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 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 71

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MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 71   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 71 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:09

DIALOGUE 71
Le Cardinal De Richelieu
Et Le Chancelier D' Oxenstiern.
Différence entre un ministre qui agit par vanité et
par hauteur, et un autre qui agit pour l' amour de la
patrie.

Le C. De Richelieu.
Depuis ma mort on n' a point vu de ministre en
Europe qui m' ait ressemblé.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Non, aucun n' a eu tant d' autorité.

Le C. De Richelieu.
Ce n' est pas ce que je dis : je parle du génie
pour le gouvernement ; et je puis sans vanité
dire de moi, comme je dirois d' un autre qui
seroit en ma place, que je n' ai rien laissé qui
ait pu m' égaler.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Quand vous parlez ainsi, songez-vous que
je n' étois ni marchand, ni laboureur, et que
je me suis mêlé de politique autant qu' un
autre ?

Le C. De Richelieu.
Vous ! Il est vrai que vous avez donné quelques
conseils à votre roi : mais il n' a rien entrepris que
sur les traités qu' il a faits avec la France,
c' est-à-dire avec moi.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Il est vrai : mais c' est moi qui l' ai engagé à
faire ces traités.

Le C. De Richelieu.
J' ai été instruit des faits par le P. Joseph ;
puis j' ai pris mes mesures sur les choses que
Charnacé avoit vues de près.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Votre P. Joseph étoit un moine visionnaire. Pour
Charnacé, il étoit bon négociateur :
mais sans moi on n' eût jamais rien fait. Le
grand Gustave, qui manquoit de tout, eut
dans les commencements, il est vrai, besoin
de l' argent de la France : mais dans la suite il
battit les bavarois et les impériaux ; il releva
le parti protestant dans toute l' Allemagne.
S' il eût vécu après la victoire de Lutzen, il
auroit bien embarrassé la France même, alarmée de
ses progrès, et auroit été la principale puissance de
l' Europe. Vous vous repentiez déja, mais trop tard,
de l' avoir aidé : on vous soupçonna même d' être
coupable de sa mort.

Le C. De Richelieu.
J' en suis aussi innocent que vous.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Je le veux croire : mais il est bien fâcheux
pour vous que personne ne mourût à propos
pour vos intérêts, qu' aussitôt on ne crût que
vous étiez auteur de sa mort. Ce soupçon ne
vient que de l' idée que vous aviez donnée de
vous par le fond de votre conduite, dans laquelle
vous avez sacrifié sans scrupule la vie
des hommes à votre propre grandeur.

Le C. De Richelieu.
Cette politique est nécessaire en certains cas.

Le Ch. D'Oxenstiern.
C' est de quoi les honnêtes gens douteront
toujours.

Le C. De Richelieu.
C' est de quoi vous n' avez jamais douté non
plus que moi. Mais enfin qu' avez-vous tant
fait dans l' Europe, vous qui vous vantez
jusqu' à comparer votre ministère au mien ? Vous
avez été le conseiller d' un petit roi barbare,
d' un goth chef de bandits, et aux gages du
roi de France, dont j' étois ministre.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Mon roi n' avoit point une couronne égale
à celle de votre maître : mais c' est ce qui fait
la gloire de Gustave et la mienne. Nous sommes
sortis d' un pays sauvage et stérile, sans
troupes, sans artillerie, sans argent : nous
avons discipliné nos soldats, formé des officiers,
vaincu les armées triomphantes des impériaux, changé
la face de l' Europe, et laissé des généraux qui ont
appris la guerre après nous à tout ce qu' il y a eu de
grands hommes.

Le C. De Richelieu.
Il y a quelque chose de vrai à tout ce que
vous dites : mais, à vous entendre, on croiroit
que vous étiez aussi grand capitaine que Gustave.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Je ne l' étois pas autant que lui : mais j' entendois
la guerre, et je l' ai fait assez voir après
la mort de mon maître.
p411

Le C. De Richelieu.
N' aviez-vous pas Tortenson, Bannier, et le
Duc De Weimar, sur qui tout rouloit ?

Le Ch. D'Oxenstiern.
Je n' étois pas seulement occupé des négociations pour
maintenir la ligue, j' entrois encore dans tous les
conseils de guerre ; et ces grands hommes vous diront
que j' ai eu la principale part à toutes ces belles
campagnes.

Le C. De Richelieu.
Apparemment vous étiez du conseil, quand
on perdit la bataille de Nordlingue, qui abattit
la ligue.

Le Ch. D'Oxenstiern.
J' étois dans les conseils : mais c' est au Duc
De Weimar à vous répondre sur cette bataille
qu' il perdit. Quand elle fut perdue, je soutins
le parti découragé. L' armée suédoise demeura
étrangère dans un pays où elle subsistoit par
mes ressources. C' est moi qui ai fait par mes
soins un petit état conquis, que le Duc De
Weimar auroit conservé s' il eût vécu, et que
vous avez usurpé indignement après sa mort.
Vous m' avez vu en France chercher du secours
pour ma nation, sans me mettre en peine de
votre hauteur, qui auroit nui aux intérêts de
votre maître, si je n' eusse été plus modéré et
plus zélé pour ma patrie que vous pour la
vôtre. Vous vous êtes rendu odieux à votre
nation ; j' ai fait les délices et la gloire de la
mienne. Je suis retourné dans les rochers sauvages
d' où j' étois sorti, j' y suis mort en paix ;
et toute l' Europe est pleine de mon nom aussi
bien que du vôtre. Je n' ai eu ni vos dignités,
ni vos richesses, ni votre autorité, ni vos
poëtes ni vos orateurs pour me flatter. Je n' ai
pour moi que la bonne opinion des suédois,
et celle de tous les habiles gens qui lisent les
histoires et les négociations. J' ai agi suivant
ma religion contre les impériaux catholiques,
qui, depuis la bataille de Prague, tyrannisoient
toute l' Allemagne : vous avez, en mauvais
prêtre, relevé par nous les protestants et abattu
les catholiques en Allemagne. Il est aisé de
juger entre vous et moi.

Le C. De Richelieu.
Je ne pouvois éviter cet inconvénient sans
laisser l' Europe entière dans les fers de la
maison d' Autriche, qui visoit à la monarchie
universelle. Mais enfin je ne puis m' empêcher de
rire de voir un chancelier qui se donne pour
un grand capitaine.

Le Ch. D'Oxenstiern.
Je ne me donne pas pour un grand capitaine, mais
pour un homme qui a servi utilement les généraux
dans les conseils de guerre.
Je vous laisse la gloire d' avoir paru à cheval
avec des armes et un habit de cavalier au pas
de Suse. On dit même que vous vous êtes fait
peindre à Richelieu à cheval avec un buffle,
une écharpe, et un bâton de commandant.

Le C. De Richelieu.
Je ne puis plus souffrir vos reproches. Adieu.

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