PLUME DE POÉSIES
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 Joachim Du Bellay. (1522-1560) Les regrets

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James
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MessageSujet: Joachim Du Bellay. (1522-1560) Les regrets    Joachim Du Bellay. (1522-1560) Les regrets  Icon_minitimeLun 10 Déc - 22:53

Les regrets

Quem, Lector, tibi...
Ad lectorem
Quem, Lector, tibi nunc damus libellum,
Hic fellisque simul, simulque mellis,
Permixtumque salis refert saporem.
Si gratum quid erit tuo palato,
Huc conviva veni: tibi haec parata est
Coena. sin minus, hinc facesse, quaeso:
Ad hanc te volui haud vocare coenam.
A Monsieur D'Avanson
Conseiller du Roy en son privé conseil
Si je n'ay plus la faveur de la Muse,
Et si mes vers se trouvent imparfaits,
Le lieu, le temps, l'aage où je les ay faits,
Et mes ennuis leur serviront d'excuse.
J'estois à Rome au milieu de la guerre,
Sortant desja de l'aage plus dispos,
A mes travaulx cherchant quelque repos,
Non pour louange ou pour faveur acquerre.
Ainsi voit-on celuy qui sur la plaine
Picque le boeuf, ou travaille au rampart,
Se resjouir, et d'un vers fait sans art
S'esvertuer au travail de sa peine.
Celuy aussi qui dessus la galere
Fait escumer les flots à l'environ,
Ses tristes chants accorde à l'aviron,
Pour esprouver la rame plus legere.
On dit qu'Achille en remaschant son ire
De tels plaisirs souloit s'entretenir,
Pour addoulcir le triste souvenir
De sa maistresse, aux fredons de sa lyre.
Ainsi flattoit le regret de la sienne
Perdue helas pour la seconde fois,
Cil qui jadis aux rochers et aux bois
Faisoit ouir sa harpe Thracienne.
La Muse ainsi me fait sur ce rivage,
Où je languis banny de ma maison,
Passer l'ennuy de la triste saison,
Seule compagne à mon si long voyage.
La Muse seule au milieu des alarmes
Est asseuree, et ne pallist de peur,
La Muse seule au milieu du labeur
Flatte la peine, et desseiche les larmes.
D'elle je tiens le repos et la vie,
D'elle j'apprens à n'estre ambitieux,
D'elle je tiens les saincts presens des Dieux,
Et le mespris de fortune, et d'envie.
Aussi sçait-elle, aiant dès mon enfance
Tousjours guidé le cours de mon plaisir,
Que le devoir, non l'avare desir,
Si longuement me tient loing de la France.
Je voudrois bien (car pour suivre la Muse
J'ay sur mon doz chargé la pauvreté)
Ne m'estre au trac des neuf soeurs arresté,
Pour aller veoir la source de Meduse.
Mais que feray-je à fin d'eschapper d'elles?
Leur chant flatteur a trompé mes esprits,
Et les appaz aux quels elles m'ont pris,
D'un doulx lien ont englué mes aelles.
Non autrement que d'une doulce force
D'Ulysse estoient les compagnons liez,
Et sans penser aux travaulx oubliez
Aymoient le fruict qui leur servoit d'amorce.
Celuy qui a de l'amoureux breuvage
Gousté mal sain le poison doulx-amer,
Cognoit son mal, et contraint de l'aymer
Suit le lien qui le tient en servage.
Pour ce me plaist la doulce poësie,
Et le doulx traict par qui je fus blessé:
Dès le berceau la Muse m'a laissé
Cest aiguillon dedans la fantaisie.
Je suis content qu'on appelle folie
De noz esprits la saincte deité,
Mais ce n'est pas sans quelque utilité,
Que telle erreur si doulcement nous lie.
Elle esblouit les yeulx de la pensee
Pour quelque fois ne veoir nostre malheur,
Et d'un doulx charme enchante la douleur
Dont nuict et jour nostre ame est offensee.
Ainsi encor' la vineuse prestresse,
Qui de ses criz Ide va remplissant,
Ne sent le coup du thyrse la blessant,
Et je ne sents le malheur qui me presse.
Quelqu'un dira, de quoy servent ces plainctes?
Comme de l'arbre on voit naistre le fruict,
Ainsi les fruicts que la douleur produict,
Sont les souspirs et les larmes non feinctes.
De quelque mal un chacun se lamente,
Mais les moiens de plaindre sont divers:
J'ay, quant à moy, choisi celuy des vers
Pour desaigrir l'ennuy qui me tormente.
Et c'est pourquoy d'une doulce satyre
Entremeslant les espines aux fleurs,
Pour ne fascher le monde de mes pleurs,
J'appreste icy le plus souvent à rire.
Or si mes vers meritent qu'on les loüe,
Ou qu'on les blasme, à vous seul entre tous
Je m'en rapporte icy, car c'est à vous,
A vous Seigneur, à qui seul je les voüe:
Comme celuy qui avec la sagesse
Avez conjoint le droit et l'aequité,
Et qui portez de toute antiquité
Joint à vertu le tiltre de noblesse.
Ne desdaignant comme estoit la coustume,
Le long habit, lequel vous honnorez,
Comme celuy qui sage n'ignorez
De combien sert le conseil et la plume.
Ce fut pourquoy ce sage et vaillant Prince,
Vous honnorant du nom d'Ambassadeur,
Sur vostre doz deschargea sa grandeur,
Pour la porter en estrange province.
Recompensant d'un estat honnorable
Vostre service, et tesmoignant assez
Par le loyer de voz travaulx passez
Combien luy est tel service aggreable.
Qu'autant vous soit aggreable mon livre
Que de bon cueur je le vous offre icy:
Du mesdisant j'auray peu de soucy,
Et seray seur à tout jamais de vivre.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

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