À M. Alfred Garneau
Ami, posant ta lèvre aux coupes de cinname
Que l'hymen nous verse ici-bas,
Tu vas donc savourer, dans les bras d'une femme,
Tout le bonheur que tu rêvas!
Tu vas donc, t'asseyant au seuil d'une famille
Où chacun se place à son tour,
Puiser dans un sourire et dans un oeil qui brille,
Tout ce que nous donne l'amour!
Oh! cueille, il en est temps, cette fleur éphémère
Qu'on appelle ici le bonheur,
Avant que quelque fruit à la saveur amère
Ne vienne, hélas! glacer ton coeur!
Arrête ton esquif aux rives fortunées,
Tandis qu'il en est temps encor,
De peur que, tout à coup, les vagues déchaînées
Ne t'emportent loin de leur bord.
Et si parfois, hélas! au festin de la vie,
Ta coupe s'emplissait de fiel,
Un ange sera là, mystérieux génie,
Pour y verser encor du miel!
À l'occasion de son mariage avec Mademoiselle Élodie Globenski.
Si parfois, dans ton âme, une espérance morte
Venait obscurcir ton bonheur,
Tu trouveras toujours sur le seuil de la porte
Quelqu'un pour réchauffer ton coeur.
C'est la femme ici-bas qui calme les tempêtes
Qui pourraient nous faire ployer;
C'est elle qui toujours peuple de blondes têtes
Notre table et notre foyer!
C'est elle, qui trompant les ennuis du voyage,
Nous fait boire aux chastes amours;
C'est elle qui répand la fraîcheur et l'ombrage
Au désert brûlant de nos jours!
Va, conduis à l'autel la belle fiancée
A qui tu dois donner ton nom!
Puisse-t-elle toujours, sous tes pas empressée,
Être l'ange de ta maison!
Poète! va goûter un bonheur sans mélange
Qu'hélas! bien d'autres t'envieront!
Ton épouse t'attend; cueille les fleurs d'orange
Qui couronnent son chaste front.