PLUME DE POÉSIES
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 François Coppée.(1842-1908) Le Père.

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Inaya
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Inaya


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François Coppée.(1842-1908) Le Père. Empty
MessageSujet: François Coppée.(1842-1908) Le Père.   François Coppée.(1842-1908) Le Père. Icon_minitimeVen 29 Juin - 8:53

Le Père.


L'enfant qui, tout petit, apprenait l'exercice
Et faisait, en papier, des bonnets de police,
Prosper Morel s'engage, ayant le diable au corps,
Pour partir en Alger, comme on disait alors.
Les lauriers poussent vite en ce climat féerique.
Ce spahi devient l'un de ces héros d'Afrique,
Coiffés de la chéchia, drapés dans le burnous,
Viveurs, élégamment débraillés, mais qui tous
Doivent le martial éclat qui les entoure
A des actes de mâle et superbe bravoure,
Comme à Sidi-Brahim et comme à Mazagran.

Ce charmant cavalier au coeur de vétéran,
Dont les beaux yeux et les allures pittoresques
Font, sous leurs voiles blancs, rêver bien des Moresques,
Charge comme Murat. Plusieurs fois, des témoins
L'ont vu, sabre au fourreau, cravacher les Bédouins.
Mainte face bronzée en garde encor l'empreinte.
A la cantine, on conte, à l'heure de l'absinthe,
Que, devant vingt fusils que sur lui l'on braquait,
Il alluma sa pipe en battant le briquet.
11 est fameux dans cette admirable conquête
Où les clairons français, qui sonnaient « la casquette »
Et vers le Sahara guidaient nos bataillons,
Repoussaient devant eux Arabes et lions.
Aussi quelle carrière heureuse! Alger la Blanche,
Quand, du Sud, il y vient parfois, voit, sur sa manche,
Deux, trois, quatre galons se tordre en trèfles d'or.
Le vieux Bugeaud le prend dans son état-major.
Plus tard, en Kabylie, encore il se distingue.
Puis l'Empereur-que les frondeurs nomment Badingue-
Près du trône, à Paris, veut ce bel africain.
Il s'y plaît, bien qu'il soit trop souvent en pékin;
Mais, le matin, sur les boulevards plantés d'ormes,
Autour du Champ de Mars, quels brillants uniformes!

Le voilà, sans regret de son vieux yatagan,
Colonel des chasseurs au talpack d'astrakan.
C'est en cinquante-sept, le plein midi du règne.
L'heureux homme! Il galope aux chasses de Compiègne.
Aux bals de cour, il est le valseur - combien chic! -
De la Castiglione et de la Metternich.
La fortune le traite encor mieux qu'il n'espère.
Il prend femme et d'un bel enfant il devient père.
Il passe général, le soir de Magenta;
Et que de fleurs, que de baisers on lui jeta
Des balcons de Milan pleins de toilettes fraîches,
Dans ce jour triomphal où le Dôme aux cent flèches,
Bouquet de marbre blanc, flambait au gai soleil!
Sa vie est un bien beau songe!

Hélas! quel réveil!

Le canon d'outre-Rhin, brutal, vient de répondre
Aux « oui » du plébiscite, et l'Empire s'effondre.
« A Berlin! A Berlin! » criait-on tous les soirs.
Mais, soudain, l'innombrable armée aux casques noirs
Bat les murs de Strasbourg, couvre toute l'Alsace.
A Wcerth, grâce aux canons chargés par la culasse,
Les Prussiens ont fauché cuirassiers et turcos;
Et Paris croit entendre, en de lointains échos,
Tout en accumulant poudre, armes, blés et viandes,
Le bruit lourd et rythmé des bottes allemandes.

Le général Morel campe sous Metz, et là,
L'ancien spahi, le beau sabreur de la Smala,
Devant ses escadrons est stupéfait et sombre.
Quoi? Les Français seraient écrasés sous le nombre?
Jamais! Ses cavaliers vaincront, dix contre cent.
« Chargez! » Mais un obus éventre son pur sang
Et lui-même est criblé d'éclats, à Gravelotte.
A l'ambulance, dans la ville où déjà flotte
L'odeur de trahison, More! hors de combat,
Pendant tout le blocus, se tord sur un grabat,
Furieux, maudissant la fièvre et la tisane;
Et quand, bien faible encor, mais rejetant sa canne,
Il réclame son sabre et son cheval sellé,
-.0 honte! ô désespoir! - Metz a capitulé.
Quels jours affreux! Dans les wagons où l'on entasse
Les tristes prisonniers de guerre, il prend sa place,
Les yeux mornes, le front baissé, n'en pouvant plus;
Et quand le train s'ébranle, il voit, sur le talus
Où les ont enfoncés les vainqueurs pleins de haine,
Nos aigles, nos drapeaux que leur livra Bazaine.
Oui, nos drapeaux plantés dans la boue!

Oh! cela,
Pour le Fils d'un vainqueur d'Arcole et d'Iéna,
C'est la pire, la plus atroce des tortures.
Il pousse un cri d'horreur qui rouvre ses blessures.
Moribond, il arrive à Dantzig, et, là-bas,
Voilà qu'il pense au fils qu'il ne reverra pas,
Au fils qu'il a laissé dans Paris, au collège,
Et qui, dans bien des jours, quand finira le siège,
Apprendra seulement qu'il est un orphelin.
Pauvre père! Il sanglote alors. Son coeur est plein,
DES VERS FRANÇAIS S9
Pour son unique enfant, de tendresse infinie.
Pourtant il a la force, avant son agonie,
D'écrire, en relevant sous le drap ses genoux :

« Je meurs. Adieu, mon fils. Sois soldat. Venge-nous. »
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François Coppée.(1842-1908) Le Père.
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