Le cortège des gueux
1er Mai 1909
Ce soir j'ai vu glissant, s'agitant dans la brume
Un cortège confus d'hommes de tous les rangs
Sous les regards béats des multiples passants
Ils semblaient un flot noir de vagues sans écume
Où marchaient-ils ainsi ? Forts, à demi grisés
Par la fièvre du Droit, qui s'anime en nos âmes ;
Mais dont la cendre encor, quand s'éteignent les flammes
Brûle du feu cruel des mégalithes
Où marchaient-ils ainsi ? Ces hommes, des grévistes
Vers la misère hélas ! Fatale vérité ;
Et de les voir, ces gueux, j'avais le coeur serré ;
Les causes de la grève ont des effets si tristes !
Et je m'associais à leurs pensés, à leurs maux
Je songeais aux enfants, à la famille entière
Celle qu'on ne voit pas, dans la foule où le père
Réclame à haute voix le prix de ses travaux
Et je pensais : pourquoi ces foules en délire ?
Pourquoi ces cris de haine entre tous les humains ?
Frères tendez-vous donc de fraternelles mains ;
Vos ongles ne sont pas la griffe qui déchire !
Ne vous regardez pas en ennemis méchants :
Riche sois généreux : et toi, pauvre, travaille
La Paix chante en vos coeurs ; que cesse la bataille
Et la main dans la main, vous deviendrez géants.
Honoré HARMAND