PLUME DE POÉSIES
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 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 70

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MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 70   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 70 Icon_minitimeMar 29 Jan - 10:08

DIALOGUE 70
La Reine Marie De Médicis
Et Le Cardinal De Richelieu.

Le C. De Richelieu.
Ne puis-je pas espérer, madame, de vous
apaiser en me justifiant au moins après ma
mort ?

La Reine.
ôtez-vous de devant moi, ingrat, perfide,
scélérat, qui m' avez brouillée avec mon fils,
et qui m' avez fait finir une vie misérable hors
du royaume. Jamais domestique n' a dû tant
de bienfaits à sa maîtresse, et ne l' a traitée si
indignement.

Le C. De Richelieu.
Je n' aurois jamais perdu votre confiance,
si vous n' aviez pas écouté des brouillons. Bérulle,
la Du Fargis, les Marillac, ont commencé. Ensuite
vous vous êtes livrée au père Chanteloube, à
Saint-Germain de Mourgues, et à Fabroni, qui
étoient des têtes mal faites et dangereuses. Avec de
telles gens, vous n' aviez pas moins de peine à bien
vivre avec monsieur à Bruxelles, qu' avec le roi à
Paris. Vous ne pouviez plus supporter ces beaux
conseillers, et vous n' aviez pas le courage de vous
en défaire.

La Reine.
Je les aurois chassés pour me raccommoder
avec le roi mon fils. Mais il falloit faire des
bassesses, revenir sans autorité, et subir votre
joug tyrannique : j' aimois mieux mourir.

Le C. De Richelieu.
Ce qui étoit le plus bas et le moins digne
de vous, c' étoit de vous unir à la maison d' Autriche,
dans des négociations publiques, contre l' intérêt de
la France. Il auroit mieux valu vous soumettre au
roi votre fils : mais Fabroni vous en détournoit
toujours par des prédictions.

La Reine.
Il est vrai qu' il m' assuroit toujours que la
vie du roi ne seroit pas longue.

Le C. De Richelieu.
C' étoit une prédiction bien facile à faire : la
santé du roi étoit très mauvaise, et il la
gouvernoit très mal. Mais votre astrologue auroit
dû vous prédire que vous vivriez encore moins
que le roi. Les astrologues ne disent jamais
tout, et leurs prédictions ne font jamais prendre des
mesures justes.

La Reine.
Vous vous moquez de Fabroni, comme un
homme qui n' auroit jamais été crédule sur
l' astrologie judiciaire. N' aviez-vous pas de
votre côté le P. Campanelle qui vous flattoit
par ses horoscopes ?

Le C. De Richelieu.
Au moins le P. Campanelle disoit la vérité :
car il me promettoit que monsieur ne règneroit
jamais, et que le roi auroit un fils qui lui
succèderoit. Le fait est arrivé, et Fabroni vous
a trompée.

La Reine.
Vous justifiez par ce discours l' astrologie
judiciaire et ceux qui y ajoutent foi : car vous
reconnoissez la vérité des prédictions du P.
Campanelle. Si un homme instruit comme
vous, et qui se piquoit d' être un si fort génie,
a été si crédule sur les horoscopes, faut-il
s' étonner qu' une femme l' ait été aussi ? Ce
qu' il y a de vrai et de plaisant, c' est que,
dans l' affaire la plus sérieuse et la plus
importante de toute l' Europe, nous nous déterminions
de part et d' autre, non sur les vraies raisons de
l' affaire, mais sur les promesses de nos
astrologues. Je ne voulois point revenir,
parcequ' on me faisoit toujours attendre la
mort du roi ; et vous, de votre côté, vous ne
craigniez point de tomber dans mes mains ou
dans celles de monsieur à la mort du roi,
parceque vous comptiez sur l' horoscope qui
vous répondoit de la naissance d' un dauphin.
Quand on veut faire le grand homme, on
affecte de mépriser l' astrologie : mais quoiqu' on
fasse en public l' esprit fort, on est curieux et
crédule en secret.

Le C. De Richelieu.
C' est une foiblesse indigne d' une bonne
tête. L' astrologie est la cause de tous vos
malheurs, et a empêché votre réconciliation avec
le roi. Elle a fait autant de mal à la France
qu' à vous ; c' est une peste dans toutes les cours.
Les biens qu' elle promet ne servent qu' à enivrer les
hommes, et qu' à les endormir par de vaines
espérances : les maux dont elle menace ne peuvent
point être évités par la prédiction, et rendent par
avance une personne malheureuse.
Il vaut donc mieux ignorer l' avenir, quand même on
pourroit en découvrir quelque chose par l' astrologie.

La Reine.
J' étois née italienne et au milieu des horoscopes.
J' avois vu en France des prédictions véritables de la
mort du roi mon mari.

Le C. De Richelieu.
Il est aisé d' en faire. Les restes d' un dangereux
parti songeoient à le faire périr. Plusieurs
parricides avoient déja manqué leur coup. Le danger de
la vie du roi étoit manifeste. Peut-être que les gens
qui abusoient de votre confiance n' en savoient que
trop de nouvelles. D' ailleurs, les prédictions
viennent après coup, et on n' en examine guère la
date. Chacun est ravi de favoriser ce qui est
extraordinaire.

La Reine.
J' aperçois, en passant, que votre ingratitude
s' étend jusque sur le pauvre maréchal D' Ancre, qui
vous avoit élevé à la cour. Mais venons au fait. Vous
croyez donc que l' astrologie n' a point de
fondement ? Le P. Campanelle n' a-t-il pas dit la
vérité ? Ne l' a-t-il pas dite contre la
vraisemblance ? Quelle apparence que le roi eût un
fils après vingt-un ans de mariage sans en avoir ?
Répondez.

Le C. De Richelieu.
Je réponds que le roi et la reine étoient
encore jeunes, et que les médecins, plus dignes
d' être crus que les astrologues, comptoient qu' ils
pourroient avoir des enfants. De plus, examinez les
circonstances. Fabroni, pour vous flatter, assuroit
que le roi mourroit bientôt sans enfants. Il avoit
d' abord bien pris ses avantages : il prédisoit ce qui
étoit le plus vraisemblable. Que restoit-il à faire
pour le P. Campanelle ? Il falloit qu' il me donnât
de son côté de grandes espérances ; sans cela il
n' y a pas de l' eau à boire dans ce métier. C' étoit à
lui à dire le contraire de Fabroni, et à soutenir la
gageure. Pour moi, je voulois être sa dupe ; et, dans
l' incertitude de l' évènement, l' opinion populaire qui
faisoit espérer un dauphin contre la cabale de
monsieur n' étoit pas inutile pour soutenir mon
autorité. Enfin il n' est pas étonnant que, parmi tant
de prédictions frivoles dont on ne remarque point
la fausseté, il s' en trouve une dans tout un
siècle qui réussisse par un jeu du hasard. Mais
remarquez le bonheur de l' astrologie : il falloit
que Fabroni ou Campanelle fût confondu ; du
moins il auroit fallu donner d' étranges
contorsions à leurs horoscopes pour les
concilier, quoique le public soit si indulgent pour
se payer des plus grossières équivoques sur
l' accomplissement des prédictions. Mais enfin
en quelque péril que fût la réputation des
deux astrologues, la gloire de l' astrologie étoit
en pleine sûreté : il falloit que l' un des deux
eût raison ; c' étoit une nécessité que le roi eût
des enfants ou qu' il n' en eût pas. Lequel des
deux qui pût arriver, l' astrologie triomphoit.
Vous voyez par là qu' elle triomphe à bon marché. On ne
manque pas de dire maintenant que les principes sont
certains, mais que Campanelle avoit mieux pris le
moment de la nativité du roi que Fabroni.

La Reine.
Mais j' ai toujours ouï dire qu' il y a des
règles infaillibles pour connoître l' avenir par
les astres.

Le C. De Richelieu.
Vous l' avez ouï dire comme une infinité
d' autres choses que la vanité de l' esprit humain
a autorisées. Mais il est certain que cet
art n' a rien que de faux et de ridicule.

La Reine.
Quoi ! Vous doutez que le cours des astres
et leurs influences ne fassent les biens et les
maux des hommes ?

Le C. De Richelieu.
Non, je ne doute point : car je suis convaincu
que l' influence des astres n' est qu' une
chimère. Le soleil influe sur nous par la chaleur de
ses rayons ; mais tous les autres astres, par leur
distance, ne sont à notre égard que comme une
étincelle de feu. Une bougie, bien allumée, a bien
plus de vertu, d' un bout de la chambre à l' autre, pour
agir sur nos corps, que Jupiter et Saturne n' en
ont pour agir sur le globe de la terre. Les étoiles
fixes, qui sont infiniment plus éloignées que les
planètes, sont encore bien plus hors de portée de
nous faire du bien ou du mal. D' ailleurs les
principaux évènements de la vie roulent sur nos
volontés libres ; les astres ne pourroient agir par
leurs influences que sur nos corps, et indirectement
sur nos ames, qui seroient toujours libres de
résister à leurs impressions, et de rendre les
prédictions fausses.

La Reine.
Je ne suis pas assez savante, et je ne sais si
vous l' êtes assez vous-même pour décider cette
question de philosophie : car on a toujours dit
que vous étiez plus politique que savant. Mais
je voudrois que vous eussiez entendu parler
Fabroni sur les rapports qu' il y a entre les
noms des astres et leurs propriétés.

Le C. De Richelieu.
C' est précisément le foible de l' astrologie.
Les noms des astres et des constellations leur
ont été donnés sur les métamorphoses et sur
les fables les plus puériles des poëtes. Pour les
constellations, elles ne ressemblent par leur
figure à aucune des choses dont on leur a imposé
le nom. Par exemple, la balance ne ressemble pas plus
à une balance qu' à un moulin à vent. Le belier, le
scorpion, le sagittaire, les deux ourses, n' ont
aucun rapport raisonnable à ces noms. Les astrologues
ont raisonné vainement sur les noms imposés au hasard
par rapport aux fables des poëtes. Jugez s' il
n' est pas ridicule de prétendre sérieusement
fonder toute une science de l' avenir sur des
noms expliqués au hasard, sans aucun rapport
naturel à ces fables, dont on ne peut qu' endormir les
enfants. Voilà le fond de l' astrologie.

La Reine.
Il faut ou que vous soyez devenu bien plus
sage que vous ne l' étiez, ou que vous soyez
encore un grand fourbe de parler ainsi contre
vos sentiments : car personne n' a jamais été
plus passionné que vous pour les prédictions.
Vous en cherchiez par-tout, pour flatter votre
ambition sans bornes. Peut-être que vous avez
changé d' avis depuis que vous n' avez plus rien
à espérer du côté de ces astres. Mais enfin vous
avez un grand désavantage pour me persuader, qui
est d' avoir en cela, comme en tout le reste,
toujours démenti vos paroles par votre conduite.

Le C. De Richelieu.
Je vois bien, madame, que vous avez oublié mes
services d' Angoulême et de Tours, pour ne vous
souvenir que de la journée des dupes et du voyage de
Compiègne. Pour moi, je ne veux point oublier le
respect que je vous dois, et je me retire. Aussi bien
ai-je aperçu l' ombre pâle et bilieuse de M.
D' épernon, qui s' approche avec toute sa fierté
gasconne. Je serois mal entre vous deux, et je vais
chercher son fils le cardinal, qui est mon bon ami.



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