I
Ce soir, pensif et seul, j'écoutais près de l'âtre
Le rire pétillant d'une flamme folâtre;
Je disais en penchant mon front pâle d'ennui:
« Toute chose en ce monde a besoin d'un appui:
« Le pétrel bleu s'attache à l'algue qui surnage;
« La vigne qui fléchit se suspend au treillage,
« Et la nuée en feu, noir groupe de démons,
« Va s'abattre en tonnant sur la pointe des monts.
« Je voudrais reposer aussi mon front qui penche;
« Oui, j'ai besoin d'une âme où la mienne s'épanche,
« D'une âme de mon âge, à l'instinct noble et bon. »
Et mes lèvres soudain ont prononcé ton nom.
Je t'appelais; ma mère ouvrit ma porte close;
Riante, elle agitait, au bout de son doigt rose,
Un petit carreau blanc de timbres constellé:
Ma main pour le saisir aussitôt a volé,
Comme un enfant après la vive luciole.
Adieu, mon spleen anglais! Le noir vautour s'envole.
Penché sur l'âtre même à la fauve clarté,
J'ai dévoré ta lettre avec avidité.
Ma muse, en la lisant par sa grâce inspirée,
A relevé son voile; et la joue empourprée,
D'une voix qui d'abord tremble un peu de frayeur,
C'est elle qui me dit ces vers en ton honneur.
Tel l'oiseau, s'il est seul, cherche l'ombre, sans joie;
Mais au fond de l'azur qu'une aile se déploie,
On le voit à l'instant, aussi prompt que l'éclair,
S'élancer en chantant sur les vagues de l'air.