II.
Car ce sont, ô pitié! des femmes, des guerrières
Que la mêlée étreint de ses mains meurtrières.
Sous l'armure une gorge bat;
Les écailles d'airain couvrent des seins d'ivoire,
où, nourrisson cruel, la mort pâle vient boire
Le lait empourpré du combat.
Regardez! regardez! les chevelures blondes
Coulent en ruisseaux d'or se mêler sous les ondes,
Aux cheveux glauques des roseaux.
Voyez ces belles chairs, plus pures que l'albâtre,
Où, dans la blancheur mate, une veine bleuâtre
Circule en transparents réseaux.
Hélas! sur tous ces corps à la teinte nacrée,
La mort a déjà mis sa pâleur azurée;
Ils n'ont de rose que le sang.
Leurs bras abandonnés trempent, les mains ouvertes,
Dans la vase du fleuve, entre les algues vertes,
Où l'eau les soulève en passant.
Le cheval de bataille à la croupe tigrée,
Secouant dans les cieux sa crinière effarée,
Les foule avec ses durs sabots.
Et le lâche vainqueur, dans sa rage brutale,
Sur leur ventre appuyant sa poudreuse sandale,
Tire à lui leurs derniers lambeaux.
Bientôt, du haut des monts, les vautours au col chauve,
Les corbeaux vernissés, les aigles à l'oeil fauve;
L'orfraie au regard clandestin;
Les loups se balançant sur leurs échines maigres,
Les renards, les chakals, accourront tout allègres,
Prendre leur part au grand festin;
Ce splendide banquet réparera leurs jeûnes;
O misère! ô douleur! tous ces corps frais et jeunes,
Ces beaux seins, d'un si pur contour,
Faits pour les chauds baisers d'une amoureuse bouche,
Fouillés par le museau de l'hyène farouche,
Piqués par le bec du vautour!
Cessez de vains efforts, ô braves amazones!
A quoi vous sert d'avoir, ainsi que des Bellones,
Le casque grec empanaché,
La cuirasse de fer, de clous d'or étoilée,
Si votre main trop faible, au fort de la mêlée,
Lâche votre glaive ébréché!
Votre armure faussée, entre ces bras robustes,
Comme un mince carton s'aplatit sur ces bustes,
Où le poil pousse en plein terrain;
Avec ces forts lutteurs, les plus puissantes armes,
O guerrières! seraient les appas et les charmes
Cachés sous vos corsets d'airain.
S'ils n'étaient repoussés par les rudes écailles,
Par les mailles d'acier qui hérissent vos tailles,
Les bras se suspendraient autour;
Si vous aviez voulu, douce et modeste gloire,
Vous auriez, sans combat, remporté la victoire,
Car la force cède à l'amour.
Penchez-vous sur le col de vos promptes cavales
Qui volent, de la brise et de l'éclair rivales.
Fuyez sans vous tourner pour voir,
Et, ne vous arrêtez qu'en des retraites sûres,
Où se trouve un flot clair pour laver vos blessures
Et du gazon pour vous asseoir!