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 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 22

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MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 22   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 22 Icon_minitimeDim 27 Jan - 1:28

DIALOGUE 22

Dion et Gélon.
Dans un souverain ce n' est pas l' homme qui doit
régner, ce sont les lois.
Dion.
Il y a long-temps, ô merveilleux homme,
que je desire de te voir ; je sais que Syracuse
te dut autrefois sa liberté.
Gélon.
Et moi, je sais que tu n' as pas eu assez de
sagesse pour la lui rendre. Tu n' avois pas mal
commencé contre le tyran, quoiqu' il fût ton
beau-frère ; mais, dans la suite, l' orgueil, la
mollesse et la défiance, vices d' un tyran,
corrompirent peu-à-peu tes moeurs. Aussi les
tiens mêmes t' ont fait périr.
Dion.
Peut-on gouverner une république sans
être exposé aux traîtres et aux envieux ?
Gélon.
Oui, sans doute : j' en suis une belle preuve.
Je n' étois pas syracusain ; quoique étranger,
on me vint chercher pour me faire roi ; on me
fit accepter le diadème ; je le portai avec tant
de douceur et de modération pour le bonheur
des peuples, que mon nom est encore aimé et
révéré par les citoyens, quoique ma famille,
qui a régné après moi, m' ait déshonoré par
ses vices. On les a soufferts pour l' amour de
moi. Après cet exemple, il faut avouer qu' on
peut commander sans se faire haïr. Mais ce
n' est pas à moi qu' il faut cacher tes fautes : la
prospérité t' avoit fait oublier la philosophie
de ton ami Platon.
Dion.
Hé ! Quel moyen d' être philosophe, quand
on est le maître de tout, et qu' on a des passions
qu' aucune crainte ne retient !
Gélon.
J' avoue que les hommes qui gouvernent les
autres me font pitié ; cette grande puissance
de faire le mal est un horrible poison. Mais
enfin j' étois homme comme toi, et cependant
j' ai vécu dans l' autorité royale jusqu' à une
extrême vieillesse, sans abuser de ma puissance.
Dion.
Je reviens toujours là : il est facile d' être
philosophe dans une condition privée ; mais
quand on est au-dessus de tout...
Gélon.
Hé ! C' est quand on se voit au-dessus de tout
qu' on a un plus grand besoin de philosophie
pour soi et pour les autres qu' on doit gouverner.
Alors il faut être doublement sage, et borner
au-dedans par sa raison une puissance que rien ne
borne au-dehors.
Dion.
Mais j' avois vu le vieux Denys, mon beau-père,
qui avoit fini ses jours paisiblement dans
la tyrannie ; je m' imaginois qu' il n' y avoit
qu' à faire de même.
Gélon.
Ne vois-tu pas que tu avois commencé
comme un homme de bien qui veut rendre
la liberté à sa patrie ? Espérois-tu qu' on te
souffriroit dans la tyrannie, puisqu' on ne
s' étoit confié à toi qu' afin de renverser le
tyran ? C' est un hasard quand les méchants
évitent les dangers qui les environnent : encore
même sont-ils assez punis par le besoin où ils
se trouvent de se précautionner contre ces
périls en répandant le sang humain, en désolant
les républiques ; ils n' ont aucun moment
de repos ni de sûreté ; ils ne peuvent jamais
goûter ni le plaisir de la vertu, ni la douceur
de l' amitié, ni celle de la confiance et d' une
bonne réputation. Mais toi, qui étois
l' espérance
des gens de bien, qui promettois des
vertus sincères, qui avois voulu établir la
république de Platon, tu commençois à vivre en
tyran, et tu croyois qu' on te laisseroit vivre !
Dion.
Ho bien ! Si je retournois au monde, je
laisserois les hommes se gouverner eux-mêmes
comme ils pourroient. J' aimerois mieux m' aller
cacher dans quelque île déserte que de me
charger de gouverner une république. Si on
est méchant, on a tout à craindre : si on est
bon, on a trop à souffrir.
Gélon.
Les bons rois, il est vrai, ont bien des
peines à souffrir ; mais ils jouissent d' une
tranquillité et d' un plaisir pur au-dedans
d' eux-mêmes que les tyrans ignorent toute leur vie.
Sais-tu bien le secret de régner ainsi ? Tu
devrois le savoir, car tu l' as souvent ouï dire à
Platon.
Dion.
Redis-le-moi, de grace, car la bonne fortune
me l' a fait oublier.
Gélon.
Il ne faut pas que l' homme règne, il faut
qu' il se contente de faire régner les lois. S' il
prend la royauté pour lui, il la gâte, et se
perd lui-même ; il ne doit l' exercer que pour
le maintien des lois et le bien des peuples.
Dion.
Cela est bien aisé à dire, mais difficile à
faire.
Gélon.
Difficile, il est vrai, mais non pas
impossible. Celui qui en parle l' a fait comme il te
le dit. Je ne cherchai point l' autorité, elle me
vint chercher ; je la craignis, j' en connus tous
les embarras, je ne l' acceptai que pour le bien
des hommes. Je ne leur fis jamais sentir que
j' étois le maître ; je leur fis seulement sentir
qu' eux et moi nous devions céder à la raison
et à la justice. Une vieillesse respectée, une
mort qui a mis toute la Sicile en deuil, une
réputation sans tache et immortelle, une vertu
récompensée ici-bas par le bonheur des champs
élysiens, sont le fruit de cette philosophie si
long-temps conservée sur le trône.
Dion.
Hélas ! Je savois tout ce que tu me dis, je
prétendois en faire autant ; mais je ne me
défiois point de mes passions, et elles m' ont
perdu. De grace, souffre que je ne te quitte
plus.
Gélon.
Non, tu ne peux être admis parmi ces ames
bienheureuses qui ont bien gouverné. Adieu.



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