Au frère Stephen
J'ai planté ce matin un bouquet éphémère
Au-dessus du cher mort sous le tertre endormi;
Et je veux, un moment, dans votre sein d'ami
Épancher le trop plein de ma détresse amère.
Dieu, qui ne fait jamais les choses à demi,
Près du pauvre exilé vous mit comme une mère;
Et quand le sort fatal vint briser ma chimère
Des peines de mon coeur votre coeur a gémi.
Aussi, dans le secret de mon âme froissée,
Je vous confonds tous deux, et ma triste pensée
Va de celui que j'aime à celui que j'aimais.
Hanté par l'un, je sens que l'autre me regarde;
Je vous complète l'un par l'autre, et je vous garde
Tous deux dans ma tendresse alliés pour jamais.
(1902)