Mon village sous la neige
Janvier 1942
Mon village, gai d'habitude
S'éveille ce matin, sans bruit,
Empreint de grande lassitude :
Il a neigé toute la nuit.
On dirait une scène immense
Avec un décor de saison.
Les routes n'ont pas de distance
Puisqu'elles n'ont plus d'horizon.
Auprès du feu, dans leur chaumine
Les vieillards sont calfeutrés.
Du rare passant qui chemine
On devine les pas feutrés.
La Nature a fermé ses portes.
Les insectes sont endormis
Et sous les tas de feuilles mortes
Se cachent les vives fourmis.
Les arbres ont, d'une fourrure
Garni leurs bras maigres et nus.
La source frileuse murmure
Des chansons aux airs inconnus.
Les moineaux ont pour domiciles
Les poutres des greniers remplis
Et dans ces reposants asiles
Lentement préparent leurs nids.
Les corbeaux font des taches noires
Sur l'hermine pure des champs
Et leurs ailes, vivantes moires
Se parent de cristaux brillants.
Le renard que la faim tenaille
Plus hardi, hante le sentier,
Guettant l'imprudente volaille
Comme le chasseur un gibier.
Mais vient la nuit. Au clair de lune
Drapé dans son grand manteau blanc,
Comme un Pierrot en infortune
S'endort mon village en tremblant.
Honoré HARMAND