Ils étaient douze
A l'ami André
Souvenir des élections 1945
18 mai 1945
Ils étaient douze, assis, bons convives à table.
Tous avaient le sourire et l'air le plus aimable
Comme il sied en ces lieux.
Il s'agissait d'élire, en ce jour mémorable
Monsieur le Maire, ainsi que son adjoint notable
Et c'était sérieux.
Maître Perreau l'emporte et c'est toute justice
André fixe aussitôt son oeil plein de malice
Sur les dix conseillers.
Duchesne est un bois dur dont on fait de beaux meubles
Armand songe, sans doute, en des pensers plus meubles
Aux jours ensoleillés.
Lorsque l'on entendit parler Duval, de grâces
Qu'il accordera malgré que des disgrâces
L'aient mis au second plan.
Si l'amour est aveugle et la gloire éphémère
Il poursuit, il me semble, une belle chimère
Rataplan ! Rataplan !
Mayoux fit ressortir sa vieille connaissance
Du cadastre, des champs, portant sa préférence
Sur le champ du repos.
Il faut savoir choisir dans le vieux cimetière
Pour vingt ans, pour cent ans, la demeure dernière
Où les corps sont enclos.
J'aurais pu, direz-vous, mettre Martel en tête
Mais qu'importe la place à ce futur athlète
Il n'est pas orgueilleux.
Il saura diriger la culture physique.
Redresser le bossu, guérir le rachitique ;
Créer des vigoureux.
A Madame Ragault revient tout le mérite
De défendre tous ceux que le sort déshérite.
Son fardeau sera lourd.
Mais son grand coeur de femme a déjà fait ses preuves.
Elle a su, tant de fois, adoucir les épreuves.
C'est la Bonté, tout court.
Debleds est, en tous points, un homme sympathique
Il saura rédiger en style académique
Les plus simples rapports.
Il fût maître d'école et pour moi c'est tout dire
Au livre de la vie il a dû savoir lire
Les raisons et les torts.
Nous avons un héros dans la rude bataille
Du ravitaillement. Mais n'a-t-il pas la taille
D'un autre Rabelais.
Aussi, sans hésiter, faisons-lui confiance
Et si j'osais un jour lui faire concurrence
Je sais bien qu'il Maurey.
Je ne puis oublier notre sage comptable
Acceptant sans trembler la tâche redoutable
Surveiller le budget
Le cher Renaud saura, ce sans l'ombre d'un doute
Guider le char doré sur une bonne route
Il connaît son sujet.
J'arrive, mes amis, au terme du voyage
Aussi pardonnez-moi si je vous fis outrage
J'ai joué sur les mots.
Restez sourds, je vous prie aux accords de ma lyre
Car ne vaut-il pas mieux parler pour ne rien dire
Que croquer le marmot.
Honoré HARMAND