu’il nous enseigne n’est vaine. « N’applique point à la vérité l’oeil seul,
mais tout cela sans réserve qui est toi-même. » Le bonheur est notre devoir et
notre patrimoine. Une certaine possession parfaite est donnée.

-Mais telle que celle qui fournit à Enée des présages, la rencontre d’une truie
me paraît toujours augurale, un emblème politique. Son flanc est plus obscur que
les collines qu’on voit au travers de la pluie, et quand elle se couche, donnant
à boire au bataillon de marcassins qui lui marche entre les jambes, elle me
paraît l’image même de ces monts que traient les grappes de villages attachées à
leurs torrents, non moins massive et non moins difforme.

Je n’omets pas que le sang de cochon sert à fixer l’or.


Revenir en haut Aller en bas
 
Paul Claudel. (1868-1955) Le Porc.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Paul Claudel. (1868-1955) Le Banyan.
» Paul Claudel. (1868-1955) Le Pin.
» Paul Claudel. (1868-1955) Le Riz.
» Paul Claudel. (1868-1955) Çà Et Là.
» Paul Claudel. (1868-1955) La Terre Vue De La Mer.

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: