Vingt septembre
A mon fils
20 septembre 1939
Je suis tout seul dans ma cuisine.
Comme le chemineau chemine
Je retourne vers mes vingt ans.
L'existence était vraiment belle.
On ignorait le mot « Rebelle »
Quand revenait le gai printemps.
On s'arrêtait tenant les roses
Et l'on empruntait des névroses
A la source de leurs parfums.
Aujourd'hui sous les feuilles mortes
Couvrant la haine des cohortes
On cherche des bonheurs défunts.
Nos yeux penchés sur des abîmes
Nos coeurs battant pour les victimes
Nous vivons le temps dans l'effroi.
Nous vieillissons bien avant l'âge
Où la mort attend son otage :
Nous sentons que nos os ont froid.
Mais, fiers, nous relevons la tête
Pensant que soit morte la bête
Auteur de son crime impuni.
Qu'importe un mauvais vent qui passe
Nous contemplons le grand espace
Qui nous guide vers l'infini.
Honoré HARMAND