PLUME DE POÉSIES
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 Louis Fréchette (1839-1908) A S. A. R. le duc d'York et de Cornwall

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Louis Fréchette (1839-1908) A S. A. R. le duc d'York et de Cornwall Empty
MessageSujet: Louis Fréchette (1839-1908) A S. A. R. le duc d'York et de Cornwall   Louis Fréchette (1839-1908) A S. A. R. le duc d'York et de Cornwall Icon_minitimeVen 19 Avr - 18:25

A S. A. R. le duc d'York et de
Cornwall



Plus tard prince de Galles
À l'ocasion de sa visite au Canada.

Au gré des brises parfumées
Qui soufflent des grands monts déserts,
Voyez serpenter dans les airs
De longs panaches de fumées.

C'est une escadre de géants
Qui débouchant des mers sauvages,
Vient déployer sur nos rivages
L'âpre décor des océans.

Sur le flot que leur proue effrange,
Ils s'avancent, fiers et hautains,
Pendant que, des brumeux lointains,
Émerge leur profil étrange.

Le bronze hurle en leurs sabords;
La guerre gronde en leurs cordages;
Viennent-ils, des noirs abordages
Porter l'alarme sur nos bords?

Non, vraiment, que chacun respire!
Car, au signal des porte-voix,
Couronné d'un vol de pavois,
Paraît le drapeau de l'Empire!

Vivat! Mais quels aspects nouveaux,
A mesure qu'il se déroule,
Soulèvent au sein de la foule
Cette tempête de bravos?

Ah! c'est qu'une de ces carènes
Vient d'arborer sur l'horizon
La pourpre d'un royal blason:
Salut aux couleurs souveraines!

Oui, c'est l'antique royauté
Qui vient d'apprendre, en nos parages,
Ce que peut dissiper d'orages
Le soleil de la liberté.

C'est l'héritier des vieilles races,
Qui vient voir ce que, pour toujours,
Chez nous l'esprit des nouveaux jours
A lavé de sanglantes traces!

C'est le fils aîné de nos rois:
Avant d'être sacré le Maître,
Il vient nous dire qu'il veut être
Le premier gardien de nos droits.

Soit! car il veut suivre sans doute
L'exemple tracé devant lui;
Or nul phare plus haut n'a lui
Pour éclairer plus noble route!
* * *
Halte, Prince! Entends-tu ces rumeurs, ce canon,
Tous ces hourras joyeux que l'on mêle à ton nom,
Et sur les foules affolées,
En flots harmonieux l'airain carillonneur,
Du haut des vieilles tours, lancer en ton honneur
Ses plus solennelles volées?

Un essaim de drapeaux voltige à tous les mâts...
C'est Québec, c'est la ville aux grands panoramas
Qui, debout sur son promontoire,
Dans l'éclat du matin t'a vite reconnu...
Prince, cargue ta voile, et sois le bienvenu
Au seuil sacré de notre histoire!

Regarde! c'est ici, sous ce sommet altier,
Que, rival des plus grands, notre immortel Cartier
Jadis ancra sa caravelle,
Et déroulant au vent ses plis fleurdelisés,
Vint, la Croix à la main, aux incivilisés
Apporter la bonne nouvelle.

Regarde ces longs prés, ces penchants, ces vallons,
Et, par delà ces champs ondulés d'épis blonds,
Cette forêt mystérieuse...
Ici l'on combattit souvent un contre vingt;
Pas un guéret, pas un fourré, pas un ravin
Qui n'ait sa page glorieuse!

Car, de nos moisons d'or si fiers que nous soyons,
L'herbe qui, le printemps, verdit dans nos sillons
Prend sa racine en bien des tombes;
Sur nos bords aujourd'hui si paisibles, le vent
Aux arômes des bois a mêlé bien souvent
L'odeur des fauves hécatombes.

Lève les yeux, c'est là, sous ces hauts bastions,
Qu'en un jour fatidique on vit deux nations,
Aux lueurs du canon qui gronde,
Dans ce vaste champ-clos aux merveilleux décors,
Ainsi que deux géants s'étreindre corps à corps,
Pour changer la carte d'un monde.

Ce fut un duel épique en un sombre ouragan.
Deux preux, Wolfe et Montcalm, s'étaient jeté le gant,
Et pour mieux mesurer leur taille,
À la tête des leurs dans ce choc hasardeux,
Sur des monceaux de morts s'étaient couchés tous deux
Fauchés par l'ardente bataille.

Ce furent les martyrs d'un nouvel univers:
Comme si Dieu voulût que, sous ces gazons verts
Où, sans distinctions aucunes,
Ennemis comme amis ont confondu leurs os,
Pour le bonheur de tous le sang des deux héros
Noyât d'éternelles rancunes.

Combien de chocs sanglants, de luttes sans merci,
De combats acharnés haletèrent ici,
Jusqu'au jour des dernières crises,
À cette époque où rien n'égala, tu le sais,
L'héroïque valeur des vieux colons français
Avec la barbarie aux prises!

Mais l'orage atteignit à son point culminant
Quand les peuples armés de l'ancien continent,
Héritiers d'antiques colères,
Sur ce sol vierge encor se donnant rendez-vous,
Dans leur ambition transportèrent chez nous
Leurs rivalités séculaires.

Nous luttâmes longtemps, nous luttâmes sans fin,
Jusqu'à ce que, vaincus par le nombre et la faim,
Après la suprême victoire,
Nous dûmes succomber, privés de tous soutiens,
Lorsque le sort jaloux fit en faveur des tiens
Pencher son urne aléatoire.

Et quand le sort, fixant tout espoir incertain,
Eut enfin mis le sceau sur le futur destin
De cet immense territoire,
Du coup de dé final il consola les coeurs,
En décernant à tous, vaincus comme vainqueurs,
Une part égale de gloire.
* * *
Les pages de l'Histoire ont toujours leur verso:
Ce qui semble une tombe est parfois un berceau.
* * *
Souvent le sang versé sur les plaines rougies
Retrempe le ressort des mâles énergies...
Entre les anciens combattants
L'Ange des noirs conflits dès lors ferma son aile;
Et devant nous, depuis, une ère fraternelle
Ouvrit sa porte à deux battants.

La grande loi qui veut que tout meure et renaisse
À fait revivre ici, radieux de jeunesse,
D'ardeur et de virilité,
Un peuple fier d'avoir, en ses veines vivaces,
Le sang chaud et fécond des deux plus fortes races
Dont s'honore l'humanité.

Des préjugés d'antan il a brisé les chaînes;
Et, l'oeil plein du rayon des aurores prochaines,
Il poursuit son noble chemin,
Peuple libre, ennemi de tous les arbitraires,
Peuple de travailleurs, surtout peuples de frères
Qui marchent la main dans la main.

Les rivaux d'autrefois, devenus des émules,
Ont des anciens défis renié les formules;
Et, du sol vaillants défenseurs,
À l'appel du péril, souvent un contre quatre,
Sous les mêmes drapeaux on les a vus combattre
Et vaincre les envahisseurs.

Sans cesse élargissant la route où Dieu les mène,
Reculant les confins de leur riche domaine
En infatigables lutteurs,
Ils ont fertilisé la lande et la savane,
Et nul désert n'a pu lasser la caravane
De leurs hardis explorateurs.

De merveilleux projets l'âme toujours en quête,
Ils ont accumulé conquête sur conquête,
Et l'on voit, d'instants en instants,
Du fond de leurs torrents surgir des métropoles,
Pendant que leurs hameaux se couvrent de coupoles
Et leurs mers de palais flottants.

Ce n'est pas tout encore: ingénieurs sublimes,
De nos himalayas ils ont dompté les cimes
Au travers d'obstacles sans nom,
Et, par un coup d'audace immense et magnifique,
Relié l'Atlantique avec le Pacifique
Par un gigantesque chaînon.

Vaste artère par où, voyageuses cohortes,
Demain les nations jetteront à nos portes
Les richesses de l'Orient;
Car l'heure va venir, l'heure où, sans jalousie,
Sur le sol canadien, l'Europe avec l'Asie
S'embrasseront en souriant.

Voilà ce peuple né de la lutte suprême!
Plus que tout autre il a résolu le problème
De la sainte fraternité:
Chez lui le droit de l'homme au devoir s'associe;
La base de son socle a nom Démocratie,
Et la devise est: Liberté!

Dans la foi collective, il met son espérance...
Non content d'enlacer la fleur-de-lys de France
Avec les roses d'Albion
Il est fier de mêler encore, en sa guirlande,
L'âpre chardon d'Écosse au doux shamrock d'Irlande;
Féconde et robuste union!

Union! union! alliance! harmonie!
Tolérance chrétienne et concorde bénie!
Serions-nous donc les précurseurs
De ces jours radieux que l'avenir recèle,
Jours si longtemps rêvés de paix universelle
Où les nations seront soeurs?
Envoi
Prince, on a dit qu'un peuple heureux n'a pas d'histoire.
Or, tu le vois, sans être un peuple aventureux,
Nous avons notre histoire, et nous vivons heureux,
En dépit de ce mot vide et déclamatoire.

Ce bonheur fait de paix, de calme et de repos,
À qui le devons-nous après la Providence?
Si ce n'est à la fière et libre indépendance
Qui règne sous les plis de tes nobles drapeaux.

Reçois-en donc ici notre hommage sincère!
Les liens qu'en nos coeurs ont créés avant toi
Ton immortelle aïeule et notre auguste roi,
Ta présence aujourd'hui les double et les resserre.

Mais une femme est là qui trône à ton côté:
Dans nos chers souvenirs vivra sa douce image;
Qu'elle accepte, elle aussi, sa part de notre hommage,
Reine déjà, de par la Grâce et la Bonté!

Que tout, jusques à l'air que sa bouche respire,
Se dispute en ce jour l'honneur de la charmer!
Ce n'est pas un pays qu'on devrait surnommer
Le plus beau joyau de l'empire!
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Louis Fréchette (1839-1908) A S. A. R. le duc d'York et de Cornwall
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