La dernière étape
(A mon père retraité)
2 avril 1920
Quarante ans ont passé, solide comme un chêne
Tu ne sentiras plus le poids lourd de la chaîne
Qui retenait ton bras.
Tu vas pouvoir agir et penser à ta guise ;
Connaître le frisson de liberté qui grise
Et dont tu jouiras.
Tu vas pouvoir, enfin, après tant de misères
Vivre dans le réel ce qui fut des chimères
Durant les ans passés.
Nectar qui trouble et dont nos lèvres sont avides.
Images dont nos yeux, qu'ils soient peuplés ou vides
Ne sont jamais lassés.
Le ruban que j'admire, ornant ta boutonnière
A nos regards jaloux explique ta carrière
Faite toute d'honneur.
Et si tes cheveux blancs nous révèlent ton âge
Nous savons qu'il te reste un bel et noble gage :
La jeunesse du coeur ;
Laisse là le marteau, la ferraille, l'enclume,
Puisqu'il faut, qu'au repos, ton corps las s'accoutume,
Cesse de travailler.
L'avenir s'offre à toi, souriant, plein de charmes.
Que ta main, désormais, ne forge plus les armes
Dont se sert l'ouvrier.
La retraite, pour toi, c'est un rayon de gloire
Puisque, par le labeur, tu gagnas ta victoire :
Du pain pour tes vieux jours.
Mais parfois le Destin fait rudes les batailles
Va, je ne le crains pas pour toi, si tu défailles
Je serai là, toujours !
Honoré HARMAND