J.-Bte de la Salle
Reims.
Ô Reims! j'ai vu l'éclat de tes temples superbes :
Flèches et contreforts puissants et gracieux,
Colonnes en faisceaux, éblouissantes gerbes
De marbre et de granit s'élançant vers les cieux!
J'ai vu ta cathédrale élégante et hardie,
Légère comme un rêve et belle comme un chant,
Son portail sans rival que l'aurore incendie,
Et son chevet bronzé par les ors du Couchant.
Je l'ai vu devant moi ton miracle de pierre,
Fier chef-d'oeuvre d'un art dont le monde est en deuil;
Je l'ai vu se dresser splendide, et ma paupière
Garde encore un reflet du sublime coup d'oeil.
Et lorsque, pénétrant sous ces vastes portiques,
Mes pas ont éveillé l'écho silencieux
Qui dort sous la forêt des vieux arceaux gothiques,
Des siècles d'héroïsme ont surgi sous mes yeux.
Aux rayons qui tombaient en flots d'azur et d'ambre
Des grands vitraux flambant de l'abside à la tour,
Saint Louis, Charlemagne, et jusqu'au fier Sicambre
Dans mon rêve ébloui passèrent tour à tour.
Ils vinrent tous. Ce fut un radieux cortège;
Mes souvenirs lointains me le montrent encor,
Dans des lueurs de pourpre et des blancheurs de neige,
Défilant sous les nefs en longue chaîne d'or.
Et je songeai longtemps, perdu dans la pénombre,
Au cycle évanoui des choses d'autrefois,
Regardant se peupler de fantômes sans nombre
Ces parvis qu'ont usés les sandales des rois.
Comme tes monuments, nobles sont tes annales,
Ô Reims, toi qui jadis entre tes soeurs brillais;
Mais pour y contempler les pages virginales,
Combien faut-il tourner de lourds et noirs feuillets!
De ces pages pourtant, ô Reims, il en est une
Écrite par quelqu'un qui ne fut, parmi nous,
Ni monarque, ni même un soldat de fortune,
Mais que les temps futurs nommeront à genoux.
Ah! devant celui-là jamais les Renommées
N'ont, les soirs de combats, sonné leurs olifants.
Il ne chevaucha point sur le front des armées;
Sa voix ne commandait qu'à des petits enfants.
Jamais on ne le vit, en long manteau d'hermine,
Monter des degrés d'or frémissant sous son poids :
Il avait pour seul trône - et c'est là qu'il domine! -
À l'école du pauvre un humble banc de bois.
Jamais des courtisans la cohorte servile
Ne l'entoura, guettant même un regard moqueur :
En vêtement de bure il allait par la ville,
Cherchant à qui verser le trop plein de son coeur.
Jamais sur son passage, inquiète ou craintive,
La foule n'a tremblé quand son oeil avait lui;
Mais, lorsqu'il se penchait sur l'enfance chétive,
Les anges du Seigneur s'inclinaient devant lui.
Il avait un grand nom, il avait des richesses;
L'avenir l'attendait sur des seuils enchantés :
Fortune, espoirs mondains, sourires de duchesses,
Il sacrifia tout pour les déshérités.
Et puis, simple soldat dans les saintes milices,
Héros obscur, domptant la chair et ses défis,
De l'abnégation il but tous les calices
Et suspendit son âme aux clous du crucifix.
De tous les dévoûments possédé du lire,
Il prit un livre et dit aux pauvres : - Accourez!
Accourez, les petits! venez apprendre à lire :
Les trésors du bon Dieu n'ont point de préférés.
Délaissés, orphelins, venez tous à l'école;
Je vous enseignerai, compatissant et doux,
La science profane et la sainte parole :
Je suis le serviteur des serviteurs de tous! -
La haine lui jeta plus d'un crachat sordide...
Mais Dieu prêtait sa force à son noble dessein;
Et le peuple suivait cet homme au front candide,
Prêchant comme Socrate, et vivant comme un saint.
Ô Reims! bien des beaux noms brillent dans ton histoire;
Sur tes dômes ont lui bien des jours triomphants;
Mais lorsque l'avenir parlera de ta gloire,
Il citera La Salle entre tous tes enfants!
Car, sur les pas royaux, quand les princes en foule
Envahissaient ton temple en habits de gala,
De tes autels sacrés jamais la sainte ampoule
N'a coulé sur un front plus grand que celui-là!
II. La vision.
Tous les prédestinés ont de ces voix intimes.
Sur l'autel du devoir qu'ils s'offrent en victimes,
Ou qu'ils aient à jouer le sort des nations,
Ils entrevoient toujours par intuitions
Un coin de l'avenir. Leur conscience épelle,
Au fond de l'ombre où Dieu leur parle et les appelle,
Inconnus ou puissants, triomphants ou proscrits,
Des mots mystérieux par le destin écrits.
Bonaparte à quinze ans croyait à son étoile;
Et, des décrets divins levant un pli du voile,
Dans un val aux confins des Vosges endormi,
A la vierge priant au seuil de Domremy
D'étranges voix disaient, qui parlaient d'espérance :
- Jeanne, Jeanne debout! va délivrer la France!
L'humble sulpicien de Reims avait aussi
De ces pressentiments; et le vague souci
De la tâche future emplissait sa pensée.
Souvent, la nuit, la tête en ses mains enfoncée,
Les yeux baignés de pleurs et le coeur plein d'émoi,
Il s'écriait : - Mon Dieu, que voulez-vous de moi?
Un soir, qu'en un recoin du temple solitaire,
Son âme s'épanchait dans l'ombre et le mystère
Des vastes nefs au fond des ténèbres dormant,
Un grand bruit l'éveilla de son recueillement.
L'avenir, éclairé par des lueurs mystiques,
Entr'ouvrit à ses yeux ses portes prophétiques;
Et tout ce que l'Histoire enregistre aujourd'hui,
Vivant panorama, s'évoqua devant lui :
Il vit des vieux États, tombant en pourriture,
L'édifice crouler de toute sa stature
Sur les peuples traînant leur éternel boulet.
Il vit sous son fardeau l'opprimé qui râlait,
Suant des millions pour un royal caprice,
Montrer le poing au ciel qu'il taxait d'injustice.
Il vit, autour des rois condamnés sans recours,
L'impiété grandir dans l'impudeur des cours,
Et passer, ricanant sous son regard austère,
Des bras de Messaline aux soupers de Voltaire.
Il vit l'hydre du mal triomphante partout.
Il vit, ébranlant tout, sapant tout, souillant tout,
À la face du ciel que leur haine défie,
Affublés du manteau de la philosophie,
L'ignorance et l'orgueil proclamer en tout lieu
Que pour affranchir l'homme il faut détruire Dieu.
Il vit la royauté s'effondrer dans la boue.
Il vit, aux chevalets, aux bûchers, à la roue,
A son tour implacable arbitre du destin,
Succéder le couteau sanglant de Guillotin.
Puis désordres sans nom, terreur, révolte, émeutes;
L'anarchie en fureur lançant toutes ses meutes,
A l'aveugle et sans frein, contre tous les pouvoirs.
A bas tous les respects! au vent tous les devoirs!
Il vit en frémissant les rivières accrues
Des flots de sang humain qu'on versait dans les rues.
Il vit les saints parvis s'ouvrir, et sur l'autel
- Le paganisme ancien n'avait vu rien de tel -
La Prostitution, en déesse drapée,
Venir prendre au grand jour la place inoccupée...
Le prêtre haletait dans l'ombre. Les sanglots
Qu'arrachaient de son coeur ces lugubres tableaux
Faisaient pleurer au loin l'écho des saintes voûtes.
Ses larmes arrosaient le marbre goutte à gouttes.
Comme autrefois le Christ au mont des Oliviers,
Il sentait sur son front, comme un vol d'éperviers,
S'abattre l'essaim noir des misères humaines.
Il voyait, là, livrée à mille énergumènes,
La France qu'il aimait, la France son orgueil,
Vaisseau désemparé, lutter contre l'écueil,
Tandis que l'équipage au milieu des orgies,
Le blasphème à la bouche et les manches rougies,
Dans des affolements sauvages emporté,
Profanait ton grand nom, sublime Liberté!
Et pendant que le saint pleurait dans les ténèbres,
Le doigt de Dieu tournait d'autres pages funèbres.
C'était, plus tard, le souffle infernal de Satan
Brisant leurs ailes d'or aux légendes d'antan;
Du scepticisme froid c'était la plaie immonde
Sans cesse élargissant sa tare sur le monde;
C'étaient de l'idéal les temples oubliés;
Sous le sceptre d'argent tous les genoux pliés;
Plus d'aspirations vers le ciel; tout entière,
L'humanité, le front courbé sur la matière,
Traînant, spectre blasé, sous le firmament noir,
Son existence morne et son coeur sans espoir.
Puis l'âpre vision s'éteignit. Clignotante,
La lampe de l'autel, de sa lueur flottante,
Seule, perçait encor les ombres du lieu saint.
Le prêtre, agenouillé, les deux mains sur son sein,
Pria toute la nuit au fond du sanctuaire.
Puis on le vit sortir, pâle comme un suaire,
Courbé, les yeux rougis, mais le front rayonnant,
Disant : - Je sais où Dieu m'appelle maintenant!
III. Dix-neuvième siècle.
Je t'admire, ô mon siècle! oui, je t'admire et t'aime,
Toi qui, sans sourciller sous l'obscur anathème
Des spectres que tu vas bravant,
Le chef illuminé comme autrefois Moïse,
Marches au but, avec un seul mot pour devise,
Le mot des grands coeurs : - En avant!
Ô mon siècle, qui donc a dit que tu recules,
Quand tout penseur, perçant l'ombre des crépuscules,
L'oeil tourné vers les hauts sommets,
Le front dans les clartés, prunelles éblouies,
S'effare d'entrevoir les splendeurs inouïes
Des aurores que tu promets?
Toi reculer! quand tout, dans le large domaine
Où tressaille et se meut l'intelligence humaine,
Porte ton cachet triomphant!
Quand, sous tes pas, tandis qu'un nouveau voile tombe
Tous les jours on entend de quelque vieille tombe,
Craquer la pierre qui se fend!
Reculer! quand l'éclat de ta torche qui passe
Du microbe invisible à l'astre de l'espace
Éclaire le vaste milieu,
Et force l'être humain, qu'il adore ou qu'il nie,
À croire, quoi qu'il fasse, au moins à son génie,
Pâle reflet qui prouve Dieu!
Reculer! reculer! quand debout sur le faîte
Des saintes visions, le mage et le prophète
Voient déjà les jours éclatants
Où les âges futurs et les futures races,
Émus et recueillis, viendront baiser tes traces
Sur l'immense échelle des temps!
Reculer! Oh! plutôt, les âmes effrayées,
En te voyant, archange aux ailes éployées,
Courir ainsi l'éclair au poing,
Se demandent quel vent souffle aux plis de ta robe,
Et si, quelque matin, les assises du globe
Sous tes pieds ne manqueront point!
Non, mon siècle! qui parle ainsi te calomnie!
Parmi les hiboux seuls la lumière est honnie;
Le ciel sourit à tout progrès;
Et quand luit ici-bas quelque aurore nouvelle,
Fléchissons le genou : c'est Dieu qui nous révèle
Par lambeaux ses divins secrets.
Ces léviathans noirs aux énormes machines,
Devant qui l'Océan fait courber les échines
De ses grands flots effarouchés,
Ces lourds convois de fer dont le réseau qui gronde
Coupe les continents et ceinture le monde,
C'est lui qui leur a dit : - Marchez!
Et ce câble, où des vols de foudre condensée,
Plus prompte que l'éclair, transmettent la pensée
D'un enfant à travers les mers,
Dans ses fibres d'acier qu'est-ce donc qu'il recèle,
Si ce n'est la chaleur, si ce n'est l'étincelle
Du feu qui créa l'univers?
Qu'il allume sa lampe au tonnerre, ou qu'il mette
Les rênes de l'algèbre au col de la comète;
Qu'il compte et pèse les soleils;
Qu'il dissèque la vie à sa source première;
Qu'il donne un corps aux sons, ou tienne la lumière
Prisonnière en ses appareils;
Qu'il dompte la douleur, supprime la distance;
Qu'il sonde les secrets de sa préexistence;
Qu'il cherche l'or dans un réchaud;
Qu'il aille au zénith bleu vaincre le vol de l'aigle,
L'homme, bon gré mal gré, ne suit pas d'autre règle
Que celle qui lui vient d'en haut.
Le progrès quelquefois déconcerte ou déroute;
Mais qu'il perfore un isthme ou se fraye une route
À travers quelque himalaya;
Qu'importe la pensée insoumise ou méchante,
C'est quand même et sans fin, la Nature qui chante
Son éternel alléluia!
Voilà l'humanité, son destin et sa vie!
Si parfois le vaisseau dans sa course dévie,
Que ce soit hier ou demain,
Toujours quelqu'un surgit qui regarde l'étoile,
S'empare de la barre, oriente la voile,
Et remet le monde en chemin.
De La Salle fut un de ces hommes sublimes.
Quand il sentit la nef rouler vers les abîmes,
Penché sur le gouffre, il crut voir
Dans les ombres quelqu'un qui lui dictait son rôle,
Et comprit qu'une main posait sur son épaule
Le poids d'un immense devoir.
Mais ces foules courant vers leur perte prochaine,
Cette société qui, pour rompre sa chaîne,
Ose tout mordre et tout narguer,
Ces peuples entraînés par leur soif de Tantale,
Comment les retenir sur la pente fatale?
Ce torrent, comment l'endiguer?
Tout ce sombre avenir né des anciens servages,
Comment paralyser ses terribles ravages?
Devant tout culte anéanti,
Infaillible signal des vastes décadences,
Comment mettre une entrave aux funestes tendances
De l'esprit humain perverti?
Et ces masses chez qui tout noble esprit s'altère,
Comment les arracher au morne terre à terre
De leur instinct matériel?
Comment leur relever la tête? Cette face
Où la divine empreinte à chaque instant s'efface,
Comment la tourner vers le ciel?
Par quels moyens tenter la tâche colossale?
Que faire?... - J'instruirai le peuple! dit La Salle;
Oui, chez ces générations,
Dont l'âme se révolte et dont le coeur se ferme,
Avec l'esprit chrétien j'irai semer le germe
Des hautes aspirations! -
Et l'homme tint parole. Et ce héros, ce prêtre
- De tous les novateurs le plus humble peut-être -
Par son oeuvre immortalisé,
Sur nos destins présents et sur ceux qui vont luire,
Qui connaîtra jamais, qui jamais pourra dire
De quel poids il aura pesé?
Relever les petits, soutenir la faiblesse,
Tendre une main de père à ceux que le sort blesse;
Instruire le peuple! voilà
La clé du grand secret, le mot du grand problème...
Ne vous alarmez plus, songeurs à face blême :
Tout l'avenir du monde est là!
Oui, je t'aime, ô mon siècle! oui, je t'aime et t'admire;
Sur les âges futurs j'entrevois ton empire,
Siècle de doute et de vertu!
Mais, sous les lambris d'or comme dans les chaumières,
O siècle de progrès! ô siècle de lumières!
Sans ce mot-là que serais-tu?
IV. Rouen.
Nous sommes à Rouen. La Seine qui serpente
Dans les détours des ponts, des quais et des îlots,
Reflétant vingt clochers dans le pli de ses flots,
Au creux de son vallon féerique suit sa pente.
Voici la cathédrale avec sa flèche - un clou
Dont la pointe géante accroche les nuées;
Saint-Ouen et ses tours par l'aigle saluées;
Et cet autre poème en pierre, Saint-Maclou!
Passons. - Sur ce cheval de bronze qui se cabre,
Quel est cet homme sombre au grand geste d'airain,
Qui dresse sur le ciel son torse souverain,
Avec ses cheveux plats et sa figure glabre?
Cet homme, il est nommé. Caveaux du Panthéon,
- Comme le monde, un jour, ses projets gigantesques -
Vous fûtes trop étroits pour loger sous vos fresques
Le cercueil de celui qui fut Napoléon!
Et cet autre profil dont l'aspect seul réveille,
Calme et majestueux, dans l'âme du passant,
Des demi-dieux romains le peuple éblouissant,
Quel est-il? - Chapeau bas, poètes, c'est Corneille!
Le premier, formidable et fatal conquérant,
Des vieux empereurs morts ramassa la couronne;
Et l'Europe, coursier que sa botte éperonne,
S'attela d'elle-même à son char fulgurant.
Vingt ans, ce rude athlète a traîné la victoire
Comme une esclave au flanc de ses lourds bataillons;
Et la gloire sur lui sema tant de rayons,
Que leur éclat encor déconcerte l'histoire!
La trace du second suit un autre chemin.
Il fut vainqueur aussi, mais sur une autre arène,
Et, dans sa majesté pacifique et sereine,
Passa devant son siècle une palme à la main.
De l'Art, qu'on oubliait, il rouvrit le portique,
Acclimata chez nous la langue des Titans;
Et son puissant génie imprima sur son temps
Le cachet mâle et fier de l'épopée antique.
Moderne Ezéchiel, au vice ricaneur
Il opposa l'essor de sa pensée austère;
Et jamais bouche humaine, aux échos de la terre,
N'a fait sonner plus haut le grand mot de l'honneur!
Saluons le guerrier! saluons le poète!...
Mais quel est donc, plus loin, image au galbe pur,
Cet autre airain muet qui tranche sur l'azur,
Et dont l'or du soleil nimbe la silhouette?
Est-ce d'un art distrait l'effet capricieux?
Je vois une effigie en soutane vêtue;
Deux enfants sont groupés au pied de la statue :
Un qui feuillette un livre, un qui regarde aux cieux.
Non, là tout est symbole; aucune fantaisie!
La pensée artistique a vu bien au-delà :
Et l'oeuvre de La Salle est tout entière là,
Dans sa philosophique et simple poésie.
Colonne du désert faite d'ombre et de feu,
Oeuvre par qui deux fois le monde s'émancipe,
Sachant unir et fondre en un même principe
Le droit de la science avec le droit de Dieu!
La Salle y dévoua son âme; et l'humble apôtre,
De ces deux droits sacrés défenseur et soutien,
Par son esprit civique et son coeur de chrétien,
A su maintenir l'un et développer l'autre.
Et voilà que, depuis plus de deux siècles, fier
De marcher sur ses pas par les monts et les plaines,
L'essaim de ses enfants va jetant à mains pleines
Le froment de demain dans la fange d'hier.
Ces hommes ont compris, prêtre, ta grande idée!
Et, semeurs d'avenir trop souvent méconnus,
Dans mainte lande aride et dans maints sillons nus,
Ils ont fait reverdir la glèbe fécondée.
Leur devise? deux mots : - Sacrifice et Devoir!
Le prix de leurs efforts c'est d'en haut qu'ils l'attendent.
Ils ne demandent rien : lorsque leurs mains se tendent,
C'est toujours pour donner, jamais pour recevoir!
Au niveau des martyrs ils ont haussé leur taille;
Ils ont porté les fers et gravi l'échafaud,
Et prouvé qu'ils savaient mourir, quand il le faut,
Pour la Patrie en deuil, sur les champs de bataille.
Et ces humbles - fut-il jamais rien de plus beau? -
Par milliers aujourd'hui, sublimes caravanes,
Des grandes vérités célestes et profanes
Vont jusqu'au bout du monde agiter le flambeau.
La Salle, - que les sots ou les ingrats sourient! -
Quel est l'homme de coeur, de progrès et de foi
Qui ne te bénirait en voyant, grâce à toi,
Deux millions d'enfants qui lisent et qui prient?
Et, cependant, que sont tous ces bienfaits présents?
Dans notre monde en proie aux folles aventures,
Ceux qui te béniront sont les races futures,
Ce seront nos neveux, dans deux ou trois cents ans!
Car ce sera ta gloire incomparable, ô juste!
De voir grandir sans fin le fruit de tes travaux...
Ne va rien envier à tes deux grands rivaux :
Leurs noms sont éclatants, mais le tien est auguste.
Tu fis l'humanité meilleure! - Et c'est pourquoi,
Devant leurs piédestaux dont le faste émerveille,
J'ai salué du front Bonaparte et Corneille...
Et plié le genou devant ton bronze, à toi!