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 Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII

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MessageSujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:44

Chapitre VII


Je crois avoir donné dans les précédents chapitres une
idée assez juste de ce qu'était, au point de vue des moeurs
comme au point de vue topographique, la physionomie
générale du petit coin de terre où les circonstances m'ont fait
naître. Complétons cet aperçu par quelques détails
particuliers, relativement à l'état des choses comparé avec ce
que nous appelons le progrès moderne, et qui se rapporte
surtout au confort de l'existence. Je passerai rapidement sur
ces détails.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:44

Un mot de la cuisine d'abord. Dans tout notre canton, il
n'y avait que chez M. Patton où l'on se servît de fourneau; et
encore ce fourneau avait-il été importé d'Angleterre.
Ailleurs, chez les gens à l'aise en hiver la cuisine se
faisait dans le compartiment supérieur de ces poêles à deux
étages qui servaient en même temps de calorifère pour
chauffer les maisons. Chez les autres, qui n'avaient que des
poêles simples, on cuisait le pot-au-feu sur la plaque nue tout
simplement, en ayant soin de couvrir de braise et de cendre
chaude le couvercle des chaudrons, quand le besoin s'en
faisait sentir. En été, chez les uns et chez les autres, on faisait
bouillir la marmite à la crémaillère, dans les cheminées. Ceux
qui n'avaient pas de cheminée se contentaient d'un petit feu
en plein air, sur un gril, entre deux ou trois cailloux. C'était
assez primitif, comme on voit. Et quand on n'avait pas la
ressource des allumettes...
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:44

Car moi qui vous parle, je les ai vues apparaître pour la
première fois dans nos cantons, les allumettes. Je parle des
allumettes chimiques, bien entendu; ce qui s'appelait
allumettes avant mon temps n'était que de minces tiges de
cèdre d'à peu près dix à douze pouces de long, dont
l'extrémité trempée dans le soufre ne s'enflammait jamais
que mise en contact avec le feu ou la braise. Quand le feu ou
la braise manquaient, la seule ressource était de battre le
briquet ou d'aller chercher un tison chez le voisin.
En général on avait la précaution de recouvrir de cendres
quelques charbons de bois dur, qui duraient suffisamment,
d'un repas à l'autre ou du soir au matin, pour fournir un
aliment à la baguette de cèdre et épargner aux pauvres gens
une plus désagréable corvée. Quand les allumettes chimiques
- ce grand bienfait de la civilisation se répandirent chez
nous, les gens ne s'y habituèrent que difficilement. J'ai vu
des vieux qui ne consentirent jamais à s'en servir: ils
préféraient le briquet qu'ils appelaient batte feu. Il me
semble les voir encore allumer leurs pipes, le dimanche, à la
porte de l'église, le pouce sur la pierre à fusil, le morceau de
tondre ou l'amadou. Jugez comme c'était commode quand il
faisait du vent!
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:45

Chez mon père, on n'avait pas pour le passé un
attachement aussi fanatique; nous nous servions d'allumettes
chimiques, mais avec discrétion; ma mère les redoutait, et les
tenait soigneusement enfermées dans une boîte en fer, de
peur d'incendie.
Dans l'organisation intérieure d'une maison, après la
cuisine et le chauffage, vient tout naturellement l'éclairage.
Ah! l'éclairage, lui aussi fut longtemps à l'état primitif dans
nos cantons. Mes souvenirs les plus lointains me montrent
encore, chez les vieillards pauvres surtout, l'antique lampe de
fer à bec, suspendue au plafond, toute fumeuse avec sa
mèche trempée dans une huile nauséabonde dont j'ignore la
provenance, mais qu'on appelait de l'huile à brûler. En
général, à dater de 1840 au moins, la chandelle de suif ce
qui était un progrès faisait les frais de notre éclairage.
Avant l'invention du moule à chandelles encore un progrès
- celles-ci se fabriquaient à la plonge, c'est-à-dire en faisant
couler le suif liquide le long d'une mèche qu'on plongeait
dans l'eau pour la refroidir après chaque couche. Cela faisait
une chandelle un peu fantaisiste dans sa forme, mais qui
éclairait tout de même. On se servait de chandeliers ou
bougeoirs en fer-blanc, quand on n'avait pas le moyen de se
payer des flambeaux plus dispendieux. Chandeliers ou
flambeaux se vendaient le plus souvent par couples, et
toujours accompagnés d'un accessoire indispensable: une
paire de mouchettes avec porte-mouchettes quand il
s'agissait de flambeaux. C'était là un accessoire de première
nécessité, car la mèche de la chandelle de suif, après avoir
brûlé un certain temps, se changeait en lumignons fuligineux
en forme de champignons, qu'il fallait faire disparaître sous
peine d'être mal éclairé et de voir le suif se fondre le long de
la chandelle en coulées malpropres.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:45

Deux chandeliers ou
deux flambeaux simples suffisaient pour une table ordinaire;
mais quand la compagnie était nombreuse, on suspendait aux
murs des chandelles en apppliques, que quelqu'un se
chargeait d'aller moucher par intervalles.
Un jour, le Canadien qui fut longtemps le seul journal
français du pays parla d'une nouvelle espèce de chandelles
qu'on n'avait pas besoin de moucher! C'était de la bougie de
stéarine tout simplement, et qu'on appelait chandelle de
«blanc de baleine ». Je me souviens qu'on vint en voir brûler
chez nous par curiosité. Mais ce qui causa beaucoup plus
d'émoi encore, ce fut le bruit qui se répandit un jour qu'on
était arrivé à s'éclairer, à Québec, tout simplement en
tournant une clef, et en appliquant une allumette sur un tube
de fer où il n'y avait ni suif, ni blanc de baleine ni même de
mèche! On n'y crut pas d'abord: c'était évidemment des
racontars de farceurs.
Mais il n'y avait pas à dire, la chose était de notoriété
publique; il n'y avait qu'à aller à Québec pour s'en assurer;
cela s'appelait du gaz. Alors, comme la chose arrive encore
quelquefois de notre temps, les uns crièrent au miracle, les
autres à la sorcellerie.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:45

C'est en remontant ainsi vers les années passées qu'on
s'aperçoit du chemin parcouru. Quels pas de géants n'ont-ils
pas été faits dans le pays et même dans le monde depuis
1840! C'est à n'en pas croire sa propre expérience.
En quelle année, je ne saurais dire, mais je n'étais encore
qu'un bébé, lorsqu'un jour mon père revint de Buffalo avec
son portrait daguerréotypé! Quelle surprise! quelle chose
extraordinaire! Ce portrait avait été dessiné en quelques
instants à peine, à l'aide d'une boîte carrée munie d'un petit
miroir qu'on avait braquée sur lui. Il était encadré dans un
joli étui, et n'avait coûté que cinq piastres. Ce fut chez nous
une véritable procession de curieux. Encore un miracle!
encore de la sorcellerie!
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:45

Un progrès bien intéressant aussi, mais surtout d'une bien
grande utilité pratique, s'était effectué pour nous, vers cette
même année de 1840; je veux parler de nos moyens de
communication avec Québec. En hiver, on sait que le trajet
d'une rive à l'autre se faisait en canots construits ad hoc; et
jusqu'à l'époque de ma naissance ou à peu près, on n'avait eu
- en été pour toute ressource sous ce rapport que la pirogue,
qu'on appelait canot d'été, et la chaloupe, soit à la voile soit à
la rame. Les bateaux à vapeur circulaient depuis plusieurs
années déjà entre Québec et Montréal. Nous les regardions
passer avec admiration, tous les soirs à quatre heures, le long
de la rive nord, souvent forçant de vapeur pour rivaliser en
vitesse. Il y avait le vieux Charlevoix, l'Alliance avec ses
quatre cheminées et ses deux balanciers, le Lord Sydenham,
l'ancien Québec, le premier Montréal, et enfin le plus beau et
le plus rapide de tous, le John Munn. Mais c'était là quelque
chose de bien trop considérable et dispendieux pour être
abordable à l'ambition de petites localités comme l'étaient la
Pointe-Lévis et les paroisses environnantes, dans ces temps
reculés. Deux hommes entreprenants, que j'ai connus,
inventèrent le horse-boat. C'était un grand progrès, et
l'acheminement vers un progrès plus grand encore
pleinement réalisé depuis.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:45

Qu'était-ce que le horse-boat? Imaginez la coque d'un
bateau, dans les proportions d'un remorqueur, flanquée de
deux ailes en saillie avec tambours à roues, et pontée à plat,
avec, tout autour, une rangée de bancs rustiques adossés au
plat-bord, pour la commodité des passagers. Au centre, une
espèce de guindeau ou cabestan vertical auquel étaient fixés
les leviers d'un tourniquet mû par quatre chevaux,
communiquait, par un mécanisme intérieur, un mouvement
de rotation aux roues à palettes qui faisaient mouvoir le
vaisseau. À l'arrière de celui-ci s'adaptait un pont volant
soumis à l'action d'un treuil, qu'on appelait la pelle, et qu'on
laissait tomber sur le rivage en atterrissant, car, à Québec
comme à Lévis, les quais étaient rares et ne servaient qu'aux
bateaux à vapeur et aux vaisseaux de haut-bord. Combien en
reste-t-il à Lévis, de ceux qui ont fait la traversée du fleuve
en horse-boat! Hélas! rani nantes ni gurgite vasto. C'est ça
qui vous fait vieillir!...
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:45

Les deux premiers hommes qui imaginèrent ce mode de
navigation ont plus tard fait fortune dans l'industrie des
bateaux à vapeur. Ils se nommaient Julien Chabot et Jean-
Baptiste Beaulieu. Ce dernier habitait au pied de la « côte à
Bégin », à peu près à l'endroit où le criminel légendaire
qu'on appelait le docteur Linguienne ou l'Indienne
(probablement une corruption de Lanigan) avait commis les
abominations qui le forcèrent d'aller se faire pendre ailleurs.
Ce docteur avait des moeurs à lui, et surtout une manière
originale de pratiquer la médecine. Il tenait une petite
auberge où les voyageurs logeaient rarement deux fois, pour
la bonne raison qu'ils y étaient assassinés dans la nuit, et que
leur cadavre dépouillé allait pourrir dans la cave. Vers 1864,
si je ne me trompe, le fils aîné de ce M. Beaulieu s'étant fait
construire une maison contiguë à celle de son père, ceux qui
en creusèrent les fondations exhumèrent au moins une
douzaine de squelettes sans doute ceux des malheureuses
victimes du lâche meurtrier.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre VII Icon_minitimeMer 12 Juin - 8:46

Dans son livre Le Chercheur de Trésors, Philippe Aubert
de Gaspé raconte le dernier exploit du fameux assassin, qui,
réfugié à l'Islet, fut exécuté pour le meurtre d'un jeune
colporteur que sa mauvaise étoile avait conduit dans le
repaire du monstre. Mais revenons à mon village et à mes
premières années. J'ai fait allusion, dans le chapitre
précédent, aux premières chansons qui avec la complainte
de Baptiste Lachapelle eurent le don d'éveiller mes
premières rêveries ou de provoquer mes enthousiasmes
d'enfant. Il ne s'agit pas ici de ces flouflous populaires des
lou lou la, des ma dondaine, des falunons lurette, et des la ré
fia de toutes sortes, qui enjolivaient les refrains naïfs des
travailleurs de notre canton, sans autre mérite que celui d'être
agréablement rythmés. Ces ritournelles vides de sens et de
signification n'avaient que peu d'attrait pour moi. Leur
cadence frappait mon oreille, mais ne m'allait ni au cerveau
ni au coeur. Il me fallait quelque chose de mélancolique ou
d'enlevant, qui, par la mélodie ou les paroles, fît vibrer en
moi la corde attendrie, ou répondît à mes enthousiastes
juvéniles instincts romanesques.
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