Ma demeure
A Etienne SOUCHON
30 septembre 1907
Ma demeure n'a pas d'une maison princière
Le chic, le grandiose et les riches atours
Le pauvre sous le chaume abrite ses amours
Et la Gaîté parfois sourit à la misère
Un étroit escalier, sombre, en colimaçon
Sait guider l'Amitié au logis que j'habite
Et le bonheur un soir, sous le toit qui m'abrite
Est venu murmurer sa plus tendre chanson
La cuisine à croisée où seul le jour pénètre
Ne veut pas recevoir les rayons du soleil
Laissant aux grands palais les reflets d'or vermeils
Elle est drôle vraiment ma cuisine à fenêtre
Par un couloir de murs effrités par le temps
Mon regard est conduit vers un fond de verdure
Où je puis voir mourir et naître la Nature
Pleurer à son hiver et rire à son Printemps
Un escalier de bois en tous ses points, rustique
Guide la ménagère en un appartement
Où madame chaussure et monsieur vêtement
Abritent leurs amours dans un décor antique
Une porte à ouvrir et la chambre apparaît
Coquettement vêtue et simplement rangée
Le parquet, du pavé, en sa robe cirée
Pour du pavé qu'il est ressemble à du parquet
Je ne m'arrête pas à dresser l'inventaire
Des objets et du meuble entassés avec goût
La plus légère muse a peine à franchir tout
Et la critique hélas a le regard sévère
Mais dans l'aspect si froid de ton sombre logis
Ami, me direz-vous, comment peux-tu te plaire
Avez-vous oublié ma tendre ménagère
Qui donne la lumière à nos murs assombris
Avec elle j'habite une maison princière
Elle sait la parer des plus riches atours
Et nous vivons heureux, des plus chères amours
Ayant pour l'Espérance une même prière.
Honoré HARMAND