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 Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXXXVI. La royauté de M. de Mazarin

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Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXXXVI. La royauté de M. de Mazarin Empty
MessageSujet: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXXXVI. La royauté de M. de Mazarin   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXXXVI. La royauté de M. de Mazarin Icon_minitimeLun 15 Avr - 19:29

LXXXVI. La royauté de M. de Mazarin

L’arrestation n’avait fait aucun bruit, causé aucun scandale et
était même restée à peu près inconnue. Elle n’avait donc en rien
entravé la marche des événements, et la députation envoyée par la
ville de Paris fut avertie solennellement qu’elle allait paraître
devant la reine.

La reine la reçut, muette et superbe comme toujours; elle écouta
les doléances et les supplications des députés; mais, lorsqu’ils
eurent fini leurs discours, nul n’aurait pu dire, tant le visage
d’Anne d’Autriche était resté indifférent, si elle les avait
entendus.

En revanche, Mazarin, présent à cette audience entendait très bien
ce que ces députés demandaient: c’était son renvoi en termes
clairs et précis, purement et simplement.

Les discours finis, la reine restant muette:

- Messieurs, dit Mazarin, je me joindrai à vous pour supplier la
reine de mettre un terme aux maux de ses sujets. J’ai fait tout ce
que j’ai pu pour les adoucir, et cependant la croyance publique,
dites-vous, est qu’ils viennent de moi, pauvre étranger qui n’ai
pu réussir à plaire aux Français. Hélas! on ne m’a point compris,
et c’était raison: je succédais à l’homme le plus sublime qui eût
encore soutenu le sceptre des rois de France. Les souvenirs de
M. de Richelieu m’écrasent. En vain, si j’étais ambitieux,
lutterais-je contre ces souvenirs; mais je ne le suis pas, et j’en
veux donner une preuve. Je me déclare vaincu. Je ferai ce que
demande le peuple. Si les Parisiens ont quelques torts, et qui
n’en a pas, messieurs? Paris est assez puni; assez de sang a
coulé, assez de misère accable une ville privée de son roi et de
la justice. Ce n’est pas à moi, simple particulier, de prendre
tant d’importance que de diviser une reine avec son royaume.
Puisque vous exigez que je me retire, eh bien! je me retirerai.

- Alors, dit Aramis à l’oreille de son voisin, la paix est faite
et les conférences sont inutiles. Il n’y a plus qu’à envoyer sous
bonne garde M. Mazarini à la frontière la plus éloignée, et à
veiller à ce qu’il ne rentre ni par celle-là, ni par les autres.

- Un instant, monsieur, un instant, dit l’homme de robe auquel
Aramis s’adressait. Peste! comme vous y allez! On voit bien que
vous êtes des hommes d’épée. Il y a le chapitre des rémunérations
et des indemnités à mettre au net.

- Monsieur le chancelier, dit la reine en se tournant vers ce
même Séguier, notre ancienne connaissance, vous ouvrirez les
conférences; elles auront lieu à Rueil. M. le cardinal a dit des
choses qui m’ont fort émue. Voilà pourquoi je ne vous réponds pas
plus longuement. Quant à ce qui est de rester ou de partir, j’ai
trop de reconnaissance à M. le cardinal pour ne pas le laisser
libre en tous points de ses actions. M. le cardinal fera ce qu’il
voudra.

Une pâleur fugitive nuança le visage intelligent du premier
ministre. Il regarda la reine avec inquiétude. Son visage était
tellement impassible, qu’il en était, comme les autres, à ne
pouvoir lire ce qui se passait dans son coeur.

- Mais, ajouta la reine, en attendant la décision de
M. de Mazarin, qu’il ne soit, je vous prie, question que du roi.

Les députés s’inclinèrent et sortirent.

- Eh quoi! dit la reine quand le dernier d’entre eux eut quitté
la chambre, vous céderiez à ces robins et à ces avocats!

- Pour le bonheur de Votre Majesté, Madame, dit Mazarin en fixant
sur la reine son oeil perçant, il n’y a point de sacrifice que je
ne sois prêt à m’imposer.

Anne baissa la tête et tomba dans une de ces rêveries qui lui
étaient si habituelles. Le souvenir d’Athos lui revint à l’esprit.
La tournure hardie du gentilhomme, sa parole ferme et digne à la
fois, les fantômes qu’il avait évoqués d’un mot, lui rappelaient
tout un passé d’une poésie enivrante: la jeunesse, la beauté,
l’éclat des amours de vingt ans, et les rudes combats de ses
soutiens, et la fin sanglante de Buckingham, le seul homme qu’elle
eût aimé réellement, et l’héroïsme de ses obscurs défenseurs qui
l’avaient sauvée de la double haine de Richelieu et du roi.

Mazarin la regardait, et maintenant qu’elle se croyait seule et
qu’elle n’avait plus tout un monde d’ennemis pour l’épier, il
suivait ses pensées sur son visage, comme on voit dans les lacs
transparents passer les nuages, reflets du ciel comme les pensées.

- Il faudrait donc, murmura Anne d’Autriche, céder à l’orage,
acheter la paix, attendre patiemment et religieusement des temps
meilleurs?

Mazarin sourit amèrement à cette proposition, qui annonçait
qu’elle avait pris la proposition du ministre au sérieux.

Anne avait la tête inclinée et ne vit pas ce sourire; mais
remarquant que sa demande n’obtenait aucune réponse, elle releva
le front.

- Eh bien! vous ne me répondez point, cardinal; que pensez-vous?

- Je pense, Madame, que cet insolent gentilhomme que nous avons
fait arrêter par Comminges a fait allusion à M. de Buckingham, que
vous laissâtes assassiner; à madame de Chevreuse, que vous
laissâtes exiler; à M. de Beaufort, que vous fîtes emprisonner.
Mais s’il a fait allusion à moi, c’est qu’il ne sait pas ce que je
suis pour vous.

Anne d’Autriche tressaillit comme elle faisait lorsqu’on la
frappait dans son orgueil; elle rougit et enfonça, pour ne pas
répondre, ses ongles acérés dans ses belles mains.

- Il est homme de bon conseil, d’honneur et d’esprit, sans
compter qu’il est homme de résolution. Vous en savez quelque
chose, n’est-ce pas, Madame? Je veux donc lui dire, c’est une
grâce personnelle que je lui fais, en quoi il s’est trompé à mon
égard. C’est que, vraiment, ce qu’on me propose, c’est presque une
abdication, et une abdication mérite qu’on y réfléchisse.

- Une abdication! dit Anne; je croyais, monsieur, qu’il n’y avait
que les rois qui abdiquaient.

- Eh bien! reprit Mazarin, ne suis-je pas presque roi, et roi de
France même? Jetée sur le pied d’un lit royal, je vous assure,
Madame, que ma simarre de ministre ressemble fort, la nuit, à un
manteau royal.

C’était là une des humiliations que lui faisait le plus souvent
subir Mazarin, et sous lesquelles elle courbait constamment la
tête. Il n’y eut qu’Élisabeth et Catherine II qui restèrent à la
fois maîtresses et reines pour leurs amants.

Anne d’Autriche regarda donc avec une sorte de terreur la
physionomie menaçante du cardinal, qui, dans ces moments-là, ne
manquait pas d’une certaine grandeur.

- Monsieur, dit-elle, n’ai-je point dit, et n’avez-vous point
entendu que j’ai dit à ces gens-là que vous feriez ce qu’il vous
plairait?

- En ce cas, dit Mazarin, je crois qu’il doit me plaire de
demeurer. C’est non seulement mon intérêt, mais encore j’ose dire
que c’est votre salut.

- Demeurez donc, monsieur, je ne désire pas autre chose, mais
alors ne me laissez pas insulter.

- Vous voulez parler des prétentions des révoltés et du ton dont
ils les expriment? Patience! Ils ont choisi un terrain sur lequel
je suis général plus habile qu’eux, les conférences. Nous les
battrons rien qu’en temporisant. Ils ont déjà faim; ce sera bien
pis dans huit jours.

- Eh! mon Dieu! oui, monsieur, je sais que nous finirons par là.
Mais ce n’est pas d’eux seulement qu’il s’agit; ce n’est pas eux
qui m’adressent les injures les plus blessantes pour moi.

- Ah! je vous comprends. Vous voulez parler des souvenirs
qu’évoquent perpétuellement ces trois ou quatre gentilshommes.
Mais nous les tenons prisonniers, et ils sont juste assez
coupables pour que nous les laissions en captivité tout le temps
qu’il nous conviendra; un seul est encore hors de notre pouvoir et
nous brave. Mais, que diable! nous parviendrons bien à le joindre
à ses compagnons. Nous avons fait des choses plus difficiles que
cela, ce me semble. J’ai d’abord et par précaution fait enfermer à
Rueil, c’est-à-dire près de moi, c’est-à-dire sous mes yeux, à la
portée de ma main, les deux plus intraitables. Aujourd’hui même le
troisième les y rejoindra.

- Tant qu’ils seront prisonniers, ce sera bien, dit Anne
d’Autriche, mais ils sortiront un jour.

- Oui, si Votre Majesté les met en liberté.

- Ah! continua Anne d’Autriche répondant à sa propre pensée,
c’est ici qu’on regrette Paris!

- Et pourquoi donc?

- Pour la Bastille, monsieur, qui est si forte et si discrète.

- Madame, avec les conférences nous avons la paix; avec la paix
nous avons Paris; avec Paris nous avons la Bastille! nos quatre
matamores y pourriront.

Anne d’Autriche fronça légèrement le sourcil, tandis que Mazarin
lui baisait la main pour prendre congé d’elle.

Mazarin sortit après cet acte moitié humble, moitié galant. Anne
d’Autriche le suivit du regard, et à mesure qu’il s’éloignait on
eût pu voir un dédaigneux sourire se dessiner sur ses lèvres.

- J’ai méprisé, murmura-t-elle, l’amour d’un cardinal qui ne
disait jamais «Je ferai», mais «J’ai fait». Celui-là connaissait
des retraites plus sûres que Rueil, plus sombres et plus muettes
encore que la Bastille. Oh! le monde dégénère!
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Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) LXXXVI. La royauté de M. de Mazarin
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