La Reconnaissance
15 janvier 1946
C'est une femme tendre et douce
Qui vient vers vous, tendant la main,
Marchant sur un tapis de mousse
Pour vous surprendre à mi-chemin.
Ses yeux sont obscurcis de larmes,
Troublant l'éclat de sa beauté.
Rien ne résiste à ses alarmes
Pour un coeur grisé de bonté.
Elle révèle ses misères.
Son pouvoir de vous attendrir
Fait vos rancunes prisonnières
Quand vous souffrez de voir souffrir.
Votre désir est de lui plaire ;
Vous partagez votre bonheur.
Soudain son doux regard s'éclaire ;
Récompense du bienfaiteur.
Comme une rose épanouie
Se fane au vent glacé du soir
Le temps s'écoule, on vous oublie ;
Vous avez fait votre devoir.
Plus tard, sur le tapis de mousse
Empruntant le même chemin
Marche une femme tendre et douce ;
Vers elle vous tendez la main.
Elle s'éloigne, indifférente.
De grâce ne l'arrêtez pas
Car elle n'est qu'une passante
Dans la foule de l'ici-bas.
Honoré HARMAND