PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) L'océan d'en haut 5

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Victor HUGO (1802-1885) L'océan d'en haut 5 Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) L'océan d'en haut 5   Victor HUGO (1802-1885) L'océan d'en haut 5 Icon_minitimeSam 8 Oct - 18:37

Et je vis au-dessus de ma tête un point noir;
Et ce point noir semblait une mouche dans l'ombre.
J'y volai
L'âpre nuit mourait, mais sa pénombre
Mourait dans un jour gris qu'on voyait poindre aux cieux.

Et cette mouche était un griffon monstrueux
Qui faisait trembler l'ombre avec son-aile énorme.

Et le griffon cria:
*
Que l'aigle d'en bas dorme!
Je veille: Dieu plus haut que l'aigle m'emporta.
Tu viens du Sinaï, je viens du Golgotha;
Aigle, la foudre emplit ton oe il visionnaire
Moi, j'ai vu -le gibet plus grand que le tonnerre!
Quand les bourreaux dressaient la croix, j'étais dessus;
J'ai frissonné sur l'arbre où l'on cloua Jésus;
J'ai vu cette agonie immense et solennelle;
Marc a pris pour l'écrire une plume à mon aile;
J'ai regardé Jésus saigner et s'assoupir;
Je sais tout; je suis plein de son dernier soupir.
Je sème. sa -parole au souffle de la bise.
Aigle, Christ en sait plus que Moïse, Moïse
N'ayant que les rayons, et Christ ayant les clous.
Non, Dieu n'est pas vengeur.! non, Dieu n'est pas jaloux!
Non, Dieu ne s'endort pas, portant toute la voûte!
Non, l'homme ne meurt pas tout entier.

Aigle, écoute:
Dieu, le monde étant fait, reconnut que ela
N'était-rien, puisque rien n'y disait: me voilà;
Puisque rien n'y pensait et-n'y parlait -de sorte
Que là -création -en-naissant était morte;
Or l'incréé voulut-engendrer l'immortel.
Il fit l'âme, et la mit dans l'homme, son autel.
L'homme seul reçut l'âme en l'univers visible.
Dieu créa pour Adam ce faîte inacessible.
Au-dessous dé l'homme, âme, intelligence, esprit,
La matière-roula dans la pierre, fleurit

Dans la plante, et hurla dans la bête, sans vivre.
Voyant qu'il avait seul une âme, Adam fut ivre;
Il voulut la science et déroba le fruit.
C'est pourquoi Dieu jeta les hommes dans la nuit.
Et depuis ce jour-là, l'urne amère est remplie.
Sous la faute d'Adam tout le genre humain plie.
Le labeur est ingrat et le sillon est dur;
L'homme naît mauvais, triste, inexorable, impur;
L'enfantement du mal déchire le flanc d'Eve.
La guerre et l'échafaud, ces deux tranchants du glaive,
Vont fauchant l'ignorant, le faible et l'innocent;
Le fratricide affreux, qui croit le père absent,
Fait peur aux cieux avec le sang qu'on lui voit boire;
Hélas! dans la forêt de l'humanité noire,
Un éternel Caïn tue à jamais Abel.
L'homme adore Moloch, Dagon, Teutatès, Bel ;
Et sur les crimes rois les monstres dieux flamboient.
Les vices, meute infâme, autour de l'âme aboient.
Toute l'humanité tinte comme un beffroi.
Partout l'horreur, le râle et le rire, et l'effroi.
Toute bouche est ulcère et tout faîte est cratère.
Un bruit si monstrueux sort de toute la terre
Que la nuit, veuve en deuil, dit au jour qui rougit:
C'est le tigre qui parle ou l'homme qui rugit!
Satan à l'entour vole et plane, oiseau de proie
Des âmes. La douleur formidable est sa joie.

Et plein de feux, de pleurs, de tourments éperdus,
Et de bustes vivants dans les flammes tordus,
Pleins de cris qui s'en vont au bronze de la voûte
Et que la surdité de l'impossible écoute,
Coupole de l'abîme ayant pour pendentifs
D'affreux écroulements d'êtres noirs et plaintifs,
Geôle sans fond, sans jour, sans espoir, sous la foule
Des vivants, sous ce tas de vanité qui roule,
Sous le flot des passants de la vie et du bruit,
Sous le penseur, captif du rêve qu'il construit,
Sous les guerriers casqués et sous les femmes nues,
Sous les larges festins qui chantent jusqu'aux nues,
Sous tout ce qui s'allume et tout e qui s'éteint,
Sous tous les pas de l'homme, orgueil, science, instinct,
Sous tout être qui marche, ou chancelle, ou trébuche,
L'enfer éternel guette et s'ouvre, vaste embûche.

Noir sillon composé de tous les vils limons,
Qui reçoit des esprits et qui rend des démons,
Qui produit des moissons de spectres, et des gerbes
De monstres flamboyants, lugubres et superbes,
D'où sort tout ce qui tue, où croît tout ce qui ment,
Et qui tressaille, ému d'un long frémissement,
Chaque fois qu'il entend l'affreux-cri de la chute,
Chaque fois qu'en sa nuit descend, essaim qui lutte,
Quelque tourbillon sombre et triste où l'âme luit,
Et qu'il voit au-dessus de lui, noire et-sans bruit,
S'ouvrir l'immense main de-son semeur sinistre!
Mais le livre de. vie est là, divin registre,
L'homme, c'est l'âme; l'homme est l'hôte d'un rayon,
Et la matière seule est la damnation.
Dieu pense, et la douleur lentement le désarme.
Dieu s'appelle pardon, l'homme se nomme larme;
Dieu créa la pitié le: jour où l'homme est né.
Devant lés actions de l'homme infortuné
Souvent, la, pureté des firmaments s'indigne;
Souvent l'astre aux yeux d'aigle et l'ange au vol de cygne
S'étonnent de ette ombre et de cette noirceur;
Dieu, voyant l'homme fourbe, implacable, oppresseur,
Est triste; et quand, sortant de la nuit, la Colère
Apparaît, face sombre et que la foudre éclaire,
Rappelant au Seigneur ce que l'homme lui doit,
Prête à maudire, il met sur cette bouche un doigt.
Ce doigt mystérieux-et doux, c'est la clémence.

Le pardon dit tout bas à l'homme: recommence!
Redeviens pur. Remonte à ta source. Essayons
Rentre au creuset: Ton Dieu t'offre dans les rayons,:
Pour refaire ton âme obscurcie et difforme,
Le cercueil, ce berceau de la naissance énorme.

Clémence, c'est le fond de Dieu. Dieu boit le fiel.
Dieu ne vengé pas Dieu devant l'azur-du ciel.
Il ne revomit rien sur l'homme. Secourable,
Tendre, il chasse du pied le mal, ce misérable:
Dieu, que l'homme coupable *appelait, s'est penché,
Et, voyant l'univers sanglant; mort, desséché;
Et, songeant, pour lui-même et pour lui seul sévère,
Que pour sauver un monde il suffit d'un calvaire,
Il a dit: Va, mon fils! Et son fils est allé.

Rédemption! mystère! Ô grand Christ étoilé!
Soif du crucifié, d'amertume assouvie!
Linceul dont tous les-plis font tomber de la vie!
Ô gibet qui bénit Judas et Barabbas!
Qui verse à flots la sève et l'espérance en bas,

Croix, à tous les esprits, arbre, à toutes les plantes!
Sublime embrassement des grandes mains sanglantes!
Oeil mourant de Jésus dont l'éternité luit!
pardon! ô pitié de l'azur pour la nuit!
Paix céleste qui sort de toutes les clémences!
mont mystérieux des oliviers immenses!
Après le créateur, le sauveur s'est montré..
Le sauveur a veillé pour tous les yeux, pleuré
Pour tous les pleurs, saigné pour toutes les blessures.
Les routes des vivants, hélas! ne sont pas sûres,
Mais Christ, sur le poteau du fatal carrefour,
Montre d'un bras la nuit et de l'autre le jour!

Après lui sont venus les apôtres, ces têtes
Flamboyantes; les saints; martyrs jetés aux bêtes,
Vierges louant Jésus dans le noir tombereau,
Femmes grosses chantant pendant que le bourreau,
Effroyable, arrachait leurs enfants de leurs ventres,
Et les pères des bois et les docteurs des antres,
Et les voix des déserts et des cloîtres, criant
A l'homme en sa nuit froide: Orient! Orient!
*
Oh! vous l'avez cherché sans l'entrevoir, sibylles,
Ce Dieu mystérieux des azurs immobiles!
Filles des visions, toi, sous l'arche d'un pont,
Daphné; toi, guettant l'oeuf que la chouette pond,
Albunée, et. brûlant une torche de cire;
Toi, celle de Phrygie, épouvante d'Ancyre,
Parlant à l'astre et, pâle, écoutant s'il répond;
Celle d'Imbrasia; celle de l'Hellespont
Qui se dresse déesse et qui retombe hyène;
Toi, Tiburtine; et toi, la rauque Libyenne,
Criant: Treize! essayant la loi du nombre impair;
Toi dont le regard fixe inquiétait Vesper,
Larve d'Endor; et toi, les dents blanches d'écume,
Les deux seins nus, ô folle effrayante de Cume;
Chaldéenne, filant un invisible fil;
Sardique a l'oeil de chèvre, au tragique profil;
Toi, maigre et toute nue au soleil, Érythrée,
D'azur et de lumière et d'horreur pénétrée;
Toi, Persique, habitant un sépulcre détruit,
^ face à qui parlaient les passants de la nuit
Et les échevelés qui se penchent dans l'ombre
Toi, mangeant du cresson dans ta fontaine sombre,
Delphique; âpres esprits, toutes, vous eûtes beau
Hurler, frapper le vent, remuer le tombeau,

Rouler vos fauves yeux dans la profondeur noire,
Nulle de vous n'a vu clairement dans sa gloire
Ce grand Dieu du pardon sur la terre levé.
Sainte-Thérèse, avec un soupir, l'a trouvé.
*
Le pardon est phis grand que Caïn, et le couvre.
La clémence de Dieu de tous les côtés s'ouvre,
Et c'est là le seul piège où l'on tombe toujours.
La langue des muets et l'oreille des sourds,
C'est le pardon: La grâce aide clin s'abandonne.
C'est ce qui manque à tous et ce qu'à, tous Dieu donne.
Père, il sourit aux fils clin lui, Montrent le poing.
Dieu serait le puni s'il ne pardonnait point:
Son ciél est un regard clément. Toutes les grâces
Qu'il fait à chaque instant, s'envolent, jamais lasses,
Se dispersent au loin dans tous les univers,
Et, du faible au méchant, du farouche au pervers,
Errent, abeilles d'or, et butinent les âmes,
Puis reviennent,. mêlant baumes, encens, dictames,
Rapportant les parfums extraits des coeurs maudits,
Emplir du miel pardon la ruche paradis.
Clémence! mot formé de toutes les étoiles!
Dieu! ciel de tous les yeux! port de toutes les voiles!
Jamais, brume ou tempête, et quel que soit le vent,
L'asile n'est fermé tant que l'homme est vivant;
Toute lèvre est reçue au céleste ciboire; .
Le sang du sauveur coule et toute âme y peut boire;
Si ténébreux que soit l'homme qui va partir,
A l'heure de la mort un cri de repentir,
Un appel de la foi que le tombeau recrée,
Un regard. attendri vers la lueur sacrée,
Vers ce qu'on insultait et ce qu'on dénigrait,
Un sanglot, moins encore, un soupir, un regret
De l'âme détestant sa tache originelle,
Suffit pour qu'elle échappe à la peine éternelle,
A l'enfer qui, voyant ce que les hommes font,
Tord les chaînes sans fin dans les gouffres sans fond.
Qui que fil sois, esquif, tourne vers Dieu ta proue.
Le châtiment sans terme et sans espoir écroue,
Sous les éternités plus lourdes que les monts,
Les démons seuls et ceux qui deviennent démons.
Pour que la peine tombe immuable et tardive,
Il faut du dernier cri l'horrible récidive;
Dans l'éternité sombre, Achab, Caligula,
Borgia qu'entre tous la tiare étoila,
Philippe deux, Timour, Phalaris, Louis onze,
Néron, sont au carcan sur des trônes de bronze.

Pourquoi? parce qu'ils ont dit non! au grand moment,
Que leur âme est sortie en un vomissement!
L'homme n'a qu'à pleurer pour retrouver son père.
Le malheur lui dit: crois. La mort lui crie: espère!
Qu'il se repente, il tient la clef d'un sort meilleur.
Dieu lui remplace, après l'épreuve et la douleur,
Le paradis des fleurs par l'éden des étoiles.
Ève, à ta nudité Marie offre ses voiles;
L'ange au glaive de feu rappelle Adam proscrit;
L'âme arrive portant la croix de Jésus-Christ.;
L'éternel pres de lui fait asseoir l'immortelle.
Aigle, la sainteté de l'âme humaine est telle
Qu'au fond du ciel suprême où la clarté sourit,
Où le Père et le Fils se mêlent dans l'Esprit,
Il semble que l'azur égalise et confonde
Jésus, l'âme de l'homme, et Dieu, l'âme du monde!
Et, l'oeil au firmament, ne regardant plus rien,
Comme ivre de rayons, le monstre-aérien,
Lion par la crinière et l'ongle, aigle par l'aile;
Chanta:
Paix, vie et gloire à la voûte éternelle!
Il est le véritable! Il vit. Il est présent.
Comme il est l'invisible, il est l'éblouissant;
Il a créé d'un mot la chose et le mystère,
Tout ce qu'on peut nommer et tout ce qu'il faut taire.
Quand l'homme juste meurt, il lui ferme les yeux;
Le beau jardin Azur est plein d'esprits joyeux;
Ils entrent à toute heure et par toutes les portes;
Dieu fait évanouir les gonds des villes fortes;
Entre ses doigts distraits il tord le pâle éclair;
Le grand serpent lui semble un cheveu dans la mer.
Il est le grand poete, il est le grand prophète.
Il est la base, il est le centre, il est le faîte;
Il est celui qui songe, il est celui qui voit;
Il connaît l'avenir auquel tout homme a droit,
L'Éden soleil, l'abîme et ses chambres funèbres.
Ceux qui marchent sans lui s'en vont dans les ténèbres.
Il ordonne à la nuit d'envelopper le jour.
Il met la mort, archer, au créneau de la tour.
Les cèdres du Liban, pareils à de vieux prêtres,
Parlent de lui tout bas; l'ombre de tous les êtres
S'incline devant lui les matins et les soirs.
Les vierges à ses pieds, dans de purs encensoirs,
Font brûler un parfum composé des prières
De tous ceux que le monde appelle ses lumières,
De tous les saints. qui sont sur terre et dans le ciel;
Cette blanche fumée enveloppe l'autel,
Et l'Incréé, caché sous des voiles de flammes,
Se penche, respirant la douce odeur des âmes.
Les colonnes des cieux s'étonnent devant lui;
Ces hauts piliers, chargés de ce dôme inouï,
Frissonnent éperdus à son souffle, et ressemblent
À leur propre reflet dans des ondes qui tremblent.
Ô Dieu! roi! père! asile! espoir du criminel!
Éternel laboureur! moissonneur éternel!
Maître à la première. heure et juge à la -dernière!
C'est lui qui fit le monde avec de la lumière!
Le firmament -est clair de sa sérénité.
Par moments, dans l'azur splendide et. redouté,
Ô mystère! il se fait des silences d'une heure;
Personne en haut ne chante et nul en bas ne pleure;
L'ange abaisse, pensif, son clairon éclatant;
Dieu médite; le ciel rêve; l'enfer attend.
Et c'est ce mot qui sort de l'ombre: Je pardonne.

Le griffon s'effaça, comme l'éclair qui tonne,
Dans une brume où rien ne semblait se mouvoir.
VII
Et je vis au-dessus de ma tête un point noir;
Et ce point noir semblait une mouche dans l'ombre.

La nuit derrière moi, comme un hideux décombre,
Fuyait, et vers le point. lointain, vague et vivant,
Je volai, m'enfonçant de plus en plus avant
Dans le bleu firmament doré d'une aube étrange;
Et cette mouche était un ange.
Et cet archange,
Immense, déployant sur mon front qui rêvait,
Deux ailes, l'une blanche et l'autre noire, avait
L'oeil fixe, et sur son front le jour semblait éclore;
Et l'aile blanche allait se fondre dans l'aurore,
Et l'aile noire allait se perdre dans la nuit.

Dans ce ciel où mon vol profond m'avait conduit,
Mer où notre ciel noir semblait une presqu'île,
L'ange apparaissait fier, heureux, puissant, tranquille;

Si la nuit descendait et si le jour montait,
Il ne le savait pas; on eût dit qu'il était
A jamais immobile; ayant trouvé la sphère
Où l'extase n'a plus de mouvement à faire,
Et qu'il était créé, lui l'être grand et pur,
Pour ne rien regarder qui ne fût pas l'azur;
Il se tenait debout sans baisser la prunelle,
Comme s'il. ne voyait qu'une chose éternelle.

Et, sentant que vers lui d'en bas quelqu'un venait,
- Qu'es-tu? dit l'ange, beau comme l'astre qui naît,
Et sans tourner vers moi ses yeux ni sa figure';
Et je lui dis: -O front voisin de l'aube pure,
Je suis l'être à qui plaît la tombe dans l'exil.
L'ange me regarda. -Demeure, me dit-il.
Puis, et je vis alors qu'il tenait une palme,
Il se mit à parler au gouffre:

-L'Être est calme.
Dieu vit. Le Oui du jour et le Non de la nuit
Sont deux larves qu'un souffle obscur forme et détruit;
Le mot noir est un grain de cendre dans la brume,
O gouffre, et le mot blanc est un flocon d'écume;
L'infini ne sait point ce qu'on murmure en bas;
Moi, j'écoute et j'entends. Shiva dit: -Dieu n'est pas,
Et du crime de tout personne n'est coupable.
Hermès dit: -L'invisible erre dans l'impalpable.
- Deux dieux, dit Zoroastre. Un désordre normal.
L'être, n'est le combat du bien contre le mal. -
Orphée au chant profond dit: -Les dieux semblent être;
Mais quand on les contemple, on les voit disparaître;
Tant la Fatalité, larve sans front, sans yeux,
Sans coeur, étreint la terre et l'enfer et les cieux.
Moïse dit: -Il n'est qu'un Dieu. Dieu crée et venge.
L'homme est une ombre, et meurt. -Et Jésus au front d'ange
Dit: -Dieu pardonne. Il rend les bons au paradis.
L'âme humaine survit à l'homme. -Et moi, je dis,
- Car, sur chaque échelon de l'échelle où meurt l'ombre,
Le verbe lumineux succède au verbe sombre';
On monte à la parole après le bégaiement
Je dis:

Dieu, c'est le vrai. Ni vengeur, ni clément;
Il est juste. Venger l'affront, c'est le connaître,
Et c'est le mériter. Être clément, c'est être
Injuste pour tous eux qu'on ne pardonne pas.

*
Quand tu vis Sabaoth, aigle, tu te trompas.
Griffon, qui sur ton aile as porté l'évangile,
Ecoute. Écoutez tous'! Zoroastre est d'argile;
Shiva, qui n'est qu'un sage et que l'Inde croit dieu,
Est un morceau de terre; Orphée au regard bleu
A senti son squelette au sépulcre descendre;
Et le voleur du feu, Prométhée, est de cendre;
Moïse n'est pas près du Seigneur Jésus-Christ
N'est pas près du Seigneur; nul prophète n'écrit
Près de Dieu; nul archange ailé, nul personnage,
Nul saint: l'Eternité n'a pas de voisinage.
Écoutez! Gravissez le réel pas à pas.
Dieu n'est point le pêcheur qui jette des appâts
Au pauvre être fuyant que l'appétit assiège;
Et son bonheur n'est pas de prendre l'homme au piège.

Pas d'enfer éternel. Quoi, l'être aux instants courts,
Quoi, le vivant rapide enchaîné pour toujours!
Quoi, des illusions, des erreurs, des risées,
Quoi, des fautes d'un jour et d'une ombre, écrasées
Par ce roc immobile et monstrueux, jamais!
Dieu se faisant bourreau du haut des clairs sommets!
Dieu, pire que Shylock, le vil rogneur de piastres!
L'Incréé, couronné de comètes et d'astres,
Tenaillant dans sa cave un moucheron puni!
La grandeur s'acharnant aux petits! L'infini
Donnant la question à l'insecte qui pleure!
L'Éternité tordant les minutes de l'heure!
Quoi! ce juge aurait soif, quoi! ce père aurait faim
De l'angoisse sans borne et du-tourment sans fin!
Il aurait pour travail la souffrance, et pour joie
De faire écarteler, dans l'enfer qui flamboie,
L'homme, atome éperdu, sanglant, épouvanté,
Aux quatre vents de l'ombre et de l'immensité!
Chassez ce songe, vous, fantômes, qui le faites!
Quoi! ces mondes créés dans des robes de fêtes,
Quoi! la vie et le jour, l'éther, le firmament,
L'azur, l'océan perle et l'astre diamant,:
Cette resplendissante et profonde nature,
Ne seraient qu'une chambre énorme de torture!

Et dans les vastes cieux la constellation,
Du gouffre émerveillé sublime vision,
Mêlant l'étoile bleue et blanche au soleil rouge,
Éclatante, serait la chandelle du bouge!
Que quelqu'un ait rêvé cela, c'est mon ennui.

Et, comme les damnés, hier, demain, aujourd'hui,
Toujours, brûlent au feu qui ne doit. pas s'éteindre;
Et, comme ce serait blâmer. Dieu que les plaindre;
-Ce serait supposer qu'il peut être meilleur;
En outre, comme, étant larme, angoisse et douleur,
La pitié ferait tache au paradis; et, comme
Dieu ne doit rien cacher de sa justice a l'homme,
A l'âme, à l'ange, aux saints, et que l'éternel feu,
L'enfer, est un côté de la vertu de Dieu;
Comme, alors, les élus devant voir la géhenne,
Il faut qu'elle les charme, et que pour eux la peine
Se résolve en bonheur, et qu'avec son tourment
L'enfer soit pour le »ciel un assaisonnement,
Et que l'ange se plaise au sanglot qui s'élève;
Le paradis n'est plus qu'un balcon de la Grève,
Où l'on vient voir, avec un sourire serein,
Brûler la Brinvilliers et rouer vif Mandrin,
Où l'on vient savourer l'agonie âpre et lente,
Et voir l'effet que font l'huile et la poix bouillante
Sur Caïn, et Judas hurler, et Lucifer
Rugir à chaque coup de la barre de fer!
Il se tut; puis rouvrit ses deux lèvres vermeilles
D'où les mots s'envolaient ainsi qûe des abeilles,
Comme s'ouvre la ruche après que l'aube a lui
*
-Personne n'est puni pour la faute d'autrui.
D'ailleurs, hommes, le fruit est fait, pour qu'on le cueille.

Le livre monde est fait pour qu'on tourne la feuille.
Savoir, c'est vivre; et vivre est le droit. Adorer,
C'est connaître; et la porte aime à voir l'âme entrer.
'Quelle que soit la lutte ou la peine ou l'épreuve,
Chaque fois que l'homme, humble et que le doute abreuve,
Saisit un fait nouveau dans l'ombre, il a goûté
De Dieu, de la lumière et de l'éternité.

C'est bien. C'est vers le jour une marche gagnée.
A grands coups de science, à grands coups de cognée,
Les vivants ont raison, dans leur obscurité,
D'ébaucher la statue immense Vérité.
L'homme est le. noir sculpteur, le mystère est le marbre.
Faites. Ève a raison de se dresser vers l'arbre;
Prométhée a raison, Galilée a raison;
Colomb, qui cueille un monde au fond de l'horizon,
Fait bien; Dante envahit la nuit cercle par cercle;
Spinosa du néant lève l'affreux couvercle;
Fulton dompte la mer que Xercès révolta;
Galvani forge et mêle, à côté de Volta,
Les fluides,. force,. âme, aimants, métaux, mercures; -
Mesmer. tressaillant touche aux frontières obscures;
C'est ton droit, homme. Eschyle *et Shaskpeare ont raison,
Ô terre, d'étoiler ton plafond de prison.
Roemer arrête au. vol la lumière ravie ;
Guttenberg fait du jour, de l'amour, de la vie
Avec le plomb fondu du vieux supplice humain;
Pythagore soumet l'ombre a son examen;
Papin attelle à l'homme, à la terre charmée,
A l'âme; au char de feu, le noir cheval fumée;
Halley de la comète est l'éclatant héraut;
Leibniz offre à l'esprit l'évasion d'en haut,
Et, tressant le calcul, la pensée et l'étude,
Jette dans l'infini l'échelle de Latude;
Harvey dit: le sang coule, et l'homme vit! Képler
Prend dans les cieux l'étoile, et Franklin prend l'éclair;
Jackson ôte l'angoisse à la chair qu'il mutile;
Ils sont tous dans le vrai, dans le beau, dans l'utile.
Allez! prenez la bêche et bêchez le jardin!
Mongolfier veut l'azur en attendant l'Éden;
Bien. Et Luther fait bien d'ouvrir l'âme, et Vésale
Éclairant le dedans de la mort colossale,
Fait bien. L'audace est sainte et Dieu bénit l'effort.
Tous les glaives de feu derrière Adam ont tort.

Monte, esprit. Dieu t'attend. Dans ses deux mains de flamme,
Équilibre, il tient l'astre, et, justice, il tient l'âme;
Et, l'univers ayant ce but: voir et savoir,
Pour l'astre et pour l'esprit rayonner est devoir.
Monte, et ne tremble pas. C'est une âpre montée.
Quelquefois l'âme hésite, à mi-côte arrêtée.
L'esprit humain qui va, voit devant lui l'écueil,
L'escarpement, l'horreur, le chaos, le cercueil;

Et le sentier toujours plus sinistre et plus roide.
Ce marcheur a le front baigné de sueur froide.
Va, marcheur! Mal. et Bien portent à leurs deux bouts
L'effroi. Souvent, féroce au bonheur des hiboux,
Le, progrès, rudoyant tous les petits bien-êtres,
Vomit tous les rayons dans toutes les fenêtres.
Le bien est sans pitié. Traverse sans trembler
Tout ce que tu verras autour de toi hurler;
Le progrès a parfois l'allure vaste et fauve;
Et le bien bondissant effare: ceux qu'il sauve.
Va donc! Double le pas! L'horizon s'élargit.
Va! monte! à chaque étape. une larve surgit;
C'est l'avenir debout dans sa figure étrange
L'avenir semble spectre avant d'apparaître-ange.
Marche! Qui veut aller à lui doit être prêt,
A tous les grands combats; l'homme se tromperait
S'il croyait qu'on-obtient Dieu sans; peine, et qu'on pousse
L'enfer dans. le-tombeau sans lutte et; sans secousse.
L'enfantement du mieux a ses convulsions.
Tout dans les cieux se fait par révolutions.
Qu'est-ce que-le progrès? un lumineux désastre,
Tombant comme la bombe et restant comme l'astre.
L'avenir vient avec, le souffle d un grand vent.
Il chasse rudement les peuples en avant;
Il fait sous les gibets des tremblements de terre;
Il creuse brusquement sous l'erreur qu'il fait taire,
Sous tout ce qui fut lâche, atroce, vil, petit,
Des ouvertures. d'ombre où le mal s'engloutit.
Va, lutte, Esprit de l'homme! il ne faut pas qu'on aille
S'imaginer le bien de facile trouvaille.
Le bien étonne; et l'âme a peur en le créant;
Il a la majesté suspecte du géant
Quand, écumant, avec une rumeur confuse,
Il sort, lion de l'antre, ou vague de l'écluse.
Oui, le, bien est une eau qui monte dans la nuit;
Il monte, il est torrent du passé qu'il détruit,
Il est le châtiment; il vient; pas de refuge;
Il monte, il est marée; il monte, il est déluge!
Sombre inondation de bonheur! ô terreur,
Dit l'homme! Et le génie, indomptable éclaireur,
Crie: O joie! -Allons, marche, esprit de l'homme! avance.
Accepte des fléaux l'énorme connivence!
Marche! Oui, souvent, douteux pour qui l'a souhaité,
Le progrès, effrayant à force de clarté,
A, quand il vient broyer le faux, l'abject, l'horrible,
Des apparitions de crinière terrible:
Sa promesse menace; et pour tout ce qui doit
Tomber, mourir, finir dans le jour qui s'accroît,
Faux dieux, faux prêtres, mage impur, juge vendable,
Son rire est le rictus de l'aube formidable.
Depuis Adam, depuis Noé, de temps en temps,
Le progrès, qui poursuit ses vaincus haletants,
Qui veut qu'on soit, qu'on marche et qu'on creuse et qu'on taille,
Pousse ses légions d'azur dans la bataille,
Ses penseurs constellés, éthérés, spacieux,
Tous ses olympiens vêtus d'un pan des cieux;
Euler le sidéral; le splendide Épicure,
Et, comme les chouans dans la Vendée obscure,
Les hommes du passé, lourds, troublés, nébuleux,
Disent en les voyant: fuyons! voici les bleus!
Et ces hommes divins, et ces hommes solaires
Font marcher leurs bienfaits aux pas de leurs colères.
Le bien saisit le mal et l'écrase à son tour.
Accepte l'incendie invincible du jour,
Homme! va! jette-toi dans ces gueules ouvertes
Qu'on nomme inventions, nouveautés, découvertes!
L'esprit humain, chercheur de Dieu, voit par moments
Les rayons s'irriter comme des flamboiements
Quand, poussant devant lui la foule coutumière,
Il va de l'hydre d'ombre à l'hydre de lumière!
N'importe! ne crains pas le progrès rugissant
Pour le sage, le bon, le juste et l'innocent!
Ne crains pas. le progrès dévorant les ténèbres!
Trouvant les idéals par l'effort des algèbres!
Montant, géométrie et poésie, à-Dieu!
Ne crains pas le progrès, conquérant de ciel bleu,
Sphynx qui fait vivre, archer de l'éternelle cible,
Montagnard du sublime et de l'inaccessible!
Suis ce monstre splendide, homme! car il est beau
De toutes es laideurs qu'on nomme Mirabeau,
Socrate, Camons, Cromwell, Tyrtée, Ésope;
Et, faisant le niveau du cèdre et de l'hysope;
Il apparaît, mêlé d'Homère, de Newton,
Et de Moïse, avec la face de Danton,
Et monte aux cieux portant la tête échevelée
De la nuit sombre au bout de sa pique étoilée!
C'est bien.
.
L'ange songeait, pareil au lys qui penche.
Il semblait ne vouloir voir. que son aile blanche;
On eût dit qu'il chantait et priait tour à tour,
Et qu'il assoupissait et noyait dans le jour,
Ne se sentant plus vivre et palpiter qu'à peine;
Ses yeux demi fermés pleins de fierté sereine:
Mais l'autre aile tremblait sur son dos frémissant
Comme pour réveiller le grand esprit absent;
Il rouvrit par degrés ses yeux. brillants de gloire,
Et reprit, regardant malgré lui l'aile noire:

-Oui, c'est vrai, l'ombre. -Hélas! quand donc l'Éden, l'hymen,
L'aube? ô noirs cauchemars du lourd sommeil humain!
Le crime originel! l'enfer! Ève et la pomme!
Lugubres visions! Hélas! hélas! pour l'homme,
Dieu ne se fait sentir que par sa pesanteur.
L'homme s'obstine à voir dans Dieu le tourmenteur,
Le boucher sombre, armant de tenailles tonnerres
Et de pinces éclairs ses poings tortionnaires,
Le tortureur sans frein, sans loi, sans coeur, sans but!
Il rêve dans les cieux l'effrayant Belzébuth!
Il se fait un azur, un mystère, une bible
Qu'emplit une façon d'Être Suprême horrible;
Les hommes font Dieu sombre!
Oui, quand l'immensité
Germe en religion dans leur coeur agité,
Voilà ce qu'en voyant l'absolu, leurs yeux voient!
Oui, Dieu monstre attisant les mondes qui flamboient!
L'homme voudrait au ciel arracher cet aveu!
Nous ne pouvons parler avec l'homme de Dieu
Sans mâcher quelque idée affreuse de supplice;
Démons dans le brasier, damnés sous le cilice,
Dieu borné par l'enfer sans:bornes, -les pavés
De l'ombre à jamais pleins de pâles réprouvés!
Ceux-là, dans l'infini, comme tombe une pierre,
S'enfoncent, et, tremblants, ayant dans leur paupière
Le gouffre, vision et disparition,
Dévidant l'écheveau, de la damnation,
Pendent au fil sans fin d'une chute éternelle;.
Ceux-là râlent, saignant sous leur forme charnelle
Dans on ne: sait quel antre idéal et hideux!
Satan fait un coupable, et le ciel en veut deux;
Adam et l'homme. Ainsi, comme il est impossible
Que, lorsque l'innocent-dans le monde visible,
Pour la faute d'Adam est puni sans pitié,
Lui, le vrai criminel, ne soit pas châtié,
Adam aurait été conduit devant le juge,
Et là, sombre, à genoux, sans espoir, sans refuge,
Sur le ciel formidable et tendu d'un drap noir,
Lié sur une claie, affreux, terrible à voir,
Sous l'éternité morne abaissant son front blême,
Adam l'ingrat, Adam, le coupable suprême,
Ajoutant tous les maux de sa race -à ses maux,
Souffrant, tronc monstrueux, dans ses mille rameaux,
Ayant pour cri le cri qui sort de tous les langes,
Serait exécuté par des bourreaux archanges!
Il serait à jamais supplicié là-haut!
Les hommes, ses enfants, auraient dans leur cachot
Pour plafond le dessous. de l'échafaud du père!
Ces étoiles qu'on voit parfois, dans leur repaire,
Par des fentes du ciel s'échappant et glissant,
Tomber sur eux, seraient les gouttes dé son sang!
Ah! fais cela, toi, l'homme à qui l'horreur agrée,
Esprit de jour taché de-nuit, âme tigrée!
Homme de Louis onze et de Domitien,
Qui, dans les temps nouveaux comme dans l'âge ancien,
Mets l'âme et le cadavre à jamais en présence!
Qui t'appelles Jeffrye et t'es nommé Mézence!
O du bien et du mal amphibie effrayant,
Homme qui ne vois pas les anges s'enfuyant!
Fais-ces actions-là dans ta brume de crimes;
Mais ne les prête pas au songeur des abîmes!
Ne les impute pas au Dieu vivant!
L'esprit
S'arrêta, regarda le gouffre, puis reprit:

Cependant, dans tes jours de piété, toi, l'homme,
Tu rends hommage à Dieu; tu dis: « -Je souffre. En somme,
« J'ai l'âme. Ame, ici-bas je ne suis pas fini.
« Tout est bien. Je vivrai par la mort rajeuni.
« Qu'importe que mon corps se blesse et se meurtrisse!
« Mon âme ira montrer à Dieu la cicatrice.
« Dieu, le débiteur sûr, s'est: toujours acquitté.
« Je suis le créancier de la grande équité.
« Souffrir, traîner la vie est l'affaire d'une heure;
« L'astre me tire hors de l'ombre inférieure.
« Mes maux obligent Dieu; le baume après le fiel;
« Tout homme en pleurs a droit au regard éternel.
« Tous, l'esclave, le nègre aux reins ceints d'une pagne,
« Le casseur de cailloux songeant dans la campagne,
« Le vil forçat, roulant quelque horrible rocher,
« N'ont qu'à gémir pour voir Jéhovah se pencher.
« L'oubli que ferait Dieu du dernier et du moindre
« Suffirait pour ôter au jour le droit de poindre,
« Pour que l'univers ploie et tremble comme un jonc,
« Pour. que l'étoile ait peur et dise: qu'est-ce donc?
« Et pour qu'au seuil de l'ombre aux profondes marées,
« Les constellations se dressent effarées!
« Oui; je souffre, mais j'ai, dans mon accablement,
« Hypothèque sur l'aube et sur le firmament,
« Sur tous les éléments que, vivants, nous subîmes,
« Sur l'équilibre immense et sombre des abîmes!
« Je suis aux fers, j'ai soif; j'ai faim, j'ai froid, j'ai chaud;
« Mais le paradis brille aux fentes du cachot.

« De ce monde si noir l'ombre est à claire-voie.
« Dieu juste ne veut pas que ma larme me noie.;
« Jamais le port ne manque au pauvre matelot;
« Ma tempête aboutit à l'azur; mon sanglot
« Sourit subitement et s'achève cantique.
« Mourir, c'est naître à Dieu. Je suis Caton d'Utique,
« Je ne veux point du bât que portent les romains,
« Et je tombe indigné, poignardé de mes mains,
« Sanglant; je suis Socrate, et je bois la ciguë;
« Je suis Jean Huss, ma chair meurt dans la flamme aiguë;
« Mais j'ai l'éternité. Je suis l'atome humain,
« Mais l'enfer aujourd'hui promet le ciel demain;
« Nous luttons, nous râlons, nous gémissons, qu'importe!
« Pas un cri n'est perdu, pas un tourment n'avorte;
« Le paradis se fait de toutes les douleurs
« Qui deviennent baisers sur le front des meilleurs.
« Le deuil conquiert les cieux comme l'aigle sa proie.
« La racine malheur s'épanouit en joie
« Dans cet Éden sublime où la terre fleurit;
« Mes maux seront un jour mes biens; je suis l'esprit.
« Misère, angoisse, pleurs, tout ce que nous saignâmes
« Se retrouve en rayons dans la main de nos âmes;
« Le tombeau, que la nuit flamboyante bénit,
« Murmure: Ciel! avec ses lèvres de granit;
« Là-haut toute souffrance en bonheur est comptée;
« Dieu, ce soleil qui fait même une ombre à l'athée,
« Serait injuste et faux si c'était autrement.
« Le sépulcre n'est pas une bouche qui ment.
« J'ai la peine d'un jour, mais j'ai l'âme immortelle! »

*
Alors, homme, pourquoi la brute souffre-t-elle?
*
Pourquoi bats-tu ton âne à grands coups de bâton?
Quel est son lendemain? Ton âne est-il Caton?
Pourquoi le héron gris, qui s'enfuit dans les brumes,
Sent-il le noir faucon fouiller du bec ses plumes?
Pourquoi, troussant ta manche et tachant tes habits,
Plonges-tu les couteaux aux gorges des brebis?
Pourquoi bois-tu le sang ayant tondu la. laine?
Pourquoi vas-tu traînant tes buffles dans la plaine
Par cet anneau de fer qui perce leurs naseaux?
Qu'est-ce que l'hydre doit penser au fond des eaux?
Vois ce saumon d'argent: vers ses pauvres ouïes
Les flammes du brasier montent épanouies;

Il était fait pour fuir sous l'eau des bleus ruisseaux.
Vois. Juge. Quoi!. la carpe est coupée en morceaux,
Elle est jetée à l'huile ardente, toute vive!
Quoi!.l'huître vit et souffre aux dents de ton convive!
Et c'est, tout!.Te voilà satisfait dans ta chair
Quand, devant un grand tas de fagots, vif et clair,
Ta broche plie, offrant les lièvres et les cailles.
A la bûche qui rit, monstre aux rouges écailles,
Et livrant l'humble essaim qui jouait, qui volait,
Le hallier, et la sauge avec le. serpolet,
L'alouette et les prés, l'étang et la macreuse,
Aux mâchoires de feu de l'âtre qui se creuse!
Les charbons dans la cendre ouvrent leurs sombres yeux.
En voyant ce brasier riche, éclatant, joyeux,
Le passant, à travers la vitre illuminée,
S'empourpre; et, contemplant ta haute cheminée,
Tu ne te doutes pas que, toi-même, tu ris
A la géhenne horrible, et que, rempli de cris,
D'engrenages hideux et de pinces rougies,
Ce beau foyer de pierre, espoir de tes orgies,
Ce réchaud où la mort frémit à pleine voix,
Où les battements d'ailes et les soupirs des bois
S'en vont, chants des vanneaux et baisers. des sarcelles,
Dans la fumée affreuse en fauves étincelles,
Cet antre, où l'on entend, quand on vient s'y pencher,
Tous les pétillements du rire et du bûcher,
Où l'oiseau fume, où meurt le nid, où flambe l'orme,
Est un des trous béants de la fournaise énorme!
C'est l'autel vil du ventre et du plaisir charnel;
Et le fond communique au mystère éternel!
Cours au désert; la vie est-elle plus joyeuse?
Que d'effrayants combats dans le creux d'une yeuse
Entre la guêpe tigre et l'abeille du miel!
Va-t'en aux lieux profonds, aux rocs voisins du ciel,
Aux caves des souris, aux ravins à panthères;
Regarde ce bloc d'ombre et ce tas de mystères;
Fouille l'air, l'onde, l'herbe; écoute l'affreux bruit
Des broussailles, le cri des Alpes dans la nuit,
Le hurlement sans nom des jongles tropicales;
Quelle vaste douleur.! Les hyènes bancales
Rôdent; sur la perdrix le milan tombe à pic;
La martre infâme mord le flanc du porc-épic;
La chèvre, les deux pieds de devant dans la haie,
Voit la couleuvre et bêle avec terreur; l'orfraie
S'agite dans l'effroi du problème inconnu;
Sur le crâne pelé du mont sinistre et nu
Le trou de l'aigle. est plein de carnage et de -fiente.;
La chouette, en qui vit la nuit terrifiante,
Tout en broyant du bec le rat qu'elle surprit,

Songe; le vautour blanc lui prend sa proie, et rit;
L'éléphant marche avec un fracas d'épouvante;
L'affreux jararrara, comme une onde vivante,
Autour des hauts bambous et des joncs tortueux
Se roule, et les roseaux deviennent monstrueux;
Le museau de la fouine au poulailler se plonge;
Sur la biche aux yeux bleus le léopard s'allonge;
Le bison sur son dos emporte le couquard
Qui lui suce le sang pendant qu'il fuit hagard;
La baudroie erre et semble un monstre chimérique;
Quand le grand-duc cornu dans les bois d'Amérique
Plane, l'essaim fuyant des ramiers prend son vol.
Vois. L'oblique hibou guette le rossignol.
Le loup montre sa gueule et l'homme son visage,
Le désert frémit. Vois, les pigeons de passage
Qui vont;. pillant le houx et le genévrier,
L'ours qui sort de son antre au mois de février,
Le phoque au poil luisant qui semble frotté d'huile,
Tout le fourmillement des brutes, le reptile,
L'autour, le scorpion tapi dans les lieux frais,
Le renard, le puma, ce grand chat des forêts
Qui fait en miaulant le bruit d'un boeuf qui gronde,
Le lynx, l'impur condor à la prunelle ronde,
Brigands que la nuit cache en son vaste recel,
Le jaguar à l'affût près, des sources de sel,
Les files de chameaux des horizons arabes,
L'ibis mangeur de vers; le rat mangeur de crabes;
Les musquas rongeurs pris au fond des lacs vitreux
Par la glace et l'hiver, se dévorant entr'eux,
Et les boas nageurs et les boas énygres,
Et les vipères, soeurs du crâne plat des tigres,
Le mulot, la bigaille, et, sortant du ruisseau,
L'horrible caïman à tête de pourceau,
Méduse, cachalot, orphe, requin, marbrée,
Baleine à la mâchoire infecte et délabrée,
Mouches s'engloutissant au gouffre engoulevent,
L'unau, le fourmilier traître, lent et bavant,
L'once au jurement fauve, aux moustaches roidies,
Bêtes de l'ombre errant comme des Canidies,
Tout souffre; grand, petit, le hardi, le prudent,
Tout rencontre un chasseur, une griffe, une dent!
Une sorte d'horreur implacable enveloppe
L'aigle et le colibri, le tigre et l'antilope.
L'eau noire fait songer le grave pélican.
Partout la gueule s'ouvre à. côté du volcan;
Partout les bois ont peur partout la bête tremble
D'un frisson de colère ou d'épouvante; il semble
A celui qui ne voit l'être que d'un côté
Qu'une haine inouïe emplit l'immensité.

Hommes, les animaux, confuses multitudes;
Saignent dans vos cités et dans leurs solitudes;
La bête pleure, rampe, agonise. Pourquoi?.
Et si -le lion dit: qu'est-ce que j'ai fait, moi?
Que pourras-tu répondre à ce montagnard triste?
Quoi! Timour est, Nemrod sûrvit, Caïphe existe;
Ils souffrent; mais leur âme est là, blanche et-rêvant,
Qui, prête pour les cieux, frémit dans l'ombre au vent,
Et l'ours et le chacal râlent sans espérance!
Et Dieu voit tout le reste avec indifférence,
Tandis que, regardant fuir Tibère envolé,
Le grand lion rugit sous le ciel étoilé! "
Est-ce que cette rosse efflanquée, et qu'on tire
Par la bride au charnier, passe sans te. rien dire?
Pauvre être qui s'en va, ses os trouant sa peau,
Boitant, suivi d'un tas d'enfants, riant troupeau,
Qui viennent lui jeter des pierres et qui chantent!
Est-ce que Montfaucon, ce lieu spectre que hantent
Les noirs Laubardemont, les Maillards, les Vouglans,
Ce sphynx mystérieux des abattoirs sanglants,
Devient soudain pour toi clair comme l'eau de roche,
Parce qu'il démolit sa potence, décroche
L'affreux squelette humain de son fétide étal,
Et se fait, d'étrangleur légal, royal, fatal,
Équarrisseur tuant la brute à tant par tête,
Et, de bourreau de l'homme, assassin de la bête!
Parce qu'il a changé le sang du tablier,
Tout est dit! Retournez l'effrayant sablier,
.Ou chargez-en le sable, et faites qu'il y tienne
De la cendre animale au lieu de cendre humaine,
Plus d'énigme! la bête appartient à la mort;
C'est l'ordre, et tout est bien. Ni doute, ni remord:
Quoi! partout, crocs, bouchers, égorgements, tueries!
Quoi! dans les noirs combats du boeuf des Asturies,
Ivresse populaire et passe-temps royaux,
Le cheval éperdu, marche sur ses boyaux,
Le taureau lui crevant le ventre à coups de cornes!
Quoi! vous jetez des coeurs sanglants aux coins des bornes,
Les pattes des oiseaux et leur pauvre duvet,
Des entrailles, des yeux, et tout cela vivait!
Les chênes qu'adoraient les fauves troglodytes
Sous la hache à grand bruit tombent c'est; vous le dites,
De la nature morte et l'on peut la tuer.
Le chien aux coups de fouet a dû s'habituer;
La bête doit souffrir sous le dieu qui foudroie;
Tout l'arbre qu'on abat et le pavé qu'on broie,
Tout souffre pour souffrir! C'est bien? Iniquité!
De quel droit, moi l'esprit, suis-je dans la clarté?

Pourquoi faut-il que toi, matière, tu pâtisses!
Quoi! l'astre et le caillou seraient des injustices!
Une injustice en haut! une injustice en bas!
Quoi! le porc dans l'ordure et l'âne sous les bâts,
A jamais! La souffrance à l'angoisse s'enlace;
Puis, rien! quoi, l'homme, roi! quoi, l'être, populace!
Adam seul serait graine et sa seule âme fleur!
Sabaoth vannerait dans un van de douleur
Le monde, et l'homme seul passerait par le crible!
S'il en était ainsi, tout deviendrait terrible,
L'univers fourmillant de bêtes s'emplirait
D'un long rugissement ainsi qu'une forêt,
Les pierres hurleraient: injuste! injuste! injuste!
L'arbre en convulsion, la broussaille, l'arbuste,
Se tordraient comme ceux qui sont sur un grabat;
Et la création ne serait qu'un combat
Des monstres révoltés contre Dieu, belluaire.
S'il en était ainsi, ce monde mortuaire,
Chaos infâme en proie au furieux autan,
Ne vaudrait même pas le crachat de Satan!
S'il en était ainsi, créer serait un crime;
Une exécration, sortirait de l'abîme,
Te dis-je, on entendrait les brutes gémissant,
Et le loup sans reproche, et le tigre innocent,
Devant les éléments cités en témoignage,
Devant l'infini triste où l'équité surnage,
Dénonçant Dieu, bourreau masqué du monstre obscur.
Alors, sur la sellette immense de l'azur,
L'horreur souffletterait cet accusé sinistre.
Quoi, le malheur pour oeuvre et le mal pour ministre!
Quoi! ployés à jamais sous un arrêt hideux,
Tant d'êtres si nombreux qu'Adam n'est rien près d'eux!
Quoi, pas de. lendemain! quoi, pas de récompense!
Quoi, l'homme seul dirait: je vivrai, car je pense!
Qu'a-t-il fait pour cela? -l'être, galérien!
Fouettés, brisés, broyés, pétrifiés, puis rien!
Se tordre! et n'être plus, pour dernière aventure!
L'évanouissement au bout de la torture!
Le supplice, et c'est tout! quoi, cet être vaincu,
Quoi! cette créature innocente a vécu,
Souffert, saigné, traîné la terreur, bu la haine,
Et traversé d'un bout à l'autre la géhenne,
Tandis que je rayonne et luis, moi séraphin,
*Et quand, lasse, elle tombe, agonisante enfin,
Et pose sur la nuit sa tête exténuée,
Dieu ne lui doit rien'! vide, effacement, nuée,
Silence; et le néant, oreiller de l'enfer!
Ô loi dont frémirait même un livre de fer,
Qui, par Néron dictée en un éclat de rire,
Ferait pleurer le bronze où l'on voudrait l'écrire!

Quoi! je suis une bête et fais ce que je puis!
L'abîme! et puis l'abîme, et puis l'abîme, et puis
L'abîme! O désespoir! ce serait la sentence!

Mais toi, l'élu risible, l'homme à quelle-distance
Es-tu de l'animal? Le sais-tu? Ta maison
Est celle du castor; l'Égypte avait raison
D'être inquiète au seuil. de la grande syringe;
Es-tu sûr de ne pas jeter l'ombre d'un singe?
Quoi! l'animal n'est rien! vaux-tu mieux par hasard?
Le flatteur sait-il mieux ramper que le-lézard?
L'envieux a-t-il plus d'esprit que la vipère?
Qui, de l'homme ou du porc, est le fils ou le père?
Vaux-tu le geai voleur que tu prends à l'appeau?
Je voudrais bien savoir ce que c'est que ta peau,
Et si les astres, pleins de sombres rêveries,
En la voyant pendue à vos écorcheries,
S'en étonneraient plus, dans le gouffre des cieux,
Que de la peau d'un boeuf aux yeux mystérieux,
Ou du cerf au poil roux jaspé de taches blanches
Dont l'oeil effaré fait des lueurs dans les branches!
Plus d'un secret étrange entre le monstre et toi
Palpite; et parfois-l'homme en sent le vague effroi
Il est des êtres noirs au-dessous de la bête,
Qui, miasme, poison, peste, aquilon, tempête,
Ouvrant en bas la gueule, aveugle des fléaux,
Font à tous les vivants la guerre du chaos.
Quoique sa dent te morde et que ton bras l'assomme,
L'animal est ton frère, et la bête avec l'homme
Contre la nature hydre a souvent combattu;
Elle te communique une obscure vertu,.
Et la peau du lion aidait le grand Hercule.
Ah! tu te crois. plein. jour et ris du crépuscule!
La pensée est ton lot! Dieu n'a rien réussi
Hors toi! Tu te crois rare et parmi tous choisi,
Parce qu'un vent d'en haut parfois souffle en ta brise,
Et que, de temps en temps, criant: Brahma! Moïse!
Isis! ou murmurant: Lamma Sabacthani,
Relayant d'autres soeurs dont le temps est fini,
Une. Religion, dans l'ombre ou la lumière,
Paraît à ton chevet, et, nouvelle infirmière,
Vient charger l'oreiller de ton lit d'hôpital!
Toi providentiel, et le reste. fatal!
Mais, voyons, raisonnons un peu; sois économe
D'extase pour toi-même, et regarde-toi.

L'homme,
Titan du relatif et nain de l'absolu,
Se croit astre, et se. voit de clarté chevelu;

Homme, l'orgueil t'enivre! et c'est un vin de l'ombre.
Redescends! redescends! tout à l'heure, âpre et sombre,
L'aigle en rudoyant l'homme avait raison souvent.
Parce que je t'ai dit, moi: c'est bien! en avant!
Ne t'en va pas cogner les soleils, larve noire!
Épargne à l'infini l'assaut de l'infusoire.
Voyons, qu'es-tu? peux-tu toi-même t'affirmer?
A quoi te résous-tu? douter? haïr? aimer?
Que crois-tu? Que sais-tu? Tu n'as dans ta science
Pas même un parti pris d'ombre ou de confiance.
Tu sais au hasard. Lois que ton oeil calcula,
Faits, chiffres, procédés, classements, tout cela
Contient-il Dieu? réponds. Ta science est l'ânesse
Qui va, portant sa charge au moulin de Gonesse,
Sans savoir, en marchant front bas et l'oeil troublé,
Si c'est un sac de cendre ou bien un sac de blé.
Que dit l'artiste ému, le prêtre en sa chapelle,
Le vacher retournant le fumier sous sa pelle,
Le pâtre à l'oeil vitreux, l'ermite, l'érudit?
Que dit l'anatomiste au trappiste? Que dit
Le plongeur du cadavre au mineur du squelette?
Que dit le médecin au géologue, athlète
Qui lutte avec la terre et tombe exténué?
Et l'algébriste exact, par l'espace hué,
Que dit-il, ce berger des chiffres indociles?
Que dit le devin, roi des stryges et des psylles,
Poussant vers l'inconnu qu'à ton vol tu soumets,
Quelque système aveugle ou boîteux qui jamais
N'arrive au bout d'un fait sans trouble et sans encombre?
Que dit le philosophe, aventurier de l'ombre?
Et le poète ami des cieux où l'aube point?
Que disent, frémissants, pâles, la pioche au poing,
Tous ces noirs fossoyeurs de la fosse Science?
Homme! ils disent tous: nuit, misère, imprévoyance,
Erreur, néant, fumée, imbécillité, deuil.
Et c'est avec cela que tu fais ton orgueil!
Jour coudoie ignorance en ton savoir hybride.
Tu ne sais pas tenir ta fantaisie en bride.
Tu vas, tu vas, tu vas! Où vas-tu?
Vanité!
Tu crois qu'en te créant Dieu t'a mis de côté,
Que ton berceau contient toutes les origines,
Et que tout se condense en toi; tu t'imagines
Qu'à mesure que tout naissait et surgissait,
L'Éternel t'en donnait quelque chose; et que c'est
Sous ton crâne que Dieu pensif traça l'épure
De ce monde qu'emplit son auréole pure.
Tu dis: j'ai la raison, la vertu, la beauté.
Tu dis: Dieu fut très las pour m'avoir inventé,

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