Le bois
La maison touche au bois. Je respire à ma porte
Un air ayant gardé le goût de feuille morte.
Or, telle est sa fraîcheur, que j'ai senti souvent,
Quand là-haut le ciel flambe en un long jour sans vent,
Et que quelque nuée au loin lourdement tonne,
Voltiger sur ma chair comme un frisson d'automne.
Je sais les blancs bouleaux, je sais les pins moussus;
Mais qui pourra compter les nids entr'aperçus,
Et les volantes voix que les arbres enchantent?
C'est ici le bois où toutes les feuilles chantent.
Bois d'ombre le midi, plein de flammes le soir.
À peine est-il d'abord devenu presque noir
Qu'entre ses fûts, grillant l'astre à son crépuscule,
L'on voit étinceler des ors de renoncule.
Au-dessus, jusqu'en haut de l'énorme couvent,
Les transparences rient dans tous les tons du vent,
Ô fête des yeux!... Tel, à l'heure vespérale,
Un vitrail flamboyant d'antique cathédrale.
Quel lumineux matin vaut ces soleils couchants!
Toujours, lorsque ces feux sont éteints dans les champs,
Là-bas, parmi les blés, les herbes odorantes,
Qui doivent avant peu faire au maître des rentes,
Un vent se lève; il vient, ainsi que sur les eaux
Accourent les frissons soufflés par les roseaux.
Il vient, il se soulève, il pousse les ramures.
Et feuillée à l'instant de s'emplir de murmures,
Et vent de s'irriter, et branches de crier...
Air mielleux de la plaine, ô suave ouvrier
De tempêtes pour rire, accours, tourmente, affole
Là-haut, d'un délectable émoi, la foule molle
Des feuilles!... Que l'on boive un souffle plus amer!
Et qu'on pense écouter les vagues dans la mer!...