PLUME DE POÉSIES
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 Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XV. Deux têtes d’ange

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MessageSujet: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XV. Deux têtes d’ange   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XV. Deux têtes d’ange Icon_minitimeDim 7 Avr - 15:54

XV. Deux têtes d’ange

Il s’agissait d’une longue route; mais d’Artagnan ne s’en
inquiétait point: il savait que ses chevaux s’étaient rafraîchis
aux plantureux râteliers du seigneur de Bracieux. Il se lança donc
avec confiance dans les quatre ou cinq journées de marche qu’il
avait à faire suivi du fidèle Planchet.

Comme nous l’avons déjà dit, ces deux hommes, pour combattre les
ennuis de la route, cheminaient côte à côte et causaient toujours
ensemble. D’Artagnan avait peu à peu dépouillé le maître, et
Planchet avait quitté tout à fait la peau du laquais. C’était un
profond matois, qui, depuis sa bourgeoisie improvisée, avait
regretté souvent les franches lippées du grand chemin ainsi que la
conversation et la compagnie brillante des gentilshommes, et qui,
se sentant une certaine valeur personnelle, souffrait de se voir
démonétiser par le contact perpétuel des gens à idées plates.

Il s’éleva donc bientôt avec celui qu’il appelait encore son
maître au rang de confident. D’Artagnan depuis de longues années
n’avait pas ouvert son coeur. Il arriva que ces deux hommes en se
retrouvant s’agencèrent admirablement.

D’ailleurs, Planchet n’était pas un compagnon d’aventures tout à
fait vulgaire; il était homme de bon conseil; sans chercher le
danger il ne reculait pas aux coups, comme d’Artagnan avait eu
plusieurs fois occasion de s’en apercevoir; enfin, il avait été
soldat, et les armes anoblissaient; et puis, plus que tout cela,
si Planchet avait besoin de lui, Planchet ne lui était pas non
plus inutile. Ce fut donc presque sur le pied de deux bons amis
que d’Artagnan et Planchet arrivèrent dans le Blaisois.

Chemin faisant, d’Artagnan disait en secouant la tête et en
revenant à cette idée qui l’obsédait sans cesse:

- Je sais bien que ma démarche près d’Athos est inutile et
absurde, mais je dois ce procédé à mon ancien ami, homme qui avait
l’étoffe en lui du plus noble et du plus généreux de tous les
hommes.

- Oh! M. Athos était un fier gentilhomme! dit Planchet.

- N’est-ce pas? reprit d’Artagnan.

- Semant l’argent comme le ciel fait de la grêle, continua
Planchet, mettant l’épée à la main avec un air royal. Vous
souvient-il, monsieur, du duel avec les Anglais dans l’enclos des
Carmes? Ah! que M. Athos était beau et magnifique ce jour-là,
lorsqu’il dit à son adversaire: «Vous avez exigé que je vous dise
mon nom, monsieur; tant pis pour vous, car je vais être forcé de
vous tuer!» J’étais près de lui et je l’ai entendu. Ce sont mot à
mot ses propres paroles. Et ce coup d’oeil, monsieur, lorsqu’il
toucha son adversaire comme il avait dit, et que son adversaire
tomba, sans seulement dire ouf. Ah! monsieur, je le répète,
c’était un fier gentilhomme.

- Oui, dit d’Artagnan, tout cela est vrai comme l’Évangile, mais
il aura perdu toutes ces qualités avec un seul défaut.

- Je m’en souviens, dit Planchet, il aimait à boire, ou plutôt il
buvait. Mais il ne buvait pas comme les autres. Ses yeux ne
disaient rien quand il portait le verre à ses lèvres. En vérité,
jamais silence n’a été si parlant. Quant à moi, il me semblait que
je l’entendais murmurer: «Entre, liqueur! et chasse mes chagrins.»
Et comme il vous brisait le pied d’un verre ou le cou d’une
bouteille! il n’y avait que lui pour cela.

- Eh bien! aujourd’hui, continua d’Artagnan, voici le triste
spectacle qui nous attend. Ce noble gentilhomme à l’oeil fier, ce
beau cavalier si brillant sous les armes, que l’on s’étonnait
toujours qu’il tînt une simple épée à la main au lieu d’un bâton
de commandement, eh bien! il se sera transformé en un vieillard
courbé, au nez rouge, aux yeux pleurants. Nous allons le trouver
couché sur quelque gazon, d’où il nous regardera d’un oeil terne,
et qui peut-être ne nous reconnaîtra pas. Dieu m’est témoin,
Planchet, continua d’Artagnan, que je fuirais ce triste spectacle
si je ne tenais à prouver mon respect à cette ombre illustre du
glorieux comte de La Fère, que nous avons tant aimé.

Planchet hocha la tête et ne dit mot: on voyait facilement qu’il
partageait les craintes de son maître.

- Et puis, reprit d’Artagnan, cette décrépitude, car Athos est
vieux maintenant; la misère, peut-être, car il aura négligé le peu
de bien qu’il avait; et le sale Grimaud, plus muet que jamais et
plus ivrogne que son maître... tiens, Planchet, tout cela me fend
le coeur.

- Il me semble que j’y suis, et que je le vois là bégayant et
chancelant, dit Planchet d’un ton piteux.

- Ma seule crainte, je l’avoue, reprit d’Artagnan, c’est qu’Athos
n’accepte mes propositions dans un moment d’ivresse guerrière. Ce
serait pour Porthos et moi un grand malheur et surtout un
véritable embarras; mais, pendant sa première orgie, nous le
quitterons, voilà tout. En revenant à lui, il comprendra.

- En tout cas, monsieur, dit Planchet, nous ne tarderons pas à
être éclairés, car je crois que ces murs si hauts, qui rougissent
au soleil couchant, sont les murs de Blois.

- C’est probable, répondit d’Artagnan, et ces clochetons aigus et
sculptés que nous entrevoyons là-bas à gauche dans les bois
ressemblent à ce que j’ai entendu dire de Chambord.

- Entrerons-nous en ville? demanda Planchet.

- Sans doute, pour nous renseigner.

- Monsieur, je vous conseille, si nous y entrons, de goûter à
certains petits pots de crème dont j’ai fort entendu parler, mais
qu’on ne peut malheureusement faire venir à Paris et qu’il faut
manger sur place.

- Eh bien, nous en mangerons! sois tranquille, dit d’Artagnan.

En ce moment un de ces lourds chariots, attelés de boeufs, qui
portent le bois coupé dans les belles forêts du pays jusqu’aux
ports de la Loire, déboucha par un sentier plein d’ornières sur la
route que suivaient les deux cavaliers. Un homme l’accompagnait,
portant une longue gaule armée d’un clou avec laquelle il
aiguillonnait son lent attelage.

- Hé! l’ami, cria Planchet au bouvier.

- Qu’y a-t-il pour votre service, messieurs? dit le paysan avec
cette pureté de langage particulière aux gens de ce pays et qui
ferait honte aux citadins puristes de la place de la Sorbonne et
de la rue de l’Université.

- Nous cherchons la maison de M. le comte de La Fère, dit
d’Artagnan; connaissez-vous ce nom-là parmi ceux des seigneurs des
environs?

Le paysan ôta son chapeau en entendant ce nom et répondit:

- Messieurs, ce bois que je charrie est à lui; je l’ai coupé dans
sa futaie et je le conduis au château.

D’Artagnan ne voulut pas questionner cet homme, il lui répugnait
d’entendre dire par un autre peut-être ce qu’il avait dit lui-même
à Planchet.

- Le _château_! se dit-il à lui-même, le _château_! Ah! je
comprends! Athos n’est pas endurant; il aura forcé, comme Porthos,
ses paysans à l’appeler monseigneur et à nommer château sa
bicoque: il avait la main lourde, ce cher Athos, surtout quand il
avait bu.

Les boeufs avançaient lentement. D’Artagnan et Planchet marchaient
derrière la voiture. Cette allure les impatienta.

- Le chemin est donc celui-ci, demanda d’Artagnan au bouvier, et;
nous pouvons le suivre sans crainte de nous égarer?

- Oh! mon Dieu! oui, monsieur, dit l’homme, et vous pouvez le
prendre au lieu de vous ennuyer à escorter des bêtes si lentes.
Vous n’avez qu’une demi-lieue à faire et vous apercevrez un
château sur la droite; on ne le voit pas encore d’ici, à cause
d’un rideau de peupliers qui le cache. Ce château n’est point
Bragelonne, c’est La Vallière: vous passerez outre; mais à trois
portées de mousquet plus loin, une grande maison blanche, à toits
en ardoises, bâtie sur un tertre ombragé de sycomores énormes,
c’est le château de M. le comte de La Fère.

- Et cette demi-lieue est-elle longue? demanda d’Artagnan, car il
y a lieue et lieue dans notre beau pays de France.

- Dix minutes de chemin, monsieur, pour les jambes fines de votre
cheval.

D’Artagnan remercia le bouvier et piqua aussitôt; puis, troublé
malgré lui à l’idée de revoir cet homme singulier qui l’avait tant
aimé, qui avait tant contribué par ses conseils et par son exemple
à son éducation de gentilhomme, il ralentit peu à peu le pas de
son cheval et continua d’avancer la tête basse comme un rêveur.

Planchet aussi avait trouvé dans la rencontre et l’attitude de ce
paysan matière à de graves réflexions. Jamais, ni en Normandie, ni
en Franche-Comté, ni en Artois, ni en Picardie, pays qu’il avait
particulièrement habités, il n’avait rencontré chez les villageois
cette allure facile, cet air poli, ce langage épuré. Il était
tenté de croire qu’il avait rencontré quelque gentilhomme,
frondeur comme lui, qui, pour cause politique, avait été forcé
comme lui de se déguiser.

Bientôt, au détour du chemin, le château de La Vallière, comme
l’avait dit le bouvier, apparut aux yeux des voyageurs; puis à un
quart de lieue plus loin environ, la maison blanche encadrée dans
ses sycomores, se dessina sur le fond d’un massif d’arbres épais
que le printemps poudrait d’une neige de fleurs.

À cette vue d’Artagnan, qui d’ordinaire s’émotionnait peu, sentit
un trouble étrange pénétrer jusqu’au fond de son coeur, tant sont
puissants pendant tout le cours de la vie ces souvenirs de
jeunesse. Planchet, qui n’avait pas les mêmes motifs d’impression,
interdit de voir son maître si agité, regardait alternativement
d’Artagnan et la maison.

Le mousquetaire fit encore quelques pas en avant et se trouva en
face d’une grille travaillée avec le goût qui distingue les fontes
de cette époque.

On voyait par cette grille des potagers tenus avec soin, une cour
assez spacieuse dans laquelle piétinaient plusieurs chevaux de
main tenus par des valets en livrées différentes, et un carrosse
attelé de deux chevaux du pays.

- Nous nous trompons, ou cet homme nous a trompés, dit
d’Artagnan, ce ne peut être là que demeure Athos. Mon Dieu!
serait-il mort, et cette propriété appartiendrait-elle à quelqu’un
de son nom? Mets pied à terre, Planchet, et va t’informer; j’avoue
que pour moi je n’en ai pas le courage.

Planchet mit pied à terre.

- Tu ajouteras, dit d’Artagnan, qu’un gentilhomme qui passe
désire avoir l’honneur de saluer M. le comte de La Fère, et si tu
es content des renseignements, eh bien! alors nomme-moi.

Planchet, traînant son cheval par la bride, s’approcha de la
porte, fit retentir la cloche de la grille, et aussitôt un homme
de service, aux cheveux blanchis, à la taille droite malgré son
âge, vint se présenter et reçut Planchet.

- C’est ici que demeure M. le comte de La Fère? demanda Planchet.

- Oui, monsieur, c’est ici, répondit le serviteur à Planchet, qui
ne portait pas de livrée.

- Un seigneur retiré du service, n’est-ce pas?

- C’est cela même.

- Et qui avait un laquais nommé Grimaud, reprit Planchet, qui,
avec sa prudence habituelle, ne croyait pas pouvoir s’entourer de
trop de renseignements.

- M. Grimaud est absent du château pour le moment, dit le
serviteur commençant à regarder Planchet des pieds à la tête, peu
accoutumé qu’il était à de pareilles interrogations.

- Alors, s’écria Planchet radieux, je vois bien que c’est le même
comte de La Fère que nous cherchons. Veuillez m’ouvrir alors, car
je désirais annoncer à M. le comte que mon maître, un gentilhomme
de ses amis, est là qui voudrait le saluer.

- Que ne disiez-vous cela plus tôt! dit le serviteur en ouvrant
la grille. Mais votre maître, où est-il?

- Derrière moi, il me suit.

Le serviteur ouvrit la grille et précéda Planchet, lequel fit
signe à d’Artagnan, qui, le coeur plus palpitant que jamais, entra
à cheval dans la cour.

Lorsque Planchet fut sur le perron, il entendit une voix sortant
d’une salle basse et qui disait:

- Eh bien! où est-il, ce gentilhomme, et pourquoi ne pas le
conduire ici?

Cette voix, qui parvint jusqu’à d’Artagnan, réveilla dans son
coeur mille sentiments, mille souvenirs qu’il avait oubliés. Il
sauta précipitamment à bas de son cheval, tandis que Planchet, le
sourire sur les lèvres, s’avançait vers le maître du logis.

- Mais je connais ce garçon-là, dit Athos en apparaissant sur le
seuil.

- Oh! oui, monsieur le comte, vous me connaissez, et moi aussi je
vous connais bien. Je suis Planchet, monsieur le comte, Planchet,
vous savez bien...

Mais l’honnête serviteur ne put en dire davantage, tant l’aspect
inattendu du gentilhomme l’avait saisi.

- Quoi! Planchet! s’écria Athos. M. d’Artagnan serait-il donc
ici?

- Me voici, ami! me voici, cher Athos, dit d’Artagnan en
balbutiant et presque chancelant.

À ces mots une émotion visible se peignit à son tour sur le beau
visage et les traits calmes d’Athos. Il fit deux pas rapides vers
d’Artagnan sans le perdre du regard et le serra tendrement dans
ses bras. D’Artagnan, remis de son trouble, l’étreignit à son tour
avec une cordialité qui brillait en larmes dans ses yeux...

Athos le prit alors par la main, qu’il serrait dans les siennes,
et le mena au salon, où plusieurs personnes étaient réunies. Tout
le monde se leva.

- Je vous présente, dit Athos, monsieur le chevalier d’Artagnan,
lieutenant aux mousquetaires de Sa Majesté, un ami bien dévoué, et
l’un des plus braves et des plus aimables gentilshommes que j’aie
jamais connus.

D’Artagnan, selon l’usage, reçut les compliments des assistants,
les rendit de son mieux, prit place au cercle, et, tandis que la
conversation interrompue un moment redevenait générale, il se mit
à examiner Athos.

Chose étrange! Athos avait vieilli à peine. Ses beaux yeux,
dégagés de ce cercle de bistre que dessinent les veilles et
l’orgie, semblaient plus grands et d’un fluide plus pur que
jamais; son visage, un peu allongé, avait gagné en majesté ce
qu’il avait perdu d’agitation fébrile; sa main, toujours
admirablement belle et nerveuse, malgré la souplesse des chairs,
resplendissait sous une manchette de dentelles, comme certaines
mains de Titien et de Van Dick; il était plus svelte qu’autrefois;
ses épaules, bien effacées et larges, annonçaient une vigueur peu
commune; ses longs cheveux noirs, parsemés à peine de quelques
cheveux gris, tombaient élégants sur ses épaules, et ondulés comme
par un pli naturel; sa voix était toujours fraîche comme s’il
n’eût eu que vingt-cinq ans, et ses dents magnifiques, qu’il avait
conservées blanches et intactes, donnaient un charme inexprimable
à son sourire.

Cependant les hôtes du comte, qui s’aperçurent, à la froideur
imperceptible de l’entretien, que les deux amis brûlaient du désir
de se trouver seuls, commencèrent à préparer, avec tout cet art et
cette politesse d’autrefois, leur départ, cette grave affaire des
gens du grand monde, quand il y avait des gens du grand monde;
mais alors un grand bruit de chiens aboyants retentit dans la
cour, et plusieurs personnes dirent en même temps:

- Ah! c’est Raoul qui revient.

Athos, à ce nom de Raoul, regarda d’Artagnan, et sembla épier la
curiosité que ce nom devait faire naître sur son visage. Mais
d’Artagnan ne comprenait encore rien, il était mal revenu de son
éblouissement. Ce fut donc presque machinalement qu’il se
retourna, lorsqu’un beau jeune homme de quinze ans, vêtu
simplement, mais avec un goût parfait, entra dans le salon en
levant gracieusement son feutre orné de longues plumes rouges.

Cependant ce nouveau personnage, tout à fait inattendu, le frappa.
Tout un monde d’idées nouvelles se présenta à son esprit, lui
expliquant par toutes les sources de son intelligence le
changement d’Athos, qui jusque-là lui avait paru inexplicable. Une
ressemblance singulière entre le gentilhomme et l’enfant lui
expliquait le mystère de cette vie régénérée. Il attendit,
regardant et écoutant.

- Vous voici de retour, Raoul? dit le comte.

- Oui, monsieur, répondit le jeune homme avec respect, et je me
suis acquitté de la commission que vous m’aviez donnée.

- Mais qu’avez-vous, Raoul? dit Athos avec sollicitude, vous êtes
pâle et vous paraissez agité.

- C’est qu’il vient, monsieur, répondit le jeune homme, d’arriver
un malheur à notre petite voisine.

- À mademoiselle de La Vallière? dit vivement Athos.

- Quoi donc? demandèrent quelques voix.

- Elle se promenait avec sa bonne Marceline dans l’enclos où les
bûcherons équarrissent leurs arbres, lorsqu’en passant à cheval je
l’ai aperçue et me suis arrêté. Elle m’a aperçu à son tour, et, en
voulant sauter du haut d’une pile de bois où elle était montée, le
pied de la pauvre enfant est tombé à faux et elle n’a pu se
relever. Elle s’est, je crois, foulé la cheville.

- Oh! mon Dieu! dit Athos; et madame de Saint-Remy, sa mère, est-
elle prévenue?

- Non, monsieur, madame de Saint-Remy est à Blois, près de madame
la duchesse d’Orléans. J’ai eu peur que les premiers secours
fussent inhabilement appliqués, et j’accourais, monsieur, vous
demander des conseils.

- Envoyez vite à Blois, Raoul! ou plutôt prenez votre cheval et
courez-y vous-même.

Raoul s’inclina.

- Mais où est Louise? continua le comte.

- Je l’ai apportée jusqu’ici, monsieur, et l’ai déposée chez la
femme de Charlot, qui, en attendant, lui a fait mettre le pied
dans de l’eau glacée.

Après cette explication, qui avait fourni un prétexte pour se
lever, les hôtes d’Athos prirent congé de lui; le vieux duc de
Barbé seul, qui agissait familièrement en vertu d’une amitié de
vingt ans avec la maison de La Vallière, alla voir la petite
Louise, qui pleurait et qui, en apercevant Raoul, essuya ses beaux
yeux et sourit aussitôt.

Alors il proposa d’emmener la petite Louise à Blois dans son
carrosse.

- Vous avez raison, monsieur, dit Athos, elle sera plus tôt près
de sa mère; quant à vous, Raoul, je suis sûr que vous avez agi
étourdiment et qu’il y a de votre faute.

- Oh! non, non, monsieur, je vous le jure! s’écria la jeune
fille; tandis que le jeune homme pâlissait à l’idée qu’il était
peut-être la cause de cet accident...

- Oh! monsieur, je vous assure... murmura Raoul.

- Vous n’en irez pas moins à Blois, continua le comte avec bonté,
et vous ferez vos excuses et les miennes à madame de Saint-Remy,
puis vous reviendrez.

Les couleurs reparurent sur les joues du jeune homme; il reprit,
après avoir consulté des yeux le comte, dans ses bras déjà
vigoureux la petite fille, dont la jolie tête endolorie et
souriante à la fois posait sur son épaule, et il l’installa
doucement dans le carrosse; puis, sautant sur son cheval avec
l’élégance et l’agilité d’un écuyer consommé, après avoir salué
Athos et d’Artagnan, il s’éloigna rapidement, accompagnant la
portière du carrosse, vers l’intérieur duquel ses yeux restèrent
constamment fixés.
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Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XV. Deux têtes d’ange
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