PLUME DE POÉSIES
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 Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos

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MessageSujet: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos Icon_minitimeDim 7 Avr - 16:16

XXVI. D’Artagnan arrive à propos

D’Artagnan toucha à Blois la somme que Mazarin, dans son désir de
le revoir près de lui, s’était décidé à lui donner pour ses
services futurs.

De Blois à Paris il y avait quatre journées pour un cavalier
ordinaire. D’Artagnan arriva vers les quatre heures de l’après-
midi du troisième jour à la barrière Saint-Denis. Autrefois il
n’en eût mis que deux. Nous avons vu qu’Athos, parti trois heures
après lui, était arrivé vingt-quatre heures auparavant.

Planchet avait perdu l’usage de ces promenades forcées; d’Artagnan
lui reprocha sa mollesse.

- Eh! monsieur, quarante lieues en trois jours! je trouve cela
fort joli pour un marchand de pralines.

- Es-tu réellement devenu marchand, Planchet, et comptes-tu
sérieusement, maintenant que nous nous sommes retrouvés, végéter
dans ta boutique?

- Heu! reprit Planchet, vous seul en vérité êtes fait pour
l’existence active. Voyez M. Athos, qui dirait que c’est cet
intrépide chercheur d’aventures que nous avons connu? Il vit
maintenant en véritable gentilhomme fermier, en vrai seigneur
campagnard. Tenez, monsieur, il n’y a en vérité de désirable
qu’une existence tranquille.

- Hypocrite! dit d’Artagnan, que l’on voit bien que tu te
rapproches de Paris, et qu’il y a à Paris une corde et une potence
qui t’attendent!

En effet, comme ils en étaient là de leur conversation, les deux
voyageurs arrivèrent à la barrière. Planchet baissait son feutre
en songeant qu’il allait passer dans des rues où il était fort
connu, et d’Artagnan relevait sa moustache en se rappelant Porthos
qui devait l’attendre rue Tiquetonne. Il pensait aux moyens de lui
faire oublier sa seigneurie de Bracieux et les cuisines homériques
de Pierrefonds.

En tournant le coin de la rue Montmartre, il aperçut, à l’une des
fenêtres de l’hôtel de la Chevrette, Porthos vêtu d’un splendide
justaucorps bleu de ciel tout brodé d’argent, et bâillant à se
démonter la mâchoire, de sorte que les passants contemplaient avec
une certaine admiration respectueuse ce gentilhomme si beau et si
riche, qui semblait si fort ennuyé de sa richesse et de sa
grandeur.

À peine d’ailleurs, de leur côté, d’Artagnan et Planchet avaient-
ils tourné l’angle de la rue, que Porthos les avait reconnus.

- Eh! d’Artagnan, s’écria-t-il, Dieu soit loué! c’est vous!

- Eh! bonjour, cher ami! répondit d’Artagnan.

Une petite foule de badauds se forma bientôt autour des chevaux
que les valets de l’hôtel tenaient déjà par la bride, et des
cavaliers qui causaient ainsi le nez en l’air; mais un froncement
de sourcils de d’Artagnan et deux ou trois gestes mal intentionnés
de Planchet et bien compris des assistants, dissipèrent la foule,
qui commençait à devenir d’autant plus compacte qu’elle ignorait
pourquoi elle était rassemblée.

Porthos était déjà descendu sur le seuil de l’hôtel.

- Ah! mon cher ami, dit-il, que mes chevaux sont mal ici.

- En vérité! dit d’Artagnan, j’en suis au désespoir pour ces
nobles animaux.

- Et moi aussi, j’étais assez mal, dit Porthos, et n’était
l’hôtesse continua-t-il en se balançant sur ses jambes avec son
gros air content de lui-même, qui est assez avenante et qui entend
la plaisanterie, j’aurais été chercher gîte ailleurs.

La belle Madeleine, qui s’était approchée pendant ce colloque, fit
un pas en arrière et devint pâle comme la mort en entendant les
paroles de Porthos, car elle crut que la scène du Suisse allait se
renouveler; mais à sa grande stupéfaction d’Artagnan ne sourcilla
point, et, au lieu de se fâcher, il dit en riant à Porthos:

- Oui, je comprends, cher ami, l’air de la rue Tiquetonne ne vaut
pas celui de la vallée de Pierrefonds; mais, soyez tranquille, je
vais vous en faire prendre un meilleur.

- Quand cela?

- Ma foi, bientôt, je l’espère.

- Ah! tant mieux!

À cette exclamation de Porthos succéda un gémissement bas et
profond qui partait de l’angle d’une porte. D’Artagnan, qui venait
de mettre pied à terre, vit alors se dessiner en relief sur le mur
l’énorme ventre de Mousqueton, dont la bouche attristée laissait
échapper de sourdes plaintes.

- Et vous aussi, mon pauvre monsieur Mouston, êtes déplacé dans
ce chétif hôtel, n’est-ce pas? demanda d’Artagnan de ce ton
railleur qui pouvait être aussi bien de la compassion que de la
moquerie.

- Il trouve la cuisine détestable, répondit Porthos.

- Eh bien, mais, dit d’Artagnan, que ne la faisait-il lui-même
comme à Chantilly?

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MessageSujet: Re: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos Icon_minitimeDim 7 Avr - 16:16

- Ah! monsieur, je n’avais plus ici, comme là-bas, les étangs de
M. le Prince, pour y pêcher ces belles carpes, et les forêts de
Son Altesse pour y prendre au collet ces fines perdrix. Quant à la
cave, je l’ai visitée en détail, et en vérité c’est bien peu de
chose.

- Monsieur Mouston, dit d’Artagnan, en vérité je vous plaindrais,
si je n’avais pour le moment quelque chose de bien autrement
pressé à faire.

Alors, prenant Porthos à part:

- Mon cher du Vallon, continua-t-il, vous voilà tout habillé, et
c’est heureux, car je vous mène de ce pas chez le cardinal.

- Bah! vraiment? dit Porthos en ouvrant de grands yeux ébahis.

- Oui, mon ami.

- Une présentation?

- Cela vous effraie?

- Non, mais cela m’émeut.

- Oh! soyez tranquille; vous n’avez plus affaire à l’autre
cardinal, et celui-ci ne vous terrassera pas sous sa majesté.

- C’est égal, vous comprenez, d’Artagnan, la cour!

- Eh! mon ami, il n’y a plus de cour.

- La reine!

- J’allais dire: il n’y a plus de reine. La reine? rassurez-vous,
nous ne la verrons pas.

- Et vous dites que nous allons de ce pas au Palais-Royal?

- De ce pas. Seulement, pour ne point faire de retard, je vous
emprunterai un de vos chevaux.

- À votre aise: ils sont tous les quatre à votre service.

- Oh! je n’en ai besoin que d’un pour le moment.

- N’emmenons-nous pas nos valets?

- Oui, prenez Mousqueton, cela ne fera pas mal. Quant à Planchet,
il a ses raisons pour ne pas venir à la cour.

- Et pourquoi cela?

- Heu! il est mal avec Son Éminence.

- Mouston, dit Porthos, sellez Vulcain et Bayard.

- Et moi, monsieur, prendrai-je Rustaud?

- Non, prenez un cheval de luxe, prenez Phébus ou Superbe, nous
allons en cérémonie.

- Ah! dit Mousqueton respirant, il ne s’agit donc que de faire
une visite?

- Eh! mon Dieu, oui, Mouston, pas d’autre chose. Seulement, à
tout hasard, mettez des pistolets dans les fontes; vous trouverez
à ma selle les miens tout chargés.

Mouston poussa un soupir, il comprenait peu ces visites de
cérémonie qui se faisaient armé jusqu’aux dents.

- Au fait, dit Porthos en regardant s’éloigner complaisamment son
ancien laquais, vous avez raison, d’Artagnan, Mouston suffira,
Mouston a fort belle apparence.

D’Artagnan sourit.

Et vous, dit Porthos, ne vous habillez-vous point de frais?

- Non pas, je reste comme je suis.

- Mais vous êtes tout mouillé de sueur et de poussière, vos
bottes sont fort crottées?

- Ce négligé de voyage témoignera de mon empressement à me rendre
aux ordres du cardinal.

En ce moment Mousqueton revint avec les trois chevaux tout
accommodés. D’Artagnan se remit en selle comme s’il se reposait
depuis huit jours.

- Oh! dit-il à Planchet, ma longue épée...

- Moi, dit Porthos montrant une petite épée de parade à la garde
toute dorée, j’ai mon épée de cour.

- Prenez votre rapière, mon ami.

- Et pourquoi?

- Je n’en sais rien, mais prenez toujours, croyez-moi.

- Ma rapière, Mouston, dit Porthos.

- Mais c’est tout un attirail de guerre, monsieur! dit celui-ci;
nous allons donc faire campagne? Alors dites-le moi tout de suite,
je prendrai mes précautions en conséquence.

- Avec nous, Mouston, vous le savez, reprit d’Artagnan, les
précautions sont toujours bonnes à prendre. Ou vous n’avez pas
grande mémoire, ou vous avez oublié que nous n’avons pas
l’habitude de passer nos nuits en bals et en sérénades.

- Hélas! c’est vrai, dit Mousqueton en s’armant de pied en cap,
mais je l’avais oublié.

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MessageSujet: Re: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos Icon_minitimeDim 7 Avr - 16:16

Ils partirent d’un trait assez rapide et arrivèrent au Palais-
Cardinal vers les sept heures un quart. Il y avait foule dans les
rues, car c’était le jour de la Pentecôte, et cette foule
regardait passer avec étonnement ces deux cavaliers, dont l’un
était si frais qu’il semblait sortir d’une boîte, et l’autre si
poudreux qu’on eût dit qu’il quittait un champ de bataille.

Mousqueton attirait aussi les regards des badauds, et comme le
roman de Don Quichotte était alors dans toute sa vogue, quelques-
uns disaient que c’était Sancho qui, après avoir perdu un maître,
en avait trouvé deux.

En arrivant à l’antichambre, d’Artagnan se trouva en pays de
connaissance. C’étaient des mousquetaires de sa compagnie qui
justement étaient de garde. Il fit appeler l’huissier et montra la
lettre du cardinal qui lui enjoignait de revenir sans perdre une
seconde. L’huissier s’inclina et entra chez Son Éminence.

D’Artagnan se tourna vers Porthos, et crut remarquer qu’il était
agité d’un léger tremblement. Il sourit, et s’approchant de son
oreille, il lui dit:

- Bon courage, mon brave ami! ne soyez pas intimidé; croyez-moi,
l’oeil de l’aigle est fermé, et nous n’avons plus affaire qu’au
simple vautour. Tenez-vous raide comme au jour du bastion Saint-
Gervais, et ne saluez pas trop bas cet Italien, cela lui donnerait
une pauvre idée de vous.

- Bien, bien, répondit Porthos.

L’huissier reparut.

- Entrez, messieurs dit-il, Son Éminence vous attend.

En effet, Mazarin était assis dans son cabinet, travaillant à
raturer le plus de noms possible sur une liste de pensions et de
bénéfices. Il vit du coin de l’oeil entrer d’Artagnan et Porthos
et quoique son regard eût pétillé de joie à l’annonce de
l’huissier, il ne parut pas s’émouvoir.

- Ah! c’est vous, monsieur le lieutenant? dit-il, vous avez fait
diligence, c’est bien; soyez le bienvenu.

- Merci, Monseigneur. Me voilà aux ordres de Votre Éminence,
ainsi que M. du Vallon, celui de mes anciens amis, celui qui
déguisait sa noblesse sous le nom de Porthos.

Porthos salua le cardinal.

- Un cavalier magnifique, dit Mazarin.

Porthos tourna la tête à droite et à gauche, et fit des mouvements
d’épaule pleins de dignité.

- La meilleure épée du royaume, Monseigneur, dit d’Artagnan, et
bien des gens le savent qui ne le disent pas et qui ne peuvent pas
le dire.

Porthos salua d’Artagnan.

Mazarin aimait presque autant les beaux soldats que Frédéric de
Prusse les aima plus tard. Il se mit à admirer les mains
nerveuses, les vastes épaules et l’oeil fixe de Porthos. Il lui
sembla qu’il avait devant lui le salut de son ministère et du
royaume, taillé en chair et en os. Cela lui rappela que l’ancienne
association des mousquetaires était formée de quatre personnes.

- Et vos deux autres amis? demanda Mazarin.

Porthos ouvrait la bouche, croyant que c’était l’occasion de
placer un mot à son tour. D’Artagnan lui fit un signe du coin de
l’oeil.

- Nos autres amis sont empêchés en ce moment, ils nous
rejoindront plus tard.

Mazarin toussa légèrement.

- Et monsieur, plus libre qu’eux, reprendra volontiers du
service? demanda Mazarin.

- Oui, Monseigneur, et cela par un dévouement, car M. de Bracieux
est riche.

- Riche? dit Mazarin, à qui ce seul mot avait toujours le
privilège d’inspirer une grande considération.

- Cinquante mille livres de rente, dit Porthos.

C’était la première parole qu’il avait prononcée.

- Par pur dévouement, reprit Mazarin avec son fin sourire, par
pur dévouement alors?

- Monseigneur ne croit peut-être pas beaucoup à ce mot-là?
demanda d’Artagnan.

- Et vous, monsieur le Gascon? dit Mazarin en appuyant ses deux
coudes sur son bureau et son menton dans ses deux mains.

- Moi, dit d’Artagnan, je crois au dévouement comme à un nom de
baptême, par exemple, qui doit être naturellement suivi d’un nom
de terre. On est d’un naturel plus ou moins dévoué, certainement;
mais il faut toujours qu’au bout d’un dévouement il y ait quelque
chose.

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MessageSujet: Re: Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos   Alexandre Dumas.(Père)(1802-1870) XXVI. D’Artagnan arrive à propos Icon_minitimeDim 7 Avr - 16:17

- Et votre ami, par exemple, quelle chose désirerait-il avoir au
bout de son dévouement?

- Eh bien! Monseigneur, mon ami a trois terres magnifiques: celle
du Vallon, à Corbeil; celle de Bracieux, dans le Soissonnais, et
celle de Pierrefonds dans le Valois; or, Monseigneur, il
désirerait que l’une de ses trois terres fût érigée en baronnie.

- N’est-ce que cela? dit Mazarin, dont les yeux pétillèrent de
joie en voyant qu’il pouvait récompenser le dévouement de Porthos
sans bourse délier; n’est-ce que cela? la chose pourra s’arranger.

- Je serai baron! s’écria Porthos en faisant un pas en avant.

- Je vous l’avais dit, reprit d’Artagnan en l’arrêtant de la
main, et Monseigneur vous le répète.

- Et vous, monsieur d’Artagnan, que désirez-vous?

Monseigneur, dit d’Artagnan, il y aura vingt ans au mois de
septembre prochain que M. le cardinal de Richelieu m’a fait
lieutenant.

- Oui, et vous voudriez que le cardinal Mazarin vous fît
capitaine.

D’Artagnan salua.

- Eh bien! tout cela n’est pas chose impossible. On verra,
messieurs, on verra. Maintenant, monsieur du Vallon, dit Mazarin,
quel service préférez-vous? celui de la ville? celui de la
campagne?

Porthos ouvrit la bouche pour répondre.

- Monseigneur, dit d’Artagnan, M. du Vallon est comme moi, il
aime le service extraordinaire, c’est-à-dire des entreprises qui
sont réputées comme folles et impossibles.

Cette gasconnade ne déplut pas à Mazarin, qui se mit à rêver.

- Cependant, je vous avoue que je vous avais fait venir pour vous
donner un poste sédentaire. J’ai certaines inquiétudes. Eh bien!
qu’est-ce que cela? dit Mazarin.

En effet, un grand bruit se faisait entendre dans l’antichambre,
et presque en même temps la porte du cabinet s’ouvrit; un homme
couvert de poussière se précipita dans la chambre en criant:

- Monsieur le cardinal? où est monsieur le cardinal?

Mazarin crut qu’on voulait l’assassiner, et se recula en faisant
rouler son fauteuil. D’Artagnan et Porthos firent un mouvement qui
les plaça entre le nouveau venu et le cardinal.

- Eh! monsieur, dit Mazarin, qu’y a-t-il donc, que vous entrez
ici comme dans les halles?

- Monseigneur, dit l’officier à qui s’adressait ce reproche, deux
mots, je voudrais vous parler vite et en secret. Je suis
M. de Poins, officier aux gardes, en service au donjon de
Vincennes.

L’officier était si pâle et si défait, que Mazarin, persuadé qu’il
était porteur d’une nouvelle d’importance, fit signe à d’Artagnan
et à Porthos de faire place au messager.

D’Artagnan et Porthos se retirèrent dans un coin du cabinet.

- Parlez, monsieur, parlez vite, dit Mazarin, qu’y a-t-il donc?

- Il y a, Monseigneur, dit le messager, que M. de Beaufort vient
de s’évader du château de Vincennes.

Mazarin poussa un cri et devint à son tour plus pâle que celui qui
lui annonçait cette nouvelle; il retomba sur son fauteuil presque
anéanti.

- Évadé! dit-il, M. de Beaufort évadé?

- Monseigneur, je l’ai vu fuir du haut de la terrasse.

- Et vous n’avez pas tiré dessus?

- Il était hors de portée.

- Mais M. de Chavigny, que faisait-il donc?

- Il était absent.

- Mais La Ramée?

- On l’a trouvé garrotté dans la chambre du prisonnier, un
bâillon dans la bouche et un poignard près de lui.

- Mais cet homme qu’il s’était adjoint?

- Il était complice du duc et s’est évadé avec lui.

Mazarin poussa un gémissement.

- Monseigneur, dit d’Artagnan faisant un pas vers le cardinal.

- Quoi? dit Mazarin.

- Il me semble que Votre Éminence perd un temps précieux.

- Comment cela?

- Si Votre Éminence ordonnait qu’on courût après le prisonnier,
peut-être le rejoindrait-on encore. La France est grande, et la
plus proche frontière est à soixante lieues.

- Et qui courrait après lui? s’écria Mazarin.

- Moi, pardieu!

- Et vous l’arrêteriez?

- Pourquoi pas?

- Vous arrêteriez le duc de Beaufort, armé, en campagne?

- Si Monseigneur m’ordonnait d’arrêter le diable, je
l’empoignerais par les cornes et je le lui amènerais.

- Moi aussi, dit Porthos.

- Vous aussi? dit Mazarin en regardant ces deux hommes avec
étonnement. Mais le duc ne se rendra pas sans un combat acharné.

- Eh bien! dit d’Artagnan dont les yeux s’enflammaient, bataille!
il y a longtemps que nous ne nous sommes battus, n’est-ce pas,
Porthos?

- Bataille! dit Porthos.

- Et vous croyez le rattraper?

- Oui, si nous sommes mieux montés que lui.

- Alors, prenez ce que vous trouverez de gardes ici et courez.

- Vous l’ordonnez, Monseigneur.

- Je le signe, dit Mazarin en prenant un papier et en écrivant
quelques lignes.

- Ajoutez, Monseigneur, que nous pourrons prendre tous les
chevaux que nous rencontrerons sur notre route.

- Oui, oui, dit Mazarin, service du roi! Prenez et courez!

- Bon, Monseigneur.

- Monsieur du Vallon, dit Mazarin, votre baronnie est en croupe
du duc de Beaufort; il ne s’agit que de le rattraper. Quant à
vous, mon cher monsieur d’Artagnan, je ne vous promets rien, mais
si vous le ramenez, mort ou vif, vous demanderez ce que vous
voudrez.

- À cheval, Porthos! dit d’Artagnan en prenant la main de son
ami.

- Me voici, répondit Porthos avec son sublime sang-froid.

Et ils descendirent le grand escalier, prenant avec eux les gardes
qu’ils rencontraient sur leur route en criant: «À cheval! à
cheval!»

Une dizaine d’hommes se trouvèrent réunis.

D’Artagnan et Porthos sautèrent l’un sur Vulcain, l’autre sur
Bayard, Mousqueton enfourcha Phébus.

- Suivez-moi! cria d’Artagnan.

- En route, dit Porthos.

Et ils enfoncèrent l’éperon dans les flancs de leurs nobles
coursiers, qui partirent par la rue Saint-Honoré comme une tempête
furieuse.

- Eh bien! monsieur le baron! je vous avais promis de l’exercice,
vous voyez que je vous tiens parole.

- Oui, mon capitaine, répondit Porthos.

Ils se retournèrent, Mousqueton, plus suant que son cheval, se
tenait à la distance obligée. Derrière Mousqueton galopaient les
dix gardes.

Les bourgeois ébahis sortaient sur le seuil de leur porte, et les
chiens effarouchés suivaient les cavaliers en aboyant.

Au coin du cimetière Saint-Jean, d’Artagnan renversa un homme;
mais c’était un trop petit événement pour arrêter des gens si
pressés. La troupe galopante continua donc son chemin comme si les
chevaux eussent eu des ailes.

Hélas! Il n’y a pas de petits événements dans ce monde, et nous
verrons que celui-ci pensa perdre la monarchie!
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