À Sarah Bernardt
Réponse aux insulteurs
C'est elle! c'est Sarah la grande! la sirène,
Charmeresse à la voix d'or: n'entendez-vous pas
L'hosanna qui trahit sa marche souveraine,
Et les bravos sans fin que soulèvent ses pas?
Frissons des lyres, choeurs sacrés, harpes d'Éole,
Bruits de gloire tonnant dans des gerbes d'éclairs:
C'est elle! regardez flamber son auréole
Sur l'azur chatoyant des beaux horizons clairs!
Elle vient, saluez! Foules, baisez sa trace!
Cités, faites sonner vos dianes!... Mais non,
Aujourd'hui c'est à nous, à nous ceux de sa race,
D'exalter son génie et d'acclamer son nom.
Elle vient du pays des aïeux, elle est nôtre!
Dans un cycle inouï de triomphants succès,
Elle fait rayonner d'un hémisphère à l'autre
La majesté du Verbe et de l'esprit français.
Cette voix, c'est Paris qui sur le monde essaime,
Et prodigue au dehors le plus pur de son miel;
Ce geste, c'est celui de la France qui sème
Sa semence féconde aux quatre vents du ciel.
Cette âme est un clavier aux cent cordes, où vibre,
- Sanglot d'amour, fanfare ailé, hymne éclatant, -
Sur les plus hauts sommets, votre chant fier et libre,
Ô mâles héritiers des vieux bardes d'antan!
Vivat! Mais elle fuit, son doux éclat se voile;
L'astre inconstant s'en va luire sous d'autres cieux;
Adieu!... Longtemps encore, ô radieuse étoile,
Les reflets de ton vol éblouiront nos yeux.
Va, poursuis ton chemin fleuri, franchis l'espace:
L'universel regret qui te suit du regard
Crie à tous: - Chapeau bas! c'est la Gloire qui passe,
La gloire de la France et la gloire de l'Art!
C'est elle! c'est Sarah la grande! la sirène,
Charmeresse à la voix d'or : n'entendez-vous pas
L'hosanna qui trahit sa marche souveraine,
Et les bravos sans fin que soulèvent ses pas?