L'araignée et la guêpe
A mes petites filles Gisèle et Michèle
1er octobre 1944
Je flânais, à loisir, autour de mon jardin
Sans aucun bruit, je vous l'assure,
Lorsqu'un tableau s'offrit soudain
A mes yeux étonnés d'une telle aventure !
C'était le combat singulier
Entre la guêpe et l'araignée.
S'il ne fut pas régulier
Que ma franche poitrine en soit deux fois signée.
Comme un poète sous son toit
Rêve du firmament où brillent les étoiles
L'araignée au bord de sa toile
Songeait à je ne sais quoi.
Une guêpe orgueilleuse, ivre d'un fruit trop tendre
Surgit en un vol insensé
Et dans le filet vint se prendre :
Qui l'eut pensé ?
La rêveuse, un instant, semble accepter l'outrage ;
L'insecte a-t-il l'instinct du sage ?
Nenni !
Saurait-elle laisser un tel crime impuni ?
Je m'excuse qu'en ton domaine
Dit la guêpe hypocrite, à notre souveraine,
Le hasard m'ait fait pénétrer ;
Mais son désir était d'entrer
En lutte avec cette vilaine !
Elle n'en eut le moindre temps.
L'araignée était plus agile
Et dans sa dentelle fragile,
Paralysant ses mouvements
Mit la guêpe hors de nuire et son dard inutile
Lors, de sa victime le sang
Pour elle fit les frais d'un festin délectable.
Il arrive que le puissant
Soit trompé par sa force et se croit imbattable.
La guêpe, à ses dépens, en fit la rude épreuve.
Cette fable en donne la preuve.
Qui paraît le plus faible est souvent le plus fort.
Honoré HARMAND